Altercation avec Bruno Gaccio
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15/01/05 |
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9.17 t.u. |
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Robert Faurisson |
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Bruno Gaccio est le principal responsable des « Guignols de l’Info », émission satirique de la chaîne de télévision Canal .
A Paris, boulevard Saint-Germain, en ce dimanche printanier, peu avant midi, je suis attablé à la terrasse du café de Flore, tout près de la porte d’entrée. Surgit B. Gaccio, tenant à la main un très jeune enfant (son fils ?). Sans me lever de mon siège, je le hèle et, sur un ton enjoué, je lui fais compliment de ce qu’à une récente émission de Thierry Ardisson il m’a « volé » (sic) une idée qui m’est chère et qui peut se résumer ainsi : « Tout le monde est pour la liberté d’expression, MAIS… » et ce sont ces MAIS qui, comme on dit, font problème. Personnellement, lorsque je vois un individu se gonfler d’estime pour sa propre ouverture d’esprit parce qu’il se prononce bravement en faveur de la liberté d’expression, je lui demande de me faire grâce de cette balançoire et de me confier, séance tenante, quels peuvent bien être ses « MAIS », c’est-à-dire ses restrictions.
Nous convenons, B. Gaccio et moi, de nous retrouver quelques minutes plus tard. Il se rend à une table où l’attend une personne qu’on me dit être la petite-fille du cinéaste Gérard Oury. Je vais donc le trouver. Il m’invite à m’asseoir à sa table. Je décline l’offre et lui fais comprendre que je préférerais une conversation en tête-à-tête. Nous voici donc debout face à face. Je commence par m’assurer qu’à l’émission de T. Ardisson mon interlocuteur a bien déclaré que, pour sa part, il ne voyait qu’une restriction possible à la liberté d’expression : le cadre. Pour lui, tout dépend du cadre où l’on s’exprime.
Je lui révèle mon identité. Il s’empresse de me faire savoir qu’il est d’accord avec Noam Chomsky sur mon droit à m’exprimer. Un peu plus tard, il ajoutera que j’ai le droit d’exprimer mes « conneries ». Je lui demande ce qu’il a lu de mes écrits ou des écrits des autres révisionnistes. Il prétend savoir nos arguments mais la suite immédiate de notre conversation prouve que ce qu’il sait de nous, il le tient exclusivement de ce que nos adversaires disent que nous disons. Je m’apprête à lui donner succinctement un aperçu de l’un de nos arguments. « Arrêtez, me dit-il, ou je vais vous frapper. » Pour ma part, je m’efforce de conserver un ton fort civil. Il s’échauffe. Il me reproche de me peindre en victime d’une persécution. Je lui rétorque qu’il fait fausse route. Je lui dis que le mot de persécution est impropre vu qu’en réalité ce qui s’exerce, c’est une répression. Je vais pour ajouter que le fort persécute moins qu’il ne réprime. Mais, me coupant la parole, il renouvelle sa menace : « Arrêtez tout de suite ou je vais vous frapper. »
Avec le sourire je lui dis que j’en prends acte. L’entretien m’a paru instructif.
J’ai eu tout loisir d’observer mon interlocuteur et, notamment, les mouvements de sa pomme d’Adam ; chez certains hommes, c’est là que se trahissent les émotions les plus intimes, mieux que dans d’autres indices comme la voix elle-même, les yeux, les plis du front, les mimiques de toute sorte si bien notées dans « Les Guignols de l’info ». B. Gaccio, je crois pouvoir le dire, éprouvait plus de peur que d’indignation. Reste, bien sûr, à savoir de quoi cette peur-là, qui lui nouait la gorge, pouvait bien se composer. J’ai mon idée là-dessus.
Complément du 23 octobre 2004
En septembre 2004, sous le titre Le Guignol et le Magistrat, les éditions Flammarion ont publié des entretiens sur la liberté d’expression entre B. Gaccio et Philippe Bilger, avocat général près la cour d’assises de Paris. L’incident qui m’a opposé à B. Gaccio s’y trouve relaté (p. 257-260).
Deux propos me sont prêtés, lesquels, ni dans le fond ni dans la forme, ne peuvent être de moi : « Je suis un persécuté de la liberté d’expression » et « Laissez-moi vous expliquer mes idées et vous verrez, je vais vous convaincre ». Par ailleurs, B. Gaccio omet de dire qu’il s’est déclaré d’accord avec Chomsky dans sa défense des révisionnistes. Il prétend m’avoir lancé : « La preuve de votre idiotie a été faite » ; s’il avait prononcé une telle phrase, je n’aurais pas manqué de lui demander où, d’après lui, cette preuve avait été apportée. Il s’attribue enfin abusivement une attitude glorieuse et déterminée.
Il ajoute qu’il a rejoint la table où, avant notre rencontre, il s’était fait traiter d’antisémite par Danièle Thompson. « S’assied alors [à notre table] Jorge Semprun, le Semprun rescapé des camps de concentration. Je leur ai raconté ce qui était arrivé et on a ri, tellement c’était énorme… ». Dans l’ouvrage en question, sorte de « livre-magnétophone » sur un sujet rebattu, Ph. Bilger enchaîne alors sur la loi antirévisionniste, qu’il désapprouve, et il ajoute : « Quoi qu’il en soit, je comprends que vous ayez pu rire tous les trois ce jour-là au Flore. » Il ne manifeste pas de réprobation à l’égard de B. Gaccio. A son compère il ne fait pas remarquer la contradiction qu’il y a pour un adepte de la liberté d’expression à menacer de violence physique un « vieux bonhomme » et même à se vanter d’avoir proféré une telle menace. Pour Ph. Bilger, le révisionnisme est dérisoire : « Vous sortez deux photos, trois films, et on n’en parle plus. Je n’ai pas peur des révisionnistes » (p. 342).
B. Gaccio a toute la finesse d’un métallo cégétiste. Devenu à la télévision casseur d’assiettes attitré, il ne casse en fait rien du tout. Il est maintenant très riche et tient à nous le faire savoir. Quand ses patrons froncent le sourcil, il leur répond d’abord qu’il n’en fera qu’à sa tête mais, très vite, il finit par obtempérer et c’est pour cette raison que, depuis douze ans, il conserve son emploi.
Il multiplie les bourdes d’autodidacte. Désireux d’évoquer l’agora, il mentionne « le forum grec antique » (p. 97). Voulant dire « attaque ad hominem », il parle d’ « attaque ad nominem » (p. 154). Il égrène, mais pour n’en rien dire, les noms de Socrate, d’Aristophane, de Platon et d’Aristote (p. 340). A tout coup on le voit ainsi prendre le Pirée pour un homme ou étaler une science d’emprunt.
Subtil comme Jdanov, il vient de changer d’avis sur la liberté d’expression : selon lui, celle-ci n’est plus une affaire de « cadre » mais d’ « outils ». A l’émission télévisée de Thierry Ardisson, « Tout le monde en parle » (23 octobre 2004), on lui a demandé si, à son avis, Bruno Gollnisch devait avoir le droit d’exprimer son opinion sur les « chambres à gaz ». Réponse de l’intéressé : « Oui, s’il a les outils pour ! »
14 mars 2004 (avec complément du23 octobre)
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