:: Heureux comme un enfant de la Courneuve en France
 |
04/11/02 |
 |
8.11 t.u. |
 |
Philippe Randa |
|
Increvable Bernard Tapie ! C'est le titre d'un article que lui consacre le magazine Capital(1) qui nous rappelle qu'après tous ses innombrables déboires (saisie, redressement fiscal, faillite personnelle, prison) l'ex-ministre mitterrandien de la ville se porte diaboliquement bien.
Tête froide et sourire aux lèvres
Certes, il ne brigue plus (pour le moment en tout cas) de mandat électoral et ses dernières prestations à la tête de du club de football marseillais n'ont guère été couronné de succès. Quoique… Capital nous apprend tout de même que s'il ne touchait aucun salaire à l'OM, ses frais, tous ses frais, étaient pris en charge. D'après l'ex-directeur administratif du club Pierre Dubiton, ce n'était pas rien : "De la limousine au jet privé (…) je peux vous dire qu'il ne se gênait pas".
Bon, mais cela, c'est le problème du propriétaire du club Robert-Louis Dreyfus.
De même, les dernières vacances de la famille Tapie en Crête, puis à Ibiza. Le premier séjour lui fut entièrement offert par son ami le chef Jacques Le Divellec afin que madame Tapie, d'origine grecque, puisse revoir son pays dont elle avait tant la nostalgie... et le second séjour par Jacques Séguéla qui possède en Espagne une villa.
Et pour aller d'un lieu à un autre, rien de mieux que le jet privé d'un quatrième ami, l'ex-ferrailleur Michel Coiencas.
Avec des amis comme Dreyfus, Le Divellec, Séguéla et Coiencas, Bernard Tapie peut affronter la meute de ses détracteurs la tête froide et le sourire aux lèvres.
Des ennemis qui l'aurait tout de même ruiné, dit-on. Là encore, Capital nous donne quelques informations qui ne manquent pas de piquant sur la situation financière de l'ex-protégé de François Mitterrand.
Professionnellement, tout d'abord, Bernard Tapie ne pointe pas au chômage. Ce n'est pas le genre. De son rôle dans le film Hommes, femmes, mode d'emploi de Claude Lelouch en 1996, à son actuelle émission À tord ou à raison sur TF1, en passant par ses 300 représentations de Vol au-dessus d'un nid de Coucou au théâtre et par les 83 émissions sur RTL9 entre 2000 et 2002 (et quelques autres juteuses broutilles), son emploi du temps été plus que rempli.
Enfin, dirons bien des braves gens avec "tout ce qu'il a volé, il est normal qu'il travail pour rembourser toutes ses dettes".
Vraiment ? Tapie en rit encore, car depuis huit ans, le cabinet Pavec Courtoux chargé de récupérer de quoi payer les créanciers, n'a ponctionné en tout et pour tout que 30 % de ses revenus… et à lire les sommes gagnées par l'intéressé et qu'indique Capital(2) on se dit que ses fins de mois ne sont pas trop difficiles.
Les quelques deux millions de Français soumis actuellement à un plan de surendettement apprécieront !
Il n'a encore rien perdu !
Oui, mais Bernard Tapie a perdu toute sa fortune. Que non ! Le si indiscret Capital nous apprend, pour ceux qui l'ignoraient, que l'homme d'affaires loge toujours – qui plus est gratuitement – dans son hôtel particulier de 1000 m2 à Saint-Germain-des-près. À cause d'imbroglios juridiques que l'intéressé fait évidemment durer, la vente est sans cesse repoussée et "comme tout chef d'entreprise mis en faillie personnelle, l'animateur (sic !) ne peut pas être expulsé de son logement tant qu'il n'a pas été vendu". Mais la cerise sur le gâteau, c'est d'apprendre qu'il ne paie même pas la facture d'électricité, ni la taxe foncière : "Tout est à notre charge, confirme le cabinet Pavec Courtoux. Nous payons même la gardienne".
Bon, le malin Tapie fait durer son hôtel particulier, mais en tout cas il a bel et bien perdu son yacht Le Phocéa, ainsi que tous ses meubles.
Pour le bateau, d'accord, mais Tapie profite toujours du bon air du large à la barre "d'un immense yacht" , loué par un autre de ses amis, l'impresario de joueurs de foot Luciano D'Onofrio… Quant à ses meubles, surprise ! Qui a dit qu'ils avaient été vendus ? Saisis, oui, mais seules quelques commodes et chaises Louis XV ont trouvé preneur. "Nous n'avons pu réaliser que trois ventes, explique le liquidateur car M. Tapie nous impose des prix de réserve très élevés".
"Nous impose..." Là encore, tous ceux dont les meubles ont un jour été saisis et mis en vente aux enchères, apprécieront !
La gueule à venir du contribuable !
Pour Capital, il est clair que Tapie n'a encore renoncé à rien et qu'il espère bien tout récupérer au final, s'il parvient à faire condamner le Crédit Lyonnais qu'il accuse de l'avoir escroqué dans la vente d'Adidas. Si cela était prouvé, "il pourrait récupérer 100 millions d'euros dans l'affaire après avoir réglé toutes ses dettes".
"Sacré Nanard", conclut le mensuel.
Certes, je pense aussi que Bernard Tapie est un sacré bonhomme, auquel il serait de bien mauvaise foi de ne pas reconnaître un indéniable talent.
Mais au-delà du "phénomène Tapie", il y a un point que le magazine ne soulève pas et qui ne saute malheureusement pas toujours aux yeux de tout le monde.
Admettons que la justice condamne effectivement le Crédit lyonnais(3) et que Tapie soit intégralement remboursé des sommes dont il a été floué avec intérêts et selon toute vraisemblance avec de sacrés dédommagement pour les préjudices causés. À qui appartient cette banque ? Mais à l'État, voyons ! C'est lui qui va donc payer les déconvenues sonnantes et trébuchantes du Lion bancaire, c'est-à-dire nous, les contribuables.
Hé oui, c'est de nos poches que sortiront, le cas échéant, les deniers qui permettront à Bernard Tapie de se refaire !
Dira-t-on un jour "Heureux comme un enfant de la Courneuve(4) en France" ?
Notes
(1) N°134, novembre 2002.
(2) 530 000 euros pour Hommes, femmes, mode d'emploi , 45 000 euros pour Vol au-dessus d'un nid de Coucou, 152 000 euros pour son livre Librement, 130 000 euros pour ses émissions sur RTL9... et le salaire mensuel actuel de 7 165 euros versé par la société Demain-L'Évènement, propriété de la famille Tapie, etc.
(3) D'après nombre de spécialistes, la malhonnêteté des dirigeants de l'époque du Crédit Lyonnais serait flagrante.
(4) Lieu de naissance de Bernard Tapie.
Philippe Randa
Directeur du site http://www.Dualpha.com
dualpha.com [la revue - la librairie]
BP 58
77522 Coulommiers cedex
Mél. : [email protected]
Tél./Fax : +33-1-(0)1 64 65 50 23
|