Une femme à la direction au bureau politique du Hezbollah
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22/04/05 |
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14.41 t.u. |
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L'Orient-Le Jour |
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Une nouvelle voix féminine se fait entendre depuis quelques mois au sein du bureau politique du Hezbollah. Entourée d’une équipe exclusivement masculine, Rima Fakhry est l’unique militante au parti à avoir été promue à la cour des grands. Nommée analyste aux côtés de trois autres membres du parti, cette jeune mère de 32 ans se dévoue corps et âme à sa nouvelle mission. Après avoir été pendant plusieurs années à la tête de l’Association des femmes du Hezbollah, Mme Fakhry accède au bureau politique où elle est chargée de dynamiser la relation de la direction du parti avec sa base féminine et d’apporter un éclairage sur les grands événements qui marquent la scène internationale.
Dotée d’une force de caractère qui ne ternit en rien sa féminité ni son rôle de mère au foyer, la jeune militante refuse d’être cataloguée à cause de son identité sexuelle. « Ce que j’apporte au parti n’a rien à voir avec le fait que je suis une femme, dit-elle. La plus-value que je peux offrir est mon expérience auprès des femmes du Hezbollah que j’essaye de mettre en valeur depuis mon accession au bureau politique. »
Plus concrètement, Rima organise des rencontres avec les militantes du parti pour les sensibiliser à la lecture politique et discuter des derniers développements sur le terrain. Outre cette mission, Mme Fakhry suit de près la couverture médiatique et la littérature produite concernant la stratégie des grandes puissances et la situation régionale.
« Mon analyse n’a rien à voir avec le fait que je suis une femme, certifie la jeune militante. Certes, je lis plus que les autres qui sont plus rivés vers l’audiovisuel, mais ma psychologie de femme ne déteint jamais sur mes opinions politiques. » « En tant que femmes du Hezbollah, nous ne laissons jamais nos sentiments l’emporter sur les considérations idéologiques et politiques », dit-elle. Au moment où plusieurs voix se sont élevées pour réclamer une plus grande implication des femmes dans les décisions internationales, quel est l’avis de Rima Fakhry, mère et militante, sur son rôle futur en faveur de la paix dans la région? « On a souvent dit des mères palestiniennes qu’elles ont le cœur dur, du fait qu’elles envoient leurs fils à la guerre, rappelle Mme Fakhry. Leur est-il demandé au nom de la paix qu’elles arrêtent leur résistance parce qu’elles sont mères ? Personnellement, je suis prête à étouffer, à écraser mes sentiments s’ils doivent s’exprimer aux dépens de mes principes et des mes valeurs. » Une attitude qu’elle cherche à transmettre à son propre fils à qui elle souhaite « que soit mis fin à sa vie au nom de la résistance et des valeurs pour lesquelles il croit et qui lui vaudront le paradis et la vie éternelle, souligne-t-elle. Est-ce à dire que je n’ai pas d’affection pour lui ou d’aspiration pour la paix ? Au contraire », réplique la jeune mère en indiquant que l’incompréhension de l’Occident face à la notion de martyre « est une question de différence de culture ».
Avec une telle conception de la vie et de la mort, le Hezbollah sera-t-il jamais prêt à la paix ? « L’islam est une religion de paix et notre culture est au cœur de la globalisation. Or, poursuit Rima Fakhry, face à la “globalisation de l’agression et de la suprématie” qui envahit le monde, nous leur opposons un combat pour la paix. » Une paix que le Hezbollah ne voit pas encore poindre à l’horizon puisque « le danger que représente Israël existe toujours aussi bien pour le Liban que pour la Palestine ». Pour Mme Fakhry, le parti de Dieu ne renoncera à ses armes « comme force de dissuasion stratégique » qu’une fois « le danger disparu ». Elle soutient que lorsque l’État libanais sera prêt à signer la paix avec Israël – « une entité avec laquelle nous, en tant que parti, ne croyons pas pouvoir établir des relations pacifiques – à ce moment-là nous serons prêts à en discuter ».
Priée de commenter les déclarations « contradictoires » des responsables de son parti, notamment au sujet de la création d’une armée de réservistes au sein de l’armée libanaise et de la remise des armes du Hezbollah, la militante affirme qu’« il ne s’agit pas de positions contradictoires mais d’un discours différent ». « Sayyed Nasrallah a affirmé plus d’une fois que tout est discutable mais à une seule condition, que la protection du Liban soit assurée contre les agressions israéliennes, rappelle-t-elle. Quant à la question de l’armée des réservistes, il s’agit d’une idée qui a été lancée et qui n’a jamais été discutée au sein du parti. » La jeune militante rappelle au passage que le secrétaire général du Hezbollah a invité « à plus d’une reprise toutes les parties libanaises à se mettre à la table des négociations pour évoquer cette question et les armes du parti. Mais personne n’a répondu à l’appel, dit-elle. Si les parties tierces ont une meilleure proposition et si elles arrivent à nous convaincre du bien-fondé d’une armée de réservistes, soit».
Dans un État fragilisé par la diversité confessionnelle, certaines communautés se sentent menacées par des armes qui sont détenues exclusivement par une communauté. Comment le Hezbollah peut-il rassurer les Libanais que cet armement ne se retournera pas un jour contre certains d’entre eux ? « C’est l’histoire récente du parti qui leur donne la réponse », indique Rima Fakhry en soulignant que depuis « la libération du pays en 2000, nous vivons en totale harmonie avec les autres communautés, notamment dans les régions mixtes. Jamais une arme n’a été brandie face à un compatriote », « même contre ceux qui furent jadis nos ennemis », assure la jeune femme en allusion aux proches des combattants de l’Armée de libération du Sud d’Antoine Lahd. Et de conclure : « Cette peur est illusoire. Elle est nourrie par ceux qui en tirent profit. Nous disons à nos partenaires dans la nation de venir dialoguer avec nous, loin des ingérences étrangères. »
Jeanine Jalkh pour :: lorient-lejour.com.lb ::
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