Après le Evil Axis bushique, l’Axe du Mal quelque peu zigzaguant de Tripoli à Pyongyang en passant par Téhéran, Damas et Pékin ; les prises de distance de Messieurs Chirac, Poutine et Schröder vis-à-vis de Washington ont-elles engendré l’Axe Paris-Berlin-Moscou ? Elles en ont en tout cas posé les fondements, sur lesquels on ose espérer que ces trois chefs d’Etat collaboreront à un véritable projet géopolitique. Cet Axe Paris-Berlin-Moscou constituait précisément le thème du colloque du GRECE tenu à Paris le 18 janvier (1). Retenu loin de Paris, nous en fûmes informé trop tard pour pouvoir y donner le point de vue eurislamiste, notamment l’analyse historique et géopolitique qui s’impose.
Historique pour commencer. Sans remonter aux calendes grecques, souvenons-nous qu’il y eut deux majeures tentatives d’union grand-européenne, celle de la France napoléonienne, celle de l’Allemagne un siècle plus tard et qu’entre ces deux grands projets se produisit une séquence de jeux diplomatiques prenant la forme d’une rivalité galante entre la France et l’Allemagne courtisant la Russie.
La première tentative échoua après la paix de Tilsit, où l’Empereur des Français et le Tsar s’étaient embrassés et jurés fidélité face au reste du monde. Le Tsar trahit l’alliance, formulant, comme en 1941 Staline à Hitler, des exigences inacceptables pour l’Empereur, imposant à ce dernier, ou lui donnant le prétexte de la marche vers l’Est à travers le futur linceul de son armée. Berlin dut fournir à Paris un contingent commandé par le général von York que Clausewitz fit passer du côté russe, désapprouvé ouvertement par son propre roi au point d’être contraint de poursuivre sa carrière militaire dans l’uniforme vert des officiers du Tsar. Puis vinrent ce que les historiens allemands nomment les Befreiungskriege, les prétendues guerres de Libération, avec la création de la Landwehr et l’école de Scharnhorst, Boyen, Gneisenau, etc. Résistons ici à l’envie d’entrer dans ce sujet passionnant et riche en des enseignements dont nous retiendrons seulement celui de Martin Kitchen : en organisant la résistance à Napoléon, les officiers révolutionnaires prussiens scièrent la branche qui les supportait. Leur œuvre fut dès 1815 méthodiquement anéantie par les monarques réactionnaires qui se succédèrent jusqu’à la venue de Bismark, utilisant leur armée à écraser les rebellions populaires internes, la Prusse étant de ce fait incapable de jouer un rôle à sa taille lors de la crise de Crimée.
Il fallut Bismark, en effet, pour redorer le blason du « Vieux Fritz ». Géopoliticien partageant avec Nietzsche le goût pour le casque à pointe, il reprit la doctrine clausewitzienne de l’alliance Berlin-Moscou combinant le refus systématique de toute aventure militaire inspirée de celle de 1812 avec le désir de s’assurer la bienveillance russe laissant à l’Allemagne les mains libres à l’Ouest, notamment face à la France revancharde de la 3e République. L’Axe Berlin-Moscou en gestation servit en premier lieu la Russie contre le Japon, l’Angleterre quant à elle n’étant pas encore dirigée par des puppets de l’Amérique du genre Thatcher et Blair, mais par de fins géopoliticiens s’apercevant que le grand continent eurasiatique avait pour pendants d’oreille deux petits archipels dont la symétrie et la ressemblance dictaient l’opportunité d’alliance. L’Angleterre soutint donc le Japon, l’Allemagne la Russie. Cette dernière écrasée sur mer et humiliée sur terre – c’était, à la charnière des 19 e et 20e siècles, la deuxième fois en sept ans qu’une puissance européenne majeure était battue par une non-européenne émergente – on tint à Tokyo le raisonnement que les hostilités étaient terminées avec la Russie mais point avec l’Allemagne, en conséquence évincée des ses possessions coloniales d’Afrique mais aussi d’Asie, notamment de Tsin-tao aujourd’hui encore réputée pour sa bière !
