Si on croyait vraiment à l’idéologie d’« égalité » du 18ème siècle, la propagande n’existerait pas, puisque chaque homme penserait de manière tout à fait indépendante, et s’indignerait de toute tentative d’influencer leur esprit. Cependant c’est précisément par l’exemple de l’Amérique, le pays dans lequel elle fut adoptée avec une ferveur religieuse, que cette idéologie apparut comme n’ayant aucun rapport avec la réalité. L’égalité spirituelle a pu être plus ou moins obtenue dans les salons des aristocrates et des intellectuels rationalistes, en France, en Allemagne, en Angleterre ou en Amérique, au 18ème siècle, mais au milieu du 19ème siècle, quand les masses avaient été mobilisées, il n’y avait aucune possibilité d’égalité, car ces masses avaient besoin d’être dirigées, par leur existence même. Plus la mobilisation des masses progressait, plus était fort le sentiment de besoin d’une direction forte. Comme l’a dit Nietzsche : « Finalement l’insécurité devient si grande que les hommes tombent dans la poussière devant une forte volonté de puissance ».
Il y a deux techniques pour diriger, toutes deux étant indispensables : la discipline, et la persuasion. La première est basée sur la confiance, la foi, la loyauté, le sens du devoir, les bons instincts. La seconde s’adresse au coté intellectuel, et s’ajuste aux caractéristiques de la personne ou de la population à laquelle elle est destinée. Les deux techniques utilisent les sanctions, qu’elles soient pénales, morales, économiques, ou sociales. Dans une période où la réorganisation et la formation de vastes masses est le principal problème d’action, la persuasion, ou la propagande, est également nécessaire, car seule une élite est capable de la plus haute discipline, et les masses doivent être continuellement re-convaincues.
Ainsi, en Amérique, le pays où la pensée de masse, les idéaux de masse, et la vie de masse dominent la vie collective, la propagande est la principale forme de dissémination et d’information. En Amérique il n’y a pas de publications adressées seulement à l’intellect, un régime déformeur de Culture repose sur son invisibilité, et la pensée indépendante venant d’individus forts est ipso facto hostile à un tel régime. Il n’y pas non plus de publications qui fournissent seulement des faits. Tous les faits, et tous les points de vue, sont coordonnés, avec leur présentation, dans l’image dominante de la propagande.
Les techniques de la propagande américaine comprennent toutes les formes de communication. Le principal instrument est le cinéma. Chaque semaine, quelque 80.000.000. de gens vont au cinéma en Amérique, pour absorber ici le message de la propagande. Durant la période de préparation de la guerre, 1933-1939, les cinémas produisirent une succession ininterrompue d’images de haine dirigées contre la Révolution Européenne de 1933, sa vision du 20ème siècle et ses réalisations.
Le second instrument par l’efficacité est la radio. Chaque Américain possède à la maison au moins un récepteur, et à travers celui-ci, l’image de masse des événements lui est à nouveau apportée. Il a déjà lu le même point de vue obligatoire dans la presse, l’a vu au cinéma, et maintenant il l’entend. La presse, les journaux comme les périodiques, vient au troisième rang pour l’efficacité. On devrait dire qu’en Amérique, l’efficacité de la propagande est mesurée seulement par le nombre qu’elle atteint, puisque l’idéal de la pensée de masse a triomphé de l’individualité, de la qualité, et de la stratification intellectuelle de la population.
Au quatrième rang vient la presse du livre. Seuls les livres qui représentent ou qui cadrent avec le cadre plus général de la propagande seront publiés. Ainsi une édition pour enfants des Mille et une Nuits fut récemment retirée de la vente en Amérique parce qu’on pensait qu’une partie du contenu pouvait pousser les lecteurs à avoir des préjugés contre les Juifs, et une insupportable illustration montrait un marchand sans scrupules avec les traits d’un Juif, dans l’histoire d’Aladin et de sa lampe. Durant les années 1933-1939, la politique générale du déformeur ne fut jamais contestée dans aucun journal, livre ou magazine de grande diffusion.
Ensuite viennent les universités et les collèges. L’idée de masse, appliquée à l’éducation, signifie que « l’instruction supérieure » est généralisée avec une ampleur que les hauts standards académiques de l’Europe rendent impossible. L’Amérique, avec seulement la moitié de la population de la patrie occidentale, a plus de dix fois plus d’institutions accordant des diplômes universitaires. En fait ce qui est distribué dans ces institutions est principalement une version légèrement plus ésotérique de la vision du monde idéologique et de propagande dominante du régime déformeur de Culture.
