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EDIT :: DELETE Petite contribution à l'histoire du 11 septembre 2001

08/09/02 11.28 t.u.
autonomie.org

Le déferlement médiatique risque d'être rude, cette année encore, à l'occasion du premier anniversaire du 11 septembre 2001. Néanmoins, pour ce qu'on peut percevoir des prémisses de cette commémoration, une hypothèse - de taille - sur les origines de l'événement n'est jamais étudiée. Tout au plus peut-on trouver quelques éléments qui permettent de la reconstituer dans des publications pointues. C'est donc elle que je souhaite formuler ici, rapidement, à travers quelques menus rapprochements. Et pour ne pas vous faire languir plus longtemps, autant l'annoncer d'emblée. Une des causes majeures du 11 septembre 2001, et plus largement de la guerre menée par Al-Qaida, réside dans la politique américaine, non seulement dans le Moyen-Orient (cela est assez communément admis), mais plus précisément en Arabie Saoudite (ce qui est moins souvent dit, et encore moins étayé). Plus encore, il convient de dire que l'Amérique se livre, depuis quelques années, dans la péninsule arabique, à une véritable politique néocolonialiste.

Autrement dit, je voudrais m'écarter de l'éternelle rengaine sur le fanatisme saoudien et du tableau horrifique systématiquement brossé de ce pays (et souvent non sans raison), pour essayer de comprendre, sans diaboliser, comment le terrorisme peut y trouver des relais, dans tous les milieux sociaux.

Lu dans Le Monde

Mais, auparavant, j'aimerais faire un rapide détour par un numéro du Monde, daté du 24 août 2002. Le titre avait attiré mon attention, comme je suppose qu'il a dû attirer celle de Pour lire pas lu. En une du Monde, donc, s'étalait ce titre : "Pourquoi l'Arabie Saoudite inquiète les Etats-Unis". Ineffable placidité du Monde. Voilà un journal qui se soucie des inquiétudes des Etats-Unis à l'heure où ce pays possède, et de très loin, la plus grosse armée du monde, qu'il ne maîtrise d'ailleurs plus très bien, et que celle-ci menace très concrètement, et pour des raisons toujours douteuses, tant d'autres pays. Incroyable impudence aussi de ce titre, où on aurait été en droit de lire à la place, si ce journal faisait encore de l'investigation : "pourquoi les Etats-Unis inquiètent l'Arabie Saoudite".

Mais il y a plus incroyable encore : rien dans la page que Le Monde consacre au sujet, cette fois intitulée "Les Saoud, une richissime monarchie qui inquiète les Occidentaux" (faut-il comprendre que "les Saoud" constituent à eux seuls "l'Arabie Saoudite", et que "les Occidentaux" se traduisent par "les Etats-Unis" ?), rien donc, ou presque, dans cette page, ne vient sérieusement étayer cette crainte. Ainsi, après un long reportage sur les fastes de la famille régnante en vacances à Marbella, qui serait presque "people" par sa fascination pour l'argent s'il n'incitait pas en même temps au mépris pour ces milliardaires oisifs, opulents et sans moralité, une autre demi-page se fait l'écho de "rumeurs sur les retraits des placements saoudiens des Etats-Unis". Là encore, on ne sait rien, on reste à l'extérieur du "mystère" des Saoud, mais Le Monde publie quand même l'article - à base de rumeurs, donc. "Même les plus fins limiers du FBI ou de la CIA ne sont pas parvenus à remonter la filière très complexe de la richissime famille Al Saoud" conclut l'article. On comprend qu'un journal ait besoin d'aguicher pour mieux se vendre, ou qu'il manque parfois de journalistes l'été, mais est-ce bien ainsi, par des promesses trompeuses, des attentes déçues et des rumeurs invérifiables, qu'il fidélisera ses lecteurs ?

Seul le dernier papier évoque enfin, avec force précautions, et entre autres considérations, le "statut menacé" de "l'allié privilégié de Washington", et le projet de scission du royaume, qui circule parmi les conseillers du ministère américain de la Défense. Cela vaut la peine d'être précisé : selon ce projet, la province orientale renfermant l'essentiel des gisements pétroliers pourrait être séparée de l'Arabie Saoudite.

Pourquoi les Etats-Unis inquiètent l'Arabie Saoudite

Tel est donc ce qu'on ne lira pas, ou difficilement, dans Le Monde, qui opte dans ses grands titres et dans la majorité de ses articles - dans ses articles les plus mis en avant - pour la solidarité avec "l'axe du Bien", au prix de toute rigueur et du risque très probable de manipulation.

