L’argent, dit-on, n’a pas d’odeur, et pourtant, il émane, de celui qui devait être distribué sur le Champs de Mars, le 14 novembre dernier, un parfum très particulier : celui de la super-classe, libérale et apatride.
Mes habituels lecteurs ont sans doute vu ces scènes révoltantes, d’allogènes accourus des banlieues, le samedi 14 novembre, dans l'espoir de recevoir un ou plusieurs des billets de 5 à 500 euros dont la société Mailorama avait annoncée la distribution, se livrer à un pillage en règle des magasins du quartier (histoire de ne pas être venu pour rien…) lorsqu’ils apprirent que l’opération avait été annulée.
Nombreux sont ceux qui se sont posé cette question bien simple : pourquoi un tel événement qui risquait, bien évidemment, de déraper, n’avait pas été interdit par la Préfecture de police ? L'excuse du préfet de police a été qu’il « n'avait pas la possibilité d'interdire la distribution ». Étrange… Ceux qui ont un peu de mémoire se souviendront d’un autre préfet interdisant successivement plusieurs distributions de « soupe au cochon » en raison d’éventuels troubles à l'ordre public. Or en l’espèce, le 14 novembre, le risque de trouble à l'ordre public était bien plus grand que lors des distributions de « soupe au cochon »… Les faits l’ont d'ailleurs prouvé.
Il se pourrait bien que ce qui explique l’étonnante mansuétude de la préfecture de police soit les relations bien placées de Jean-Baptiste Decroix-Vernier, PDG de Rentabiliweb, la société mère de Mailorama.
On dispose, concernant cet individu, d’une biographie récente. En effet, l’hebomadaire Marianne lui a consacré deux pages laudatives, voire hagiographiques, dans son numéro du 6 juillet 2009.
Qu’y apprend-on ? Qu’à 38 ans il a construit un empire qui ne demande qu’à s’étendre… Qu’il est conseillé en matière d’image par Anne Méaux (1) ; que parmi ses associés on compte Bernard Arnault, le PDG de LVMH, et Stéphane Courbit, l’ancien patron du groupe Endemol France ; que son conseil d’administration compte dans ses rangs Jean-Marie Messier, l’ex-PDG de Vivendi devenu banquier d’affaires, et l’ancien ministre libéral Alain Madelin ; qu’il est un ami personnel de Bernard-Henri Lévy et, last but not least, que son pôle média est dirigé par … Karl Zéro !
Bien du beau linge donc pour fréquenter un homme qui, nous relate Marianne, a étudié en même temps le droit et la théologie, devenant un « spécialiste de l’exégèse rabbinique » qui utilise sur le web le pseudo hébraïque de Jocanaann… Quand à sa fortune, son origine repose en grande partie sur le contrôle de sites bien particuliers : jeux de grattage ou loteries en ligne et 300 sites roses (de strip tease, de chats sexuels, de rencontres, etc.)…
Depuis quelques temps, Jean-Baptiste Decroix-Vernier s’est attaché la collaboration de Stéphane Boukris, qui s’est fait connaître dans le monde du web, il y a quelques mois, en créant faismesdevoirs.com. Un site qui permettait aux cancres de faire rédiger leurs devoirs par des professionnels contre rétribution… Au sein de Rentabiliweb, l’ami Boukris est chargé du développement « de projets liés aux services à la personne ». Des services bien étranges dont on saisi mal l’intérêt, sinon de faire cracher les naïfs au bassinet. Ainsi, palmares.com doit permettre à chacun de noter les avocats, les médecins, les hôpitaux, les fournisseurs d’accès etc., tandis que justiceprivee.com, propose « une alternative aux tribunaux et aux avocats »… C’est à Stéphane Boukris que l’on doit la géniale idée de la distribution d’argent de samedi passé. Gageons qu’il en aura vraisemblablement d’autres toutes aussi sordides et méprisables.
L’argent n’a pas d’odeur, je le disais en ouvrant cet éditorial, mais il faut quand même bien remarquer que celui des libéraux pue…
1 – Si certains se souviennent d’elle comme d’une dirigeante du Parti des forces nouvelles, elle est surtout connue pour avoir été chargée de communication de Valéry Giscard d'Estaing et du groupe parlementaire UDF à l’Assemblée nationale entre 1981 et 1986, membre du bureau politique du Parti républicain et conseiller communication d’Alain Madelin entre 1986 et 1988. Elle conseille aujourd'hui de nombreux groupes tels que PPR et son président François-Henri Pinault.
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