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Déchéance de nationalité : la droite ne fera pas de cadeau
Olivier Beaumont @olivierbeaumont |
Intérieur
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À droite, l'affaire est entendue, du moins sur le papier : la polémique sur le retour de la déchéance de la nationalité dans le projet de révision constitutionnelle est un problème qui concerne la gauche, et uniquement la gauche ! « Une fois de plus, le gouvernement est dans l'amateurisme à tous les étages », charge l'entourage de Nicolas Sarkozy, alors que le président des Républicains est déjà parti en vacances.
« Christiane Taubira n'a plus d'autre choix que donner sa démission du gouvernement », enfonce le député LR Eric Woerth, visant la garde des Sceaux qui avait annoncé, à tort — dans un entretien diffusé mardi —, que cette mesure de déchéance avait été écartée. « Comment peut-elle porter un texte devant le Congrès, alors qu'elle n'approuve pas une de ses principales mesures ? C'est intenable », renchérit son homologue Eric Ciotti.
Les Républicains, qui dénonçaient la veille le retrait de cette mesure symbolique, voteront-ils du coup le texte comme un seul homme ? Rien n'est moins sûr. C'est une opposition divisée qui pourrait revenir les semaines prochaines devant le Congrès, au moment du vote. « Nous venons de lever un préalable avec la déchéance de la nationalité. Mais il y a encore beaucoup d'autres points qui méritent discussion, poursuit Ciotti. C'est donc trop tôt pour dire si je voterai. »
«Il y a encore beaucoup d'autres points qui méritent discussion»
D'autres vont encore plus loin en laissant clairement entendre qu'ils ne soutiendront pas le texte. « Comme tout le monde, j'ai applaudi François Hollande quand il s'est exprimé le 16 novembre devant le Congrès. Mais la façon dont il a baladé tout le monde entre-temps a fini par m'exaspérer. Je ne veux pas cautionner ses tergiversations », justifie le député de la Manche Philippe Gosselin, tout en redoutant le piège tendu par Manuel Valls. « On voit bien la façon dont il prend l'opposition en otage : s'il n'obtient pas la majorité et que le Congrès est un échec, il dira que c'est la faute de la droite », poursuit Gosselin, tout en se disant prêt à prendre ce risque. D'autres sont également prêts à ne pas voter la réforme, à l'image de Patrick Devedjian ou du député du Rhône Philippe Meunier.
Ce scénario inquiète déjà rue de Vaugirard, au siège des Républicains : « On n'est pas obligé d'être systématiquement dans l'opposition bête et méchante, soupire un cadre. On a réclamé la déchéance de la nationalité et maintenant on serait prêts à voter contre ? Franchement, les dégâts dans l'opinion seraient considérables... surtout si au même moment le Front national vote pour », poursuit-on, alors que Marine Le Pen a publiquement salué hier la position du gouvernement...
Déchéance de nationalité : qui est concerné ?
Jusqu'ici, seuls les binationaux ayant acquis la nationalité française (depuis moins de quinze ans) pouvaient en être déchus pour « atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation », en vertu de l'article 25 du Code civil. A la condition expresse qu'ils aient une autre nationalité, la Déclaration des droits de l'homme interdisant de créer des apatrides. Six déchéances ont été prononcées depuis 2012. Véritable révolution, le projet de réforme constitutionnelle du gouvernement, dans son article 2, étend cette mesure aux personnes nées françaises, à condition qu'elles aient une autre nationalité, dès lors qu'elles sont « condamnées pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation », de nature terroriste dans le cas présent. Seuls sont visés les individus condamnés de façon définitive, une fois leur peine purgée en France. L'exécutif reconnaît lui-même que la mesure est « symbolique » et ne concernera qu'un nombre infime de personnes. Et en aucun cas les quelque 3,5 millions de binationaux en France, selon les estimations (il n'existe pas de statistiques officielles).
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