Des raisons objectives de s'inquiéter existent pourtant, même si elles ne sont pas souvent rappelées. Qu'on en juge plutôt. L'Arabie Saoudite est l'une des rares nations du Moyen-Orient à n'avoir jamais vraiment été colonisées, et à avoir été indépendantes pendant la première moitié du 20e siècle. Mais, depuis quelque temps, elle semble vivre, à quelques nuances près, ce qu'on trouve un peu partout ailleurs sous le nom de néocolonialisme - on place au pouvoir des présidents ou des rois fantoches, plus ou moins corrompus et autocrates, qui, en échange de ce pouvoir à vie, ferment les yeux sur les trafics de toutes sortes opérés sur leur territoire par d'anciennes puissances coloniales. Le Zaïre de Mobutu en est un exemple parfait, dont le processus est admirablement décrit dans Lumumba, le film de Raoul Peck sorti en septembre 2000 (un film remarquable, vraiment, à voir ne serait-ce que pour le portrait de ce héros de l'indépendance congolaise) : il n'est pas excessif de dire que, malgré les apparences, le Congo n'a jamais connu d'indépendance véritable ; d'où la facilité avec laquelle les puissances occidentales ont pu maintenir des réseaux d'influence. En Arabie Saoudite, en revanche, il n'y avait pas de réseaux déjà installés. Malgré l'immense richesse du sous-sol (un quart du pétrole mondial), les occidentaux n'ont probablement jamais eu sur ce pays la main-mise qu'ils ont conservée, ou conquise, sur l'immense majorité des pays d'Afrique, d'Amérique latine ou d'Asie riches en hydrocarbures ou en minerais précieux. Parmi les exceptions, relatives, et malheureusement fragiles, on trouve actuellement le Venezuela d'Hugo Chávez, où des lobbies soutenus par le Ministère américain de la Défense ont lancé un coup d'Etat le 11 avril dernier, mais qui a été aussitôt défait par des manifestations populaires.(1) Parmi ces exceptions, on pouvait donc compter aussi l'Arabie Saoudite, que les sociétés britanniques ont désertée dans les années 20, désespérant d'y trouver du pétrole. C'était l'un des rares pays "non occidentaux" au monde à avoir été aussi largement indépendants que riches. Certes, les majors américaines exploitaient le pétrole saoudien depuis 1933. Certes, les Américains avaient installé une base militaire à Dharan après la seconde guerre mondiale. Mais quand l'OPEP, et à travers elle l'Arabie Saoudite, a décidé un embargo pétrolier, et projeté la nationalisation progressive des majors, les Américains n'ont rien fait. Mieux : "en 1988, les Américains sortent définitivement de la société Aramco. Chevron, Texaco, Exxon et Mobil, qui avaient déjà laissé l'Etat saoudien rentrer à hauteur de 25 % du capital en 1972, puis de 60 % en 1974, revendent leurs dernières actions à l'Arabie Saoudite", écrivent Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié.(2) Mais l'indépendance, si elle semble totale sur le plan économique, n'est pas complète : de nombreux Américains continuent de travailler dans cette entreprise gigantesque, aussi bien parmi les membres du conseil d'administration que dans les postes d'encadrement, et ils conservent des liens très forts avec les Etats-Unis. Voilà qui ressemble fort à certaines "décolonisations", au Congo-Kinshasa par exemple : sous la façade de l'indépendance, les postes clefs restent aux mains des anciens maîtres.

Enfin, en 1990, comme pour parachever la prise de contrôle, ou récupérer ce qu'ils craignent de perdre, les Etats-Unis déclenchent la guerre du Golfe : l'état-major américain laisse croire à Saddam Hussein que leur armée n'interviendra pas si celui-ci envahit le Koweït, puis lui déclare la guerre ; et le même état-major américain laisse entendre à l'Arabie Saoudite qu'elle est menacée par l'Irak, sans aucune preuve véritable, et l'entraîne dans un conflit qui renforce sa dépendance vis-à-vis de l'armée américaine.(3) Cinq cent mille soldats débarquent sur la terre du prophète, ce qui scandalise une population déjà chauffée à blanc, et Riyad se voit contrainte de régler une facture de 55 milliards de dollars. Le sentiment d'être "colonisé" s'exprime alors de plus en plus ouvertement. Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié confirment cette impression : "rien ne va plus dans le royaume : en 1993, les conséquences de l'effort de guerre se traduisent pour la première fois par d'importants déficits budgétaires. Le régime, l'un des plus riches au monde, doit même avoir recours à l'emprunt pour financer le développement économique ! En 1994, le budget sera même réduit de 20 %. Parallèlement, une enquête du New York Times fait apparaître qu'une partie du trou dans les finances budgétaires serait due aux prêts accordés aux membres de la famille royale, qui n'ont pas pensé une seconde à rembourser ces sommes."(4) La famille régnante se trouve ainsi prise entre deux feux : d'un côté le soutien aux Américains, tantôt forcé, tantôt complaisant, qui les conduit à ruiner le pays sans pour autant se ruiner eux-mêmes, de l'autre une aspiration à l'indépendance qui s'exprime dans toute la population, toutes classes sociales confondues, et qu'ils ne contrôlent plus. Ben Laden a alors beau jeu de se faire le défenseur des services publics saoudiens, et de poser en héros de l'indépendance : "L'homme de la rue sait que son pays est le plus gros producteur de pétrole du monde, et pourtant il subit des impôts et ne bénéficie que de mauvais services. Le peuple comprend maintenant le discours des oulémas dans les mosquées - selon lequel notre pays est devenu une colonie américaine" ; ou encore : "Aujourd'hui, les Etats-Unis ont un double langage, appelant terroriste quiconque va à l'encontre de leur injustice. Ils veulent occuper nos pays, voler nos ressources, imposer leurs agents pour nous diriger (...) et ils veulent que nous soyons d'accord".(5) Faut-il chercher plus loin les motivations des kamikazes du Word Trade Center ? N'y a-t-il pas là une des causes principales du 11 septembre ? L'Arabie saoudite est devenue un immense réservoir à pétrodollars et à bombes humaines pour des attentats anti-américains.

