:: Célébrité et maladresse
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05/08/02 |
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5.02 t.u. |
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Philippe Randa |
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Je n'aurai jamais imaginé consacrer une troisième chronique à "l'affaire Maxime Brunerie", obscur militant de tous les groupuscules de la droite dite extrême qui, s'imaginant être le Ravaillac du XXIe siècle, se retrouve n'être, une fois au cachot, qu'un pauvre garçon aussi paumé que maladroit.
Et pourtant, la rubrique "Rebonds" du quotidien Libération(1) m'y pousse. Ce "Journal de la semaine" est tenu, cette fois, par la romancière Ysabelle Lacamp dont on est heureux d'apprendre qu'elle a déjà écrit moultes romans aux sujets historiques ou contemporains. Il y a des choses, comme ça, qui, bêtement, vous ont échappé jusqu'alors, mais ce n'est pas le sujet.
Cette dame nous rappelle que le Président Jacques Chirac failli y passer le 14 juillet dernier : "L'acte minable d'un Maxime Brunerie aura permis de faire passer un groupuscule d'extrême droite à la trappe. Sans sous-estimer haine et violence inhérentes au mouvement, l'individu, dit-on, aurait moins agi par hargne politique que pour se faire un nom. Faut-il qu'une société soit assez malade pour vouloir flinguer un président avec, pour toute ambition, celle de se faire remarquer par son voisin de palier !"
Ouf ! Il fallait le dire et madame Lacamp a osé l'écrire !
Je n'ai certes pas lu tous les journaux, écouté tous les témoignages, recueillies toutes les informations sur la pantalonnade du 14 juillet dernier, mais je n'en avais tout de même retenu, en ce qui concerne les motivations secrètes du redoutable tueur, que, selon ses propres déclarations, le simple désir "d'éliminer un escroc politique", et, selon celles de son avocat, encore plus simplement de "se suicider". Nulle part, je n'ai lu ni entendu qu'il ait voulu se faire un nom. Je pense donc que dame Lacamp a pris ses désirs pour des réalités, mais que cela n'a pas grande importance. Sinon, tout de même, de révéler qu'on peut encore se scandaliser d'une telle intention, vraie ou fausse.
Si c'était le cas, Maxime Brunerie aurait un prédécesseur célèbre en la personne de l'Éphésien Érostrate. De naissance obscur, celui-ci n'avait rien trouvé de mieux pour se faire remarquer que de brûler le magnifique temple de Diane dans sa ville natale. Il fut bien évidemment condamné à mort et les juges de l'époque - nous sommes alors au IVe siècle avant Jésus-Christ - ne trouvèrent, eux, pas de meilleure sentence que d'interdire que l'on prononce à jamais son nom. Ce, afin qu'il soit en quelque sorte doublement puni, puisque la célébrité avait justement été le motif de son acte de vandalisme.
Évidemment, à cause de cette sentence grotesque des juges d'Éphèse, Érostrate est depuis cité dans tout bon dictionnaire et dans toutes conversations de fins lettrés qui se respecte. Et d'être à nouveau à l'honneur, grâce à cette chronique, sur le très moderne réseau internet.
Tel aurait sans doute été le cas de Maxime Brunerie s'il avait réussi. Mais voilà, il a échoué. Que cela fut ou non sa motivation, l'Histoire a horreur des maladroits.
Et Jacques Chirac n'entrera pas non plus au panthéon des victimes présidentielles, mais il n'y tenait peut-être pas non plus.
On ignore bien évidemment ce que sera son quinquennat, mais s'il est à l'image de son précédent septennat, il risque bien de ne rester dans l'Histoire que l'Homme de la brillante dissolution de 1997 et de la réélection au score de République bananière de 2002.
À maladroit, maladroit et demi et l'Histoire, disais-je
Philippe Randa
Note
(1) édition des samedi 3 et dimanche 4 août 2002.
Philippe Randa
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