Entre-temps les spirites et prétendus Théosophes de Steiner avaient réussi à faire perdre à Moltke-junior (ne pas le confondre avec son génial père, le vainqueur et super-stratège de 1866 !) la santé mentale et à son sabotage du Plan Schlieffen correspondit l’effritement de l’héritage clausewitzien et bismarkien d’axe Berlin-Moscou. Entre Marianne et Germania, le Tsar choisit de convoler avec la première, poussé à ce choix par la politique turcophile et même carrément islamophile du Kaiser, par son alliance avec l’Autriche également. Le Reich wilhelmien allait donc devoir se battre sur deux fronts. Curieusement pour certains, ce fut l’Amérique, plus précisément la politique secrète de Wilson qui le débarrassa de cette angoisse en fomentant la révolution bolchevique de 1917, aboutissant dans l’immédiat à l’armistice germano-russe de Brest-Litowsk mais en un second temps, à peine un an plus tard, au triomphe des Bolcheviks à Berlin, Budapest, Vienne et Munich, ainsi qu’à l’exil du Kaiser.
Comprendre la communauté d’intérêts à très courts termes, très realpolitischdenkend, de Wilson et du Kaiser, c’est comprendre la raison pour laquelle Trotsky permit à la Reichswehr dite « noire » de s‘entraîner dès les premières années 1920 (Hitler n’étant encore qu’un obscur orateur de brasserie) en territoire russe, en l’occurrence soviétique, aux tactiques qui feront le triomphe de la Wehrmacht en 1939 et 1940, mais aussi en juin 1941. On peut parler ici d’un axe Washington-Berlin-Moscou, l’élément médian du trio, manipulé par les deux autres, devant jouer le rôle de détonateur comparable à celui de la Serbie en 1914, au jour où un gouvernement allemand daignerait remettre en cause le Traité de Versailles et de façon générale la paix américaine imposée à l’Europe en 1919 et porteuse du conflit suivant, à l’issue duquel les puissances du vieux continent dégringolèrent à jamais au profit des USA. A jamais ? C’est ce que nous verrons !
En dépit des harangues idéologiques, l’axe Washington-Berlin-Moscou se maintint jusqu’à juin 1941. Les rafales tirées entre les pilotes de la Legion Condor et les quelques ratas envoyés par Staline aux Rojos espagnols font davantage figure d’exercices à balles réelles que d’une véritable guerre. En fait, la politique raciale du IIIe Reich convergeait avec les projets de la partie la plus influente de l’entourage de Roosevelt et le Japon impérial signa son propre arrêt de mort, moins en s’emparant de territoires du continent asiatique qu’en voulant créer dans l’un d’eux, le Manchoukouo, un foyer pour les victimes de cette politique. Bref, en proposant une solution pacifique à ceux qui depuis longtemps planifiaient la guerre en Europe et dans le monde (2). Le même Japon impérial voyait d’ailleurs l’axe Berlin-Moscou, ravivé fin août 1939 après que Berlin ait incité ses alliés à signer le pacte antikomintern, avec inquiétude, réprobation et même avec un vif ressentiment vis-à-vis du Reich. Compte tenu de cela, les Allemands sont vraiment extrêmement mal placés pour critiquer le manque d’empressement du Japon à attaquer l’URSS après 1941.
L’axe Berlin-Moscou fonctionna de 1920 à 1941 de la façon dont Bismark et Schlieffen l’avaient espéré de 1871 à 1914, c’est-à-dire contre les démocraties atlantiques France et Angleterre. La Ligne Maginot permit aux stratèges de Washington, mal instruits, sans doute, ou tout simplement négligents des innovations tactiques de Guderian et autres anciens de la Schwarze Reichswehr des années 1920, de prévoir une réédition des combats de position de 1916, une guerre qui durerait au moins autant que la précédente, mettant à nouveau le continent européen en montagnes de cendres et en torrents de sang. Les généraux Student et Guderian les contraindront donc à attendre quatre ans pour réaliser leur plan de soumission de la France, l’Angleterre se chargeant déjà, à Mers-el-Kebir, de la priver de l’outil naval de sa géopolitique (sans doute est-ce pour mieux tenir les comptes de la déconfiture navale de la France que Roosevelt lui envoya un amiral, Leahy, comme ambassadeur) ; Albion étant déjà, depuis l’été 1940, aux pieds de l’Oncle Sam en la personne de Churchill humectant de sa sueur froide, de ses larmes de gin et de sang français les guêtres de Roosevelt. On peut dire que c’est depuis cette époque que la Grande-Bretagne a cessé d’exister comme puissance souveraine, quatre ans avant la France dont le gouvernement de Vichy, en dépit des conséquences de la défaite de juin 1940, jouissait d’une plus grande souveraineté vis à vis de l’Allemagne que l’Angleterre vis à vis des USA (3).