Enfin il y a le théâtre. En-dehors de New York City, la capitale spirituelle du régime en place, cela existe à peine, mais à New York, la pièce journalistique est une importante technique de propagande. C’est particulièrement durant la période 1933-1939 que le théâtre joua un rôle important. Un flot constant de pièces de haine fut produit et dirigé contre la vision du monde du 20ème siècle et ses représentants européens. Beaucoup de ces pièces étaient en langue yiddish, puisque les dirigeants de l’Amérique désirent aussi l’uniformité dans leur propre peuple.
L’image de propagande a deux aspects, le domestique, et l’étranger. La propagande domestique est révolutionnaire, soutenant la Révolution Américaine de 1933. Toutes les révolutions idéologiques, depuis la Révolution Française de 1789, en passant par celles du 19ème siècle en Europe, jusqu’à la Révolution Bolchevik de 1918, ont tendance à prendre la forme d’un culte. En France, le culte de la Raison fut le centre de la frénésie religieuse ; en Russie, ce fut le culte de la machine, en accord avec le Dieu Marx. La Révolution Américaine de 1933 ne fait pas exception. Le motif central du nouveau culte est la « démocratie ». Dans l’image de la propagande, ce concept prend la place de Dieu, en tant que centre et réalité ultime. Ainsi, une Cour Suprême de Justice, parlant aux diplômés d’un collège juif, dit en 1939 : « Dans un sens plus large, il y a quelque chose de plus important que la religion, et c’est la réalisation des idéaux de la démocratie ».
Le mot a été doté d’une force religieuse, et a en fait atteint le statut d’une religion. Il est devenu un numen [abstraction divine] et ne peut être sujet d’un jugement critique. L’apostasie ou l’hérésie s’attirent une réponse immédiate sous la forme d’une poursuite criminelle pour sédition, trahison, fraude fiscale, ou autre allégation. Les saints de ce culte sont les « Pères fondateurs » de la Guerre d’Indépendance, en particulier Jefferson – en dépit du fait qu’ils détestaient uniformément l’idée de démocratie, et étaient presque tous propriétaires d’esclaves – et aussi Lincoln, Wilson, Roosevelt. Ses prophètes sont les journalistes, les propagandistes, les stars de cinéma, les dirigeants des syndicats, et les politiciens. Le fait que le mot « démocratie » ne puisse pas être défini est la plus sûre preuve qu’il a cessé d’être descriptif, et qu’il est devenu l’objet d’une croyance de masse. Toutes les autres idées et dogmes de l’image de la propagande se réfèrent à la « démocratie » pour leur justification ultime.
Immédiatement après la « démocratie » en importance, vient la « tolérance ». Cela est évidemment fondamental pour un régime culturellement étranger. Tolérance signifie principalement tolérance envers les Juifs et les Nègres, mais elle peut signifier la plus brutale persécution des Européens ou d’autres personnes ayant un point de vue différant fondamentalement de l’idée de masse prédominante. Cette persécution est sociale, économique, et si nécessaire, pénale.
Pour poursuivre l’atomisation du peuple-hôte, la lutte des classes est un principe de base de la vision globale. Elle est prêchée comme le « droit du travail à s’organiser », le « droit de grève », et des slogans similaires. Mais le « capital » aussi a ses droits, puisque aucun camp ne doit remporter de victoire décisive, dans aucun conflit. La division est ici, comme toujours, un moyen de régner.
Le féminisme est prêché, poursuivant l’idée de l’uniformité de masse dans le domaine des sexes. A la place de la polarité des sexes, est promulgué l’idéal de la confusion des sexes. Les femmes sont encouragées à être les « égales » des hommes, et la reconnaissance occidentale de la polarité sexuelle est dénoncée comme un « abaissement » et une « persécution » des femmes.
Le pacifisme est prêché comme un article de propagande. Ce n’est bien sûr pas un vrai pacifisme, car celui-ci survient sans que personne ne le prêche, et souvent sans que personne ne le connaisse, et toujours sans que quelqu’un puisse y faire quelque chose. En pratique, le pacifisme doctrinaire est toujours une forme de propagande de guerre. Ainsi, en Amérique, Europe signifie guerre, et Amérique signifie paix. L’impérialisme américain est toujours une croisade pour la paix. Un important membre du régime a récemment parlé du « devoir [de l’Amérique] d’imposer la paix dans le monde ».
La « tolérance religieuse » fait aussi partie de la propagande, et elle est interprétée de manière à signifier indifférence religieuse. Les dogmes et les doctrines religieuses sont traitées comme étant tout à fait secondaires. Les Eglises sont souvent fusionnées ou séparées pour des considérations purement économiques. Quand la religion n’est pas simplement un amusement social hebdomadaire obligatoire, c’est une conférence politique. La coopération entre les Eglises est constamment organisée, et toujours pour quelque but unitaire, n’ayant rien à voir avec la religion. Ce que cela signifie, c’est la soumission de la religion au programme de déformation de la Culture.
Extrait du livre de Francis P. Yockey, « Imperium » (1948).