Les véritables buts de guerre des Etats-Unis en Irak
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09/10/02 |
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5.48 t.u. |
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Bruno Wetzel |
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Le pétrole est le véritable enjeu, non les "droits de l'Homme"!
En apparence, il s'agit d'organiser un "croisade contre le terrorisme", afin de faire triompher les droits de l'Homme et la démocratie dans des Etats gouvernés de manière despotique; la frappe militaire américaine contre l'Afghanistan et la chute consécutive du régime des talibans ont constitué une première, qui sera suivie par l'éradication de l'Irak de Saddam Hussein. Le Président Bush justifie l'invasion de l'Irak ‹qu'il veut parachever envers et contre les réticences de ses alliés‹ en répandant la nouvelle, horrible, que Saddam Hussein produit des armes nucléaires et chimiques, capables de perpétrer des destructions massives, et avec lesquelles il menace le monde entier.
Désormais pourtant, le scepticisme ne cesse de croître face aux arguments de la propagande américaine. Les voix se multiplient, qui pensent que les Etats-Unis n'ont qu'un objectif réel: se donner une prépondérance définitive sur l'échiquier mondial. Ernst-Otto Czempiel, ancien professeur de politique internationale, a averti le public allemand contre "la politique d'expansion américaine", lors d'un séminaire de l'Académie de Formation Politique à Tutzing en Haute Bavière. Czempiel, qui fut le fondateur de l'irénologie allemande (études sur les processus de paix), reproche à l'Administration Bush d'utiliser les événements du 11 septembre 2001, meurtriers et symboliques, afin d'en faire un prétexte pour concrétiser des objectifs de politique extérieur, planifiés depuis longtemps, mais qui n'ont au fond rien à voir avec la lutte contre le terrorisme.
Qui a fait de Bush le Président des Etats-Unis?
Les intentions actuelles de la politique extérieure des Etats-Unis, explique Czempiel, sont de s'assurer la domination sur les principales réserves de pétrole du monde et de les exploiter, tout en augmentant démesurément le budget de la défense. Ce double objectif explique que le Président Bush doit son élection, pour une bonne part, aux dons substantiels provenant des consortia de l'énergie et de l'armement.
Expressis verbis, Czempiel a dit: "Aujourd'hui l'industrie des missiles et celle du pétrole veulent à leur tour faire triompher leurs intérêts". Ainsi, le Ministre de la Défense Rumsfeld, avant d'accéder à ses fonctions, a été le chef du lobby des missiles à Washington. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que l'on ait décidé de consacrer jusqu'à 250 milliards de dollars pour la mise en ¦uvre d'un nouveau système de défense contre les missiles. De ce fait, le changement de gouvernement que Bush cherche à promouvoir en Irak et en Iran a manifestement pour objectif de s'assurer un accès aux immenses réserves de pétrole. Dans toutes les démarches et actions visant à imposer au monde les intérêts des Etats-Unis, a déclaré Czempiel dans ses conclusions, Washington ne se laissera jamais freiner par l'ONU; quant à l'OTAN, elle n'est plus pour les Etats-Unis que la "femme de ménage européenne".
Une fringale insatiable d'énergie
La fringale des Etats-Unis en matières énergétiques est insatiable, c'est bien connu. Le Président Bush a même l'intention de faire forer des puits de pétrole en Alaska, terre jusqu'ici épargnée par l'industrie pétrolière, où l'écosystème, unique et quasi intact, risque d'être totalement détruit. Malgré cela, les besoins toujours croissants de l'économie et des ménages privés aux Etats-Unis ne pourront être couverts en suffisance. Aujourd'hui, les Etats-Unis veulent, très ouvertement, s'emparer des gisements d'Asie centrale par des expédients militaires. Après l'Arabie Saoudite, c'est l'Irak le deuxième pays au monde sur le plan des réserves; quant aux réserves iraniennes, elles équivalent à celles du Koweit.
