:: Les Juifs et Vichy
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24/06/02 |
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14.07 t.u. |
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Roland Gaucher |
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Dans Actualité Juive(1), le critique littéraire Henri Inczeles rend compte d’un livre de Pierre Birnbaum Sur la corde raide(2). Il écrit : " Spécialiste du judaisme français, dont bon nombre de ses membres ont oscillé entre l’israélitisme bon teint et une judéité bien affirmée, Pierre Birnbaum décrit les multiples facettes des segments d’une communauté qui, depuis l’émancipation de 1791, a été tiraillée par des attitudes contradictoires ".
Ces attitudes contradictoires n’ont pas manqué de s’exprimer dans la période de l’Occupation et la répression qui s’en suivit contre les Juifs. Presque toujours, quand on en parle, c’est pour faire des Juifs une communauté absolument homogène, victime de la même persécution.
Dans son numéro 8 des Cahiers libres d’Histoire(3) intitulés Ces Juifs de France qui ont collaboré, Jean-Claude Valla rectifie ce jugement simpliste, et révèle nombre de faits ignorés ou systématiquement dissimulés.
Le premier commissaire général aux Questions juives à Vichy (29 mars 1941-6 mai 1942) n’est autre que Xavier Vallat glorieux ancien combattant. Il a apostrophé Blum à la Chambre, le 6 juin 1936, en ces termes : " Pour la première fois, notre vieux pays gallo-romain sera gouverné par un Juif ". Il n’empêche que le 7 avril 1971, Helbronner, entré au Consistoire israélite dès 1906, devenu son vice-président en 1934, reçu pendant une heure par Vallat, écrira à Albert Manuel, secrétaire général du Consistoire, qu’il a reçu un accueil " charmant et cordial, collaboration confiante, promesses favorables ". Le 25 du même mois, il rencontre de nouveau Vallat pendant deux heures et demi. Entre le 10 juillet 1940 et le 1er juillet 1941, il n’aura pas moins de vingt-sept entretiens avec l’abominable Pétain.
Le 29 novembre 1941, est créée l’Union générale des Israélites de France, comprenant deux conseils, l’un en zone occupée, l’autre en zone libre. L’auteur souligne que Xavier Vallat n’a eu aucune difficulté, à trouver neuf volontaires pour la zone Sud, dont il cite les noms. Cette UGIF va avoir de nombreuses difficultés avec le Consistoire. Mais ce qu’il convient de retenir, c’est qu’un dialogue permanent va se poursuivre durant toute l’Occupation entre les autorités de Vichy et les milieux juifs.
Des Sionistes à Joinovici
Il n’y a pas que les conflits qui opposent le Consistoire à l’UGIF. D’autres problèmes vont surgir entre les Juifs qui ont acquis depuis longtemps la nationalité française et leurs Juifs immigrés des pays de l’Est ou d’Allemagne, entre 1905 t 1936. Ce sont les juifs étrangers qui seront les premiers internés à Drancy.
L’ouvrage de Valla fourmille de détails précis que nous ne pouvons rapporter faute de place. Il y a aussi un certain nombre de Juifs qui collaborent avec la Gestapo et qui " balancent " leurs coreligionnaires, ce que raconte Valla dans un chapitre intitulé Kapos, rabatteurs et margoulins.
La place nous manque aussi pour évoquer, comme le fait Valla, la poursuite des projets sionistes, par l’intermédiaire d’un nommé Kadmi Cohen.
Terminons avec l’évocation d’un personnage nommé Joinovici, que Roger Hanin a tenté de réhabiliter dans un téléfilm diffusé par TF1, le 26 novembre 2001. C’était en réalité le complice des truands de la rue Lauriston, comme Henri Laffont. Dans ce livre figure une “bio” détaillée de ce personnage, et une photo éloquente de cette crapule.
Notes
(1) N° 752, du 13 juin 2002.
(2) Flammarion, 24 euros.
(3) Editions de la Librairie nationale, 14 euros.
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