Voilà ce qu'on aimerait entendre un peu plus souvent, surtout à l'heure où se prépare une nouvelle "croisade" sur l'Irak, et où l'on commémore de façon assez consensuelle le 11 septembre 2001. Quelles que soient les déclarations pseudo-islamiques de Ben Laden et de ses "frères en islam", leurs actes procèdent aussi d'une colère qui est juste. Les journalistes auraient intérêt à pousser leurs investigations un peu plus dans cette direction-là, pour démonter le piège qui s'est refermé sur l'Arabie Saoudite. Le fanatisme religieux n'a probablement fait que donner une forme à cette colère, son contenu est ailleurs. Et nous autres "occidentaux" aurions également intérêt à entendre, à écouter cette colère d'un peuple, aussi intégriste fût-il, pour ne pas nous faire plus longtemps les complices d'une imposture, d'une injustice qui se fait en notre nom. Nous pouvons quelque chose, ne serait-ce que dire cette imposture, cette injustice-là, et nous opposer aux guerres à venir.(6) Nos critiques du fanatisme religieux auraient peut-être, alors, un peu plus de poids.

Et si le mot de "néocolonialisme" gêne, on peut en choisir un autre, celui de "néo-impéralisme" par exemple. Depuis quelque temps, des journalistes, des universitaires et des conseillers américains utilisent eux-mêmes les termes d'"hégémonie", d'"empire", voire de "colonisation", ainsi que la comparaison avec Rome, tout cela sans l'ombre d'une connotation négative.(7) Là n'est pourtant pas l'essentiel. Ce qu'il faut rappeler sans relâche, c'est que l'analyse de ces "experts" est fausse, le cas de l'Arabie Saoudite le démontre. La politique néocoloniale, néoimpériale, n'est pas une solution aux désordres de la planète. Bien au contraire. Elle en est - dans une large mesure, qui est appelée à s'accroître si on ne fait rien - la cause.

J.Baptiste

(1) Lire par exemple Le Monde diplomatique de mai ou de juin 2002. Le silence des grands médias français sur ce putsch clairement soutenu par les Etats-Unis est d'ailleurs assez inquiétant.

(2) Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, Ben Laden, la vérité interdite, Editions Denoël, Paris, 2001, p. 100. Les données économiques de cet article, et les informations concernant les majors pétrolières, proviennent de ce livre.

(3) Voir par exemple _Les dessous de la guerre du Golfe, de Audrey Brohy et Gerard Ungermann (diffusé sur Arte, le 17 janvier 2001). Pour retrouver la plupart de ces informations : transnationale.org

(4) J.-C. Brisard et G. Dasquié, Ben Laden, la vérité interdite, p. 104.

(5) Extraits de "Oussama Ben Laden par Robert Fisk", in Le Monde daté du 19 septembre 2001, et de "Etats-Unis, excès de puissance", in Le Monde diplomatique n°571, octobre 2001 (déjà cités dans "Pendant les attentats, le bourrage de crâne continue").

(6) Sur ce sujet, on pourra lire, par exemple, la fameuse "Lettre de citoyens américains à leurs amis en Europe" : terredescale.net

(7) Lire "La tentation impériale", de Philip S. Golub, in Le Monde diplomatique de septembre 2002. On y trouve cette précision, sur le néo-impéralisme : "Que l'objectif des Etats-Unis ne soit pas l'acquisition territoriale directe mais le contrôle ne change pas grand chose à l'affaire".

Précédents messages sur "le 11 septembre" :

"Pendant les attentats, le bourrage de crâne continue" autonomie.org/messages/011109

"La collaboration par l'exemple : un édito de Libération" autonomie.org/messages/020102

 
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