Entre-temps, les Etats-Unis prennent pied militairement sur le territoire de l'ancienne URSS. En Ouzbékistan en au Kirghizistan, les Etats-Unis viennent d'installer des bases militaires. Après que le bruit ait couru que le "chef mondial du terrorisme", Oussama Ben Laden, se cachait en Géorgie, des unités spéciales de l'armée américaine sont stationnées dans ce pays. La Géorgie a une frontière commune avec la Russie, ce qui inquiète Moscou. Les intérêts stratégiques des Etats-Unis en Géorgie résultent des énormes réserves de pétrole et de gaz naturel que l'on trouve dans le pays voisin, l'Azerbaïdjan, qui transporte actuellement ces réserves via deux systèmes d'oléoducs: l'un passant par la Russie et débouchant dans la Mer Noire et l'autre passant par la Géorgie pour déboucher également dans la Mer Noire. Les Américains considèrent que les deux tracés risquent à tout moment d'être interrompus. Pour cette raison, ils planifient actuellement un nouveau tracé, passant de la Géorgie à la Turquie pour déboucher en fin de compte directement dans la Méditerranée. Via cet oléoduc, le pétrole en provenance d'autres pays d'Asie centrale pourrait arriver en Occident sans passer par la Russie.
Si le Président Bush parvenait à installer en Irak et même en Iran des gouvernements acceptant la dépendance à l'égard des Etats-Unis et de contrôler ainsi ces deux pays, l'exploitation des gisements de pétrole pourrait être confiée à des compagnies américaines. Mais pour arriver à un tel résultat, il faut d'abord faire la guerre. Les navires de guerre, les avions de combat et les chars d'assaut américains, qui devront mener cette guerre, doivent pouvoir être suffisamment alimentés en carburant, sans provoquer de pénuries dans la métropole américaine ni de charges trop élevées pour l'économie et les consommateurs. Mais comme toute guerre qui serait menée au Moyen Orient pourrait limiter les fournitures de pétrole en provenance de cette région, Washington s'efforce, dès maintenant, de se procurer des ressources de remplacement en Afrique.
L'argent comme appât
Walter Kantsteiner, secrétaire d'Etat auprès du Ministères américain des affaires étrangères, a visité récemment le Nigéria. Ce pays d'Afrique occidentale est le sixième producteur de pétrole au monde et, déjà aujourd'hui, le cinquième fournisseur des Etats-Unis. Kantsteiner a incité le pays à intensifier sa production de pétrole; en effet, d'importantes réserves, situées en face des côtes du Nigéria, n'ont pas encore été exploitées. Les Nigérians, appâtés par l'argent, pensent désormais ne plus s'incliner devant les limitations préconisées par l'OPEC.
En Angola également, les Etats-Unis pensent se tailler une part dans les réserves du pays, qui a été longtemps paralysé par une guerre civile; le pétrole y est exploité, mais en faibles quantités; avec l'aide américaine, les Angolais pourraient très rapidement augmenter leur production en de fortes proportions. Tout comme le Nigéria, l'Angola dispose de nappes pétrolifères devant ses côtes, qui n'ont pas encore été exploitées, au contraire des quelques gisements à l'intérieur du pays.
Le Secrétaire d'Etat américain Kantsteiner vient récemment de prononcer un discours face au Congrès, où il a demandé un engagement militaire américain plus important en Afrique occidentale et centrale, du moins dans les pays qui recèlent du pétrole. Il voulait souligner par là que les Etats-Unis s'intéressaient à exploiter les gisements angolais et toutes les autres richesses du sol "pour le bien de la nation angolaise". Par conséquent, les Etats-Unis doivent aider ce pays à structurer son économie de façon telle, qu'il puisse tirer tous les avantages de ses richesses naturelles en produits pétroliers.
Les Etats-Unis sont-ils dès lors les amis désintéressés de l'humanité toute entière, prêts à aider tous les nécessiteux et miséreux, sans esprit d'égoïsme? Nous pensons que les peuples africains doivent se montrer prudents. Au cours de ses dernières années, près de deux millions de personnes sont mortes dans des conflits qui ont ensanglanté l'Afrique centrale, surtout au Rwanda, où un génocide aveugle a sévi. Mais le gouvernement américain ne s'intéresse pas au sort réel des populations. Car ces millions de mort ont péri loin du pétrole. Par conséquent, il nous paraît parfaitement licite de dire que les Etats-Unis ne visent pas à abattre Saddam Hussein pour apporter aux Irakiens les bienfaits de la liberté et de la démocratie, pour apporter ces merveilles à un peuple qu'ils ont poussé à la ruine, à cause du boycott qu'ils lui imposent depuis plus de dix ans, mais pour s'emparer du pétrole. Rien de plus. Rien de moins.
Bruno WETZEL.
(DNZ/München - Nr. 34 - 16 août 2002).
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