07/10/04 10.49 t.u. Johann F Balvany

La Croisade ordonnée par Bush et Blair contre l’Irak mésopotamien a été justifiée par des mensonges et des tromperies, et commencée à la suite d’entorses continues à l’endroit du droit des gens. La “libération” de l’Irak, tant claironnée, s’effectue par l’engagement perfide d’autre Etats, par la mobilisation de capitaux à grande échelle, de façon à faire accepter une guerre de très longue durée.

Le bulletin “Foreign Report”, publication confidentielle du “Jane’s Information Group”, un groupe qui s’intéresse aux problèmes stratégiques et militaires dans le monde, révèle que l’administration militaire américaine confie de plus en plus de tâches militaires à des entreprises privées, qu’elle paie royalement. Pourtant, les Etats-Unis avaient officiellement débloqué 85 milliards de dollars pour des opérations militaires au Moyen Orient. Dans cette somme, 28 milliards devaient servir à payer des hommes et des femmes servant dans des organisations paramilitaires. Le magazine “Jeune Afrique”, qui paraît à Paris, estime que la solde de chacune de ces personnes engagées dans des firmes privées s’élève à 170.000 dollars par an, sans compter les montants payés sous la table, que l’on ne peut correctement estimés.

La Convention de Genève, ratifiée pourtant par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, interdit l’engagement de mercenaires de ce type, ce qui entraîne que toute personne agissant dans le cadre d’un tel mercenariat, tombe en dehors de la protection accordée aux combattants réguliers par les conventions de La Haye de 1899 et de 1907, réglementant les modes de toute belligérance effective déployée sur le terrain. En clair, cela signifie que ces personnes sont considérées, sur le terrain, comme hors-la-loi. Ainsi, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, qui agissent en Irak pour le compte du régime d’occupation anglo-américain et ne portent pas d’uniforme, tombent dans cette catégorie. Au départ, on les engage pour effectuer des missions de transport, de construction et de reconstruction, de réparation de matériels, etc. Plus tard, pour la manipulation de drones, pour la surveillance de prisonniers et pour des patrouilles. Tout cela sans porter d’uniforme, armés de fusils d’assaut de type M4 et de canons de 20 mm montés sur hélicoptères de combat. On pense aussi que des mercenaires participent aux missions des bombardiers furtifs; trente anciens pilotes de l’armée irakienne, pense-t-on, participeraient aux opérations des appareils de l’US Air Force qui bombardent et attaquent leurs cibles en rase-mottes.

Ces opérations deviennent de plus en plus dangereuses, vu la résistance irakienne. Les sphères dirigeantes de l’armée américaine s’efforcent donc d’engager de moins en moins d’effectifs officiels. “Foreign Report” a constaté, au début de 2004, que le Caporal Tomasi Ramatau, 41 ans, a été tué lors d’une attaque à la roquette contre un aérodrome de Bagdad. Mais il était mercenaire et non pas soldat officiel de l’US Army : il n’apparaît donc sur aucune liste de morts au combat. Officiellement, ne meurent que les membres réguliers et effectifs des armées américaine et britannique. Le chiffre officiel des morts est de 952 [ndlr: depuis la rédaction de cet article, le chiffre a dépassé le millier d’hommes]. Mais les mercenaires, à la solde des Etats-Unis, dépasseraient déjà le chiffre de 10.000 en Irak, chiffre qui ne cesserait d’augmenter, même si la résistance locale devient une menace de plus en plus sérieuse pour les troupes d’occupation.

Le Pentagone a donné mission à une firme privée d’entraîner la nouvelle armée irakienne; un autre a reçu pour tâche de mettre sur pied les nouvelles forces de police dans le pays jadis gouverné par Saddam Hussein. Lors du sommet de l’OTAN, en juin dernier, qui s’est tenu à Istanbul, l’Autriche a proposé, dans le cadre de sa participation au “Partenariat pour la Paix”, de procéder à l’entraînement et à la formation de forces armées irakiennes. Le Chancelier fédéral autrichien Schüssel et le Ministre de la défense Platter, au nom de leur parti, l’ÖVP, devraient pourtant se demander si une telle action est compatible avec la neutralité autrichienne [ndlr : qui devrait être un modèle pour toute l’Europe]. Je dirai même plus : est-il souhaitable que l’Autriche s’immisce ainsi dans une guerre civile étrangère en Mésopotamie? Un tel engagement est-il constitutionnel? Enfin, ce travail de “formation” ne met-il pas en danger les intérêts traditionnels de l’Autriche au Moyen Orient?

Avant que l’Espagne ne retire ses troupes d’Irak, le Commandeur espagnol, le Général José Enrique Ayala, avait déclaré que les soldats espagnols n’avaient pas été envoyés en Irak pour participer à des opérations ou des combats, tels ceux qui se déroulaient à Bagdad et ailleurs dans le pays. Le Ministre espagnol de la défense, José Bono, a refusé que les soldats espagnols participent à des actions contraires aux principes du droit des gens, sur l’ordre des Américains.

Johann F. Balvany.
(article paru dans “Aula”, n°9/2004).