13/05/03 14.19 t.u. Philippe Randa

Coincée ! C¹est pour l¹instant le qualificatif le plus ironique que l¹on peut décerner à la classe politique française concernant « l¹affaire du voile à l¹école ».

Julien Dray, cofondateur de SOS Racisme, a l¹honnêteté de reconnaître sa naïveté sur la question : au début des années 90 du siècle passé, il assurait de façon fort péremptoire que « l¹école serait plus forte que le voile ». Si au moins l¹école avait encore été bonne à cela, c¹aurait déjà été quelque chose.
Et la classe politique de s¹agiter aprèsŠ « quatorze années d¹atermoiements », ainsi que le note Alain Auffray dans un article de Libération.(1)
Cette soudaine indignation des anti-racistes professionnels contre un des multiples aspects de la colonisation de notre société est étonnante ; d¹autant que le port du voile est loin d¹en être le plus dérangeant, mais c¹est un symbole, dit-on. Et les symboles sont toujours graves.
Sans doute, mais n¹est-ce pas tout simplement un des symptômes de la mort annoncée de l¹école publique comme nous la connaissions depuis le XIXe siècle ?


Simple signe de prosélytisme religieuxŠ

Certains ne voient dans le port du voile qu¹un signe ostentatoire de prosélytisme religieux. Dans ce cas, on se demande en quoi il serait plus gênant que le port de la croix pour les chrétiens, celui de la kippa ou de l¹étoile de David pour les juifs, du marteau de Thor pour les païens ou encore de digérer du boudin noir le Vendredi saint pour les francs-maçons les plus véhéments ?
À l¹heure où les mosquées fleurissent sur la terre française et que les musulmans viennent d¹être dotés d¹une représentation nationale, on voudrait humilier les croyants de cette religion qu¹on ne s¹y prendrait pas autrement. L¹égalité n¹est-elle pas inscrite au fronton de notre République, au même titre que la fraternité et la liberté ? À moins, bien sûr, que tous les Français soient religieusement égaux, mais que certains soient plus égaux que d¹autres.


Š ou échec de la politique d¹intégration ?

D¹autres considèrent en revanche le port du voile islamique comme un autre symbole, sans doute encore plus grave : celui de l¹échec de la politique d¹intégra-tion.
Pour s¹intégrer, il faut certes en avoir envie. Il faut aussi en avoir les moyens. Et force est de constater qu¹on en donne guère aux jeunes filles issues de l¹immigration maghrébine.
Toutes ne se distinguent pas avec ce signe vestimentaire par seule foi religieuse : elles le font en effet pour ne pas être assimilées à ces « jeunes » issues de la société de consommation à outrance et ce, dans un simple but de protection.
Qu¹une jeune adolescente, maquillée outrancièrement, à la chevelure teintée ou décolorée (suivant affinités) et vêtue comme des professionnelles de l¹amour tarifé, soit culbutée dans les poubelles d¹un lycée parce que « c¹est le choix » d¹une bande d¹adolescents boutonneux qui ne connaissent l¹amour qu¹à travers les cassettes vidéos pornographiques, me laisse finalement assez indifférent.
Que d¹autres adolescentes tentent d¹échapper à ce sort en se protégeant avec le seul moyen à leur disposition, m¹émeut davantage. À ce titre, le voile tant honni par les thuriféraires de la religion des droits de l¹homme n¹est alors qu¹une armure sans doute plus efficace que les belles paroles de nos ministres. Et que toutes leurs lois annoncées et rarement appliquées sur la sécurité des citoyens.



Note

(1) Article intitulé « Laïcité : les politiques veulent lever le voile » (samedi 10 mai 2003).


(12 mai 2003)





Philippe Randa
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