Donner un nouvel élan à l’Union européenne. Le « discours sur l’état de l’Union » que doit prononcer, ce mercredi, Jean-Claude Juncker devant le Parlement européen, se veut, depuis sa première édition en 2010, le grand moment politique de l’année pour le président de la Commission. L’année dernière, en pleine crise des réfugiés, il avait été l’occasion d’annoncer une politique volontariste en matière d’accueil des migrants . Ce choix osé fut à l’origine de profondes dissensions internes à l’Union, plusieurs pays à l’est du continent s’opposant vigoureusement à toute mutualisation du fardeau.
A l’évidence, le cru 2016 s’annonce plus crucial encore. Venant se rajouter à la somme des crises qu’affrontaient déjà les 28 il y a un an, le référendum britannique a introduit une angoisse existentielle au coeur de l’Union européenne . Le discours de Jean-Claude Juncker intervient, en outre, deux jours avant un sommet à Bratislava qui, sans le Royaume-Uni, doit aussi fixer un nouveau cap à une Union profondément déboussolée. C’est donc maintenant ou jamais que doit intervenir l’amorce d’un sursaut européen.
Les équipes de la Commission se sont affairées pour donner un retentissement particulier à cette allocution conçue sur le modèle américain, mais encore très loin d’en être l’équivalent en termes de résonnance médiatique. Elles ont savamment entretenu le suspense, en profitant pour insister sur le fait que ce n’est pas le numéro un d’une administration qui s’exprime, mais bien un chef incarnant pleinement l’exercice du pouvoir. « Bien sûr que ses équipes ont travaillé sur le discours, mais en réalité, il va en écrire beaucoup la veille au soir, dans sa chambre d’hôtel, et le suspense existe pour nous également », affirmait un membre du cercle rapproché.
Seule certitude : il y aura du concret. C’est désormais le mot d’ordre pour renouer le fil avec les peuples d’Europe. Capitalisant sur l’amende historique de 13 milliards d’euros infligée à Apple pour pratiques fiscales déloyales, l’Union européenne veut démontrer son utilité, et sa capacité à apporter un surcroît de protection à ses citoyens.
Le thème de la sécurité, rare point de convergence des 28, devrait donc être abordé. Une sécurité qui peut se décliner en matière de mutualisation d’efforts de défense comme de lutte contre le terrorisme. Parmi les pistes évoquées figure également, au plan économique, une extension du plan d’investissement européen, mais aussi, peut-être, un appel, en des termes vagues pour ne froisser personne, à une application souple des règles du pacte de stabilité. Là encore, le but serait de débloquer l’investissement dans un continent qui ne parvient pas à renouer avec une croissance solide. D’autres annonces, par exemple sur le numérique, sont évoquées.
Le Luxembourgeois devra toutefois veiller à ne pas se livrer, comme le faisait volontiers son prédécesseur José Manuel Barroso, à une liste de satisfecit dont se targue la Commission. Pour Charles de Marcilly, qui dirige le bureau de Bruxelles de la fondation Schuman, c’est tout l’enjeu de ce discours qui doit avant tout apporter « du souffle ». « On a devant nous un tunnel, avec des élections importantes dans de nombreux Etats-membres, mais il faut faire passer le message qu’on ne peut plus se permettre de temporiser, et que face à des défis majeurs la taille critique est forcément européenne ».
Paradoxalement, le référendum britannique pourrait aider à convaincre dans ce sens, poursuit-il. « Qui peut croire que Londres va négocier d’égal à égal ses éventuels futurs accords commerciaux avec la Chine ou les Etats-Unis ? L’heure est venue de démontrer notre valeur ajoutée collective et d’arrêter de résumer l’Union européenne à son programme Erasmus ! ».
Les Echos