En juillet 1940, en termes purement géostratégiques, l’Europe Centrale, assurée de la neutralité bienveillante de l’Europe Orientale, avait donc déjà jeté l’Europe Occidentale sur les genoux de l’Amérique. Désormais, dans la phase suivante de ce Drang nach Westen, c’était à l’Europe Orientale d’envoyer l’Europe Centrale l’y rejoindre : ce fut l’OTAN. Puis, avec l’effondrement du Pacte de Varsovie, ce fut au tour de l’Europe de l’Est… jusqu’à ce que Poutine, en effet…
Une autre puissance, eurasiatique comme la Russie, à avoir donné quelque fil à détordre à Washington lors de l’affaire d’Irak, fut la Turquie. Avouons-le : nous fumes très déçu par le démenti concernant l’entrée de ses troupes en Irak. Il demeure que l’attitude turque posa au Pentagone d’inattendus problèmes de logistique. C’est sans doute du fait de l’absence de concertation entre Ankara et les trois autres capitales du dit Axe que l’on continue de parler de celui-ci, au lieu d’un bloc qui inclurait la Turquie. Etendons ici notre rappel historique aux relations entre la France, l’Allemagne et la Russie avec la Turquie, plus précisément avec l’Empire Ottoman qui était, il convient de le tenir en mémoire, le détenteur légitime de l’autorité islamique. De ces trois puissances, la dernière constitua au cours des siècles l’ennemi héréditaire des Sultans, plus encore que l’Autriche puisqu’en fin de compte, en 1914, ils se retrouvèrent aux côtés des Habsburg contre les Tsars. La paix de Tilsit fut même en son temps ressentie comme un grave changement de politique de Napoléon vis-à-vis de son ami turc.
Ce qui nous amène à évoquer les relations des deux autres pays vis-à-vis de la Porte, qu’ils courtisèrent un peu comme ils courtisèrent la Russie. La turcophilie des rois de France – elle ne se démentira pas de François 1er à Louis XV – était surtout de raison (4), celle des rois de Prusse de cœur, allant de pair avec l’islamophilie germanique héritée de Frédéric de Hohenstaufen. Avec Napoléon – déjà avec Robespierre ainsi qu’en témoigne la reconnaissance de la République Française par la Régence d’Alger en 1793 – c’est la France qui emporte définitivement les cœurs musulmans et surtout la sympathie ottomane. La légende d’ « Ali Bonabardi sultan des Français » parcourait tout l’Orient musulman de l’Afrique aux Carpathes, à une époque où les nouvelles allaient à la vitesse des caravanes. Quinze années presque jour pour jour séparent Waterloo du débarquement français de Sidi-Ferruch, Bourmont, le traître de 1815, reprenant mot pour mot à Alger la déclaration faite par Bonaparte au Caire. A l’instar de Bugeaud fait caporal à Austerlitz, les troupes étaient composées des Anciens de l’épopée impériale ; elles n’avançaient plus cependant précédées de l’Aigle libérateur, mais de l’instrument de supplice et de mort dont l’Occident a fait son symbole et de la couronne déchue en 1792, restaurée en 1814 et 1815 par l’ennemi de la Patrie. Les Musulmans d’Algérie ne s’en aperçurent que trop tard, se regroupant alors derrière l’Emir Abdelqader qui, après avoir combattu celle des Bourbons, se rallia à la France de Napoléon III. Ce dernier et le Sultan ottoman s’appelaient « cousins » et l’étaient en effet par une sœur de Joséphine de Beauharnais. En 1870, la Turquie se déclara prête à soutenir la France contre la Prusse. En 1871, ce fut dans l’Est algérien le soulèvement contre les Décrets Crémieux, contre le nouveau régime né à Paris de la défaite et qui venait d’abattre le colonne Vendôme. C’est dans la même région qu’à la date emblématique du 8 mai 1945 les populations musulmanes algériennes se soulevèrent à nouveau, suite à une provocation montée par des manifestants portant une potence où pendait l’effigie du maréchal Pétain ; si bien qu’en 1945 comme en 1871, les défenseurs de l’honneur de l’Armée Française et ceux de l’Islamisme n’ont formé qu’un seul et même camp.
L’Allemagne et ses officiers, avec leur Sachligkeit et leur idéalisme, évincèrent le coq gaulois du rang privilégié où l’avait introduit l’Aigle des Bonaparte dans les cœurs turcs et musulmans en général. Avant eux il est vrai, Frédéric II, le roi-sergent, flûtiste et philosophe ; ami de Lessing, de Nicolaï, des Français Guibert, Folard et Voltaire, admirateur du génie espagnol Santa Cruz de Marcenado (5); s’était voulu l’héritier des Hohenstaufen, devançant Nietzsche (« Guerre à Rome, Paix à l’Islam ! ») et Bismark avec son Kulturkampf. La première mosquée allemande date de son temps, une « mosquée de garnison », bâtie à Potsdam pour ses soldats musulmans, suivie de peu par celle de Schwetzingen, de style « turco-rococo », à quelques kilomètres de Heidelberg, si bien que l’on peut imaginer l’étudiant Mohammed Iqbal y déroulant son tapis de prière !
Tant et si bien qu’en août 1915, l’axe Istanbul-Vienne-Berlin coupait en deux le magmas Paris-Londres-Rome-Moscou-Tokyo et on en passe, jusqu’à ce que la duplicité Yankee renforçât militairement le camp allié à l’Ouest tout en provoquant son effondrement à l’Est, établissant diplomatiquement le dispositif favorisant la reprise du conflit inter-européen à brève échéance, donnant même à l’Armée Allemande de novembre 1918, non point battue mais épuisée, la possibilité de refaire ses forces – non point, qu’on nous comprenne bien, par germanophilie, mais parce qu’il fallait bien, si on voulait que les Européens achevassent de s’achever, les nations d’Europe de dégringoler une fois pour toutes du podium de l’Histoire, qu’il y ait de part et d’autre les moyens pour cela.
Messieurs Chirac, Schröder et Poutine ont-ils su tirer cette leçon de l’Histoire ? Les peuples d’Europe en général celle de leurs folies et déchirements passés ? Ont-ils enfin mesuré la suicidaire démence de ceux qui, vautrés dans la mollesse de la décadence, n’eurent de dents que pour mordre la main qui tentait de briser leur chaîne ? En d’autres termes, l’outrecuidance d’outre-Atlantique a-t-elle enfin, en quelques semaines, provoqué le miracle attendu depuis plus d’un millénaire, d’un axe Paris-Berlin-Moscou succédant aux éphémères alliances Paris-Moscou contre Berlin, Berlin-Moscou contre Paris… Espérons-le, même si nous osons à peine y croire !
Pourquoi ce pessimisme ? Parce que nous ne voyons aucune grande vision historique derrière cet Axe, tout au plus un vague sursaut de dignité – ce qui est déjà fort bien, mais certainement pas assez – devant le diktat bushique. Et à quoi sert-il de vouloir faire l’Europe quand il n’y aura plus d’Européens ? Au cours de ce colloque du GRECE, Monsieur Coutau-Béguerie exposa les réalités démographiques de notre Continent, brossant un tableau extrêmement sombre de ce que sera l’Europe de 2030.
Or, il faut bien le dire, le refus d’un peuple de se reproduire signifie de toute évidence sa démission de l’Histoire et, en termes arithmétiques, sa proche disparition. Nous avons ailleurs (6) analysé le retour de la société européenne aux structures féodales « moins chevaliers et trouvères », démontré la concordance existant entre le retour de nos armées au mercenariat et la mise à bas du système social qui faisait jusqu’ici l’orgueil de l’Occident « civilisé » Nous l’avons expliqué en nous basant sur les enseignements convergents de Guénon et de Clausewitz, évoquant la solution eurislamique seule capable d’arracher in extremis nos peuples à leur course à l’extinction.
Nous avons encore, mais sans doute jamais assez, dénoncé la pratique véritablement satanique de l’Usure comme la source de tous les maux, qu’il s’agisse de l’extinction des peuples d’Europe comme du déséquilibre Nord-Sud et des vagues migratoires qu’il provoque, avant que ne vienne le fameux « choc des civilisations ». Nous avons montré comment l’Islam non seulement condamne l’Usure sous toutes ses formes, mais encore lui oppose un système cohérent et efficace, basé sur la solidarité, le mérite et le développement assuré et partagé (7) ; tentant d’ouvrir les yeux à tous ceux abusés par les fayots de l’Oncle Sam et autres propagandistes de l’Occident christo-capitaliste : l’islamophobie à laquelle on ne cesse de les convier n’a rien à voir avec une « guerre de religion », avec la défense de l’Occident contre l’Orient des Huns, des Maures et des Vandales. Qu’il le sachent : ce à quoi on les appelle, c’est à la défense du système usurocratique qui jugule et mène l’Humanité tout entière, nos peuples européens en particulier, vers l’extinction.
Ainsi donc, nous proclamons que pour avoir un sens, l’Axe Paris-Berlin-Moscou doit surtout avoir une âme, une vision géo et métapolitique ; qu’il importe que les peuples qui le composent reprennent conscience de leur mission historique justifiant un droit de vivre qui se traduise par le désir des Européennes d’enfanter à nouveau, par la promptitude des Européens à courir aux armes si nécessaire. On comprend fort bien que les premières n’aient aujourd’hui qu’une envie très mitigée de mettre au monde de futurs chômeurs, drogués et esclaves de l’Usurocratie ; que les seconds soient fort aises de ne plus devoir marcher sous des drapeaux qui ont perdu toute signification, pour des intérêts privés, étrangers sinon opposés à ceux du Peuple et de la Nation. Mais que soit brisé le carcan de l’endettement, que soit conjuré le spectre de la misère, que les Peuples d’Europe reprennent goût à la vie, à la création et à la procréation, et nous verrons à nouveau refleurir les cités et campagnes de notre Continent, nous entendrons à nouveau les chants joyeux de nos écoliers, de nos ouvriers, de nos paysans, ainsi que des soldats chargés de défendre leur liberté et leur dignité reconquises, leur prospérité rétablie, comme de porter le fer partout où l’exigera leur mission historique.
Les habitués de nos écrits ont bien compris que rien ne nous est plus odieux que le fanatisme religieux, que rien ne provoque autant nos sarcasmes que la bigoterie et que nous tenons toutes les « croyances » pour également nulles d’intérêt. L’Islam ne trouverait pas à nos yeux plus d’indulgence que les autres si, justement, il était l’une d’elles. Les débats de niveau exotérique entre « croyants » qui tentent de se « convaincre » mutuellement de ce dont ils doutent au plus profond d’eux-mêmes, nous font bailler ! Seule nous intéresse la Haute Science, l’expérience ésotérique vécue, dressée sur le fondement établi par l’Ordre social. Napoléon a reconnu : Je ne vois pas dans la religion le mystère de l’incarnation, mais le mystère de l’ordre social ; conception pleinement conforme à son islamisme, expliquant, entre autres choses, son ralliement à l’Islam, « religion utile » pour laquelle il n’y a pas de « bas monde » mais un champ d’expérience et de création, de bataille s’il le faut, pour l’établissement de l’Ordre social servant de cadre et de base à la réalisation métaphysique. Il est vain de vanter les attraits de cette dernière à des gens qui ne savent de quoi ils se nourriront demain, s’ils auront encore un toit et une chemise, pour lesquels le confort se borne à la mise en bocal de leur cerveau par les feuilletons télévisés, que la pratique de l’Usure a tondus comme des moutons, dépossédés des biens les plus basiques !
C’est pourquoi il importe, non de « coraniser » comme ils ont été évangélisés les Européens, mais de recréer l’environnement de leur épanouissement intellectuel et spirituel ; de construire le cadre politique, économique, social et culturel nécessaire à cette révolution interne dont parle le Coran. C’est en ce sens que se comprend la parole de Mohammed, dernier Messager de l’Unique, chevauchant avec ses compagnons vers leurs foyers, de retour de campagne : « Nous revenons du Petit Jihad pour entreprendre le Grand ». Autrement dit, ayant par les armes sécurisé les frontières de l’empire, nous pouvons entreprendre l’œuvre de purification interne : de l’Etat, de la société et de nos propres âmes. Trois centaines d’autres étaient venus avant lui, porteurs de la même doctrine bien qui différant dans sa forme extérieure en fonction du temps et du peuple digne de la recevoir. Nous autres Musulmans les vénérons tous, que leurs noms soient révélés dans le Coran ou laissés à l’appréciation de ses lecteurs. Leurs disciples forment par rapport à nous, non pas d’autres religions – ce serait dévier du pur monothéisme que de croire que l’Unique ait créé différentes religions – mais d’autres communautés. Nous traitons de ceci dans d’autres ouvrages et si nous le mentionnons ici, c’est pour souligner le fait que les adeptes du Tao, du Shinto, de l’Odinisme, les disciples de Brahma, de Zoroastre, du Bouddha, bref, de toutes les traditions vivantes du grand continent eurasiatique forment avec nous un seul monde : le monde de la Tradition, menacé, agressé par l’Occident. « Allez chercher la Science, fût-ce jusqu"en Chine ! », commandait déjà Mohammed, onze siècles après Bouddha, Confucius et Sun-Zu, quelque trois millénaires après Lao-Tse.
Les trois principales tentatives grand-européennes si nous y incluons celle d’Alexandre le Grand que de nombreux Musulmans considèrent comme un de ces trois cents Messagers de l’Unique ; furent aussi et surtout eurasiatiques. L’entêtement français à Smolensk en 1812, allemand à Stalingrad fin 1942, s’explique dans le premier cas par la volonté napoléonienne de marcher à la rencontre de son ami Tipou-Sahib, sultan des Musulmans de l’Inde ; dans le second, sautant de Bismark à Haushofer, de faire la jonction avec l’Asahi, le symbole solaire venu de l’Est, dans cette même région où les Talibans de la CIA ont aujourd’hui invité les GI’s à s’établir, le nouveau Tipou-Sahib ayant nom Bose. Comme si l’Axe Paris-Berlin (imposé par Paris en 1812, par Berlin en 1942) devait sauter par dessus Moscou pour s’étendre à Kaboul et à Tokyo.
Sans doute aujourd’hui, à Madrid comme à Oslo, à Dublin comme à Shanghaï, à Karachi comme à Moscou, à Sapporo comme à Téhéran, à Istanbul comme à Hambourg et à Bagdad comme à Jakarta, a-t-on enfin compris qui est, où se trouve l’ennemi. Celui, d’après la définition clausewitzienne, qui cherche à nous imposer sa volonté. Un « choc des civilisations » ? Même pas ! Celui entre deux types d’hommes, ceux qui ont de la dignité et ceux qui n’en ont pas. Car c’est à cela que se réduisent aujourd’hui le pro et l’antiyankisme (8). Dans tous les lieux cités, il y a ceux qui ont conscience de leur passé national, de leur culture, de leur tradition, de la grandeur des héros et génies de leur Histoire. Il y a en particulier ceux dont l’Histoire récente résonne encore du génocide au napalm, au phosphore et à l’atome. Ceux là n’ont qu’un désir : Down with the Yanks ! Et puis il y a ceux qui bavent d’envie et d’admiration devant les « héros » des feuilletons télévisés que les agents du colonialisme placés dans les media imposent à leurs compatriotes, devant la puissance de l’Oncle Sam et sa façon de bulldozer les peuples. Ce sont, en termes bennabiens (9), les « colonisables ».
Ces tentatives furent aussi eurafricaines. Mais en Asie comme en Afrique, elles durent s’appuyer politiquement, militairement sur l’Islam. Que l’on considère celui-ci comme la théologie adoptée par les peuples qui forment la triple charnière entre l’Europe et l’Asie, l’Europe et l’Afrique, l’Afrique et l’Asie, ou que l’on le considère d’un point de vue strictement idéologique comme l’antithèse de l’Occident capitaliste, l’Islam est incontournable. Il constitue à la fois l’assiette et le ciment de la grande construction eurafro-asiatique. Seul son système est capable de résoudre les grands problèmes nationaux, sociaux et économiques en particulier, internationaux et intercontinentaux, notamment en brisant le carcan de la Dette dont souffrent les plus pauvres – qu’il s’agisse des citoyens les plus démunis d’un même peuple, qu’il s’agisse encore des pays les plus défavorisés – rétablissant les équilibres sans lesquels la grande construction intercontinentale à laquelle nous faisions allusion s’écroulera comme un château de sable, pour autant qu’elle ait jamais pris forme !
Les voyages de Jacques Chirac en Afrique du Nord s’inscrivent dans la tradition bonapartiste de la France, dans la permanence de ses intérêts géostratégiques, dans, enfin, ce « génie particulier » dont parle le général Spillmann (10). Cette politique simultanée de rapprochement franco-maghrébin et d’indépendance nationale face aux diktats de Washington lui ont valu un regain de popularité auprès des Musulmans dans le Monde, notamment auprès des 7 millions vivant en France. Ce serait une bien grande erreur de sa part que de la perdre pour une simple affaire de foulard ! Les mêmes qui pointaient leur doigt vers notre pays lorsqu’il refusait de verser le sang de ses soldats pour les prunes de Californie, le font aujourd’hui en se gaussant du pays des Droits de l’Homme où l’on interdit à des jeunes filles de porter un foulard ! Il est impensable que monsieur Chirac manque de réaliser la façon dont la France et son gouvernement sont roulés dans la farine (11), suite à ce qui ne peut être qu’une manipulation par ceux qui veulent la chute du second, privé des millions de votes musulmans, l’isolement de la première dans le ridicule, dans la réputation d’un pays où l’on persécute l’Islam.
L’attentat qui vient de replonger Moscou dans le sang et la terreur nous rappelle s’il en était besoin quelles sont les méthodes employées par les sbires de l’Oncle Sam. Ce sont celles de la Mafia, du crime organisé qui dirige la politique américaine, imbriqué aux services spéciaux yankee dont les premières cibles sont les hôtes de la Maison Blanche eux-mêmes, à la merci d’un Watergate, d’une Lewinsky, d’un tueur lui-même silencié par un autre… Déjà, lorsqu’ils débarquèrent en Sicile en 1943, les Yanks s’empressèrent d’armer la Mafia, de faire sortir ses parrains des prisons fascistes, si bien que les slogans de bienvenue aux « libérateurs » et de haine du Duce étaient ponctués de « Vive le Crime ! », avec la promesse, vague il est vrai, de faire de l’île une principauté indépendante ou un protectorat yankee (12). Que les successeurs des Hoover, Dulles, Donovan et tutti quanti aient inclus dans leurs carnets mondains les proxénètes et trafiquants d’Europe centrale et orientale ; qu’ils manipulent de plus, par Wahabites et Talibans interposés, des activistes tchétchènes, voilà qui est tout naturel et qui le restera aussi longtemps qu’il y aura des crétins et des corrompus prêts à tous les usages.
De Moscou à Madrid, le chantage terroriste porte une même marque, car l’Espagne, troisième puissance navale atlantique européenne, est une des cibles essentielles des USA depuis 1898. Dix ans à peine après la consigne donnée aux Rojos de massacrer tous les officiers de Marine tombant entre leurs mains, l’Amérique de Truman renouvelait ses pressions sur Madrid, prenant prétexte de l’influence du mouvement national-syndicaliste créé par Jose-Antonio Primo de Rivera (13) dans les Etats d’Amérique Latine. Dans l’attente que demain l’Espagne finalise sa mission historique de projection du grand Axe eurasiatique vers les Philippines, Cuba, Puerto-Rico et l’ensemble de la Latinité jusqu’à Los Angeles et « Frisco » ; aujourd’hui, l’intensité du chantage terroriste en Espagne comme au Royaume-Uni constitue le baromètre de l’estime que Washington porte à ses laquais Aznar et Blair (14).
Ainsi donc les tentatives de déstabilisation des peuples et pays de quel axe soit-il de résistance à Washington, de chantage opéré sur leurs dirigeants, ne manqueront-elles ni de fonds ni de bras. Il appartient à ces peuples, à ces pays, à ces dirigeants de ne manquer ni de courage ni de cervelle.
Tahir de la Nive
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NOTES
Dans sa brillante intervention de clôture, Alain de Benoist rassembla des citations violemment francophobes de politiciens et journalistes yankee. Il en est une que nous signalons souvent, tant elle reflète l’arrogance de Washington et la colonisabilté qu’il attend de ses « alliés » : le désir exprimé par le professeur van Evera dans le Journal of Strategic Studies paru à l’époque de la première coalition anti-irakienne, que les manuels d’Histoire en usage dans les écoles européennes soient censurés par l’administration yankee, expurgés de tout « nationalisme ».
Même hargne, même haine pour les Allemands qui agirent pour la paix, tout au moins pour la fin des hostilités à l’Ouest, qu’il s’agisse du dignitaire de la NSDAP que fut Rudolf Hess, ou encore des officiers antinazis de la Wehrmacht, que l’Intelligence Service ignora magnifiquement dans la période précédant la guerre pour les livrer, les listes des conjurés de 20 juