:: Le bouchon de l'impunité
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22/08/02 |
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5.38 t.u. |
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Philippe Randa |
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Les révélations de Newsweek aux États-Unis, reprises en France par le quotidien Le Monde(1) sur des crimes de guerre des alliés afghans de la coalition antiterroriste sont pour le moins, doux euphémisme, embarrassantes.
Un millier de combattants pro-talibans seraient morts étouffés dans des conteneurs scellés durant leur transport depuis le lieu de leur arrestation jusqu'à leur lieu de détention à la fin de l'année 2001.
Cette pratique est d'ailleurs reconnue comme une "tradition" guerrière de cette région (contrôlée par le seigneur de la guerre local Dostom) de l'Afghanistan qui a changé trois fois de dirigeants en deux ans. Selon des rapports de l'ONU, ce fut le sort infligé à 1 250 talibans en 1997, puis à des "centaines" de leurs ennemis, surtout Hazaras, en 1998.
Certes, quelques millions d'Occidentaux doivent penser que "cela en fait toujours un millier de moins", de ces complices de Ben-Laden qu'un an de propagande mondiale nous a dépeints comme "prêt à tout" en général et à "égorger nos femmes et nos enfants" en particulier, sans doute après leur avoir fait subir les derniers outrages, vu leur degré incommensurable de barbarie.
Mais voilà, quelques millions d'autres, Orientaux et Occidentaux, trouvent certainement aussi que George W. Bush et ses alliés poussent tout de même le bouchon de l'impunité un peu loin.
Nombre de pays habituellement aux ordres de la politique étrangère US en tête desquels la France et l'Allemagne rechignaient ces derniers temps à s'engager dans une nouvelle croisade contre les États accusés de terrorisme, entre autre l'Irak. Cette affaire des victimes pro-talibanes ne peut que renforcer leur détermination à ne pas être à nouveau les complices de l'impérialisme yankee.
Ensuite, combien de temps l'oncle Sam pourra-t-il continuer de bénéficier d'une totale immunité en guise de "crimes contre l'humanité" ? Une immunité qu'il s'arroge au vu et au su de tous, notamment en instaurant un TPI (Tribunal Pénal International) pour tous les paysŠ mais qui ne pourra jamais, en aucun cas, juger le plus humble de ses ressortissants, ces derniers n'ayant à répondre de leurs actes que face aux tribunaux de leurs pays.
Lors du procès de Nuremberg, le général allemand Keitel avait tenté de se défendre en expliquant que si les Allemands avaient commis tel ou tel acte, les Alliés, eux, avaient fait de même en pareilles circonstances. Immédiatement, on lui avait rétorqué de façon péremptoire : "Nous sommes là pour juger vos crimes, pas les nôtres".
Depuis lors, la justice internationale made in american fonctionne sur ce principe. Que l'on s'en satisfasse ou que l'on s'en offusque, on ne peut que le constater.
Mais pour combien de temps encore ?
Philippe Randa
Note
(1) Le Monde, édition du 21 août 2002.
Philippe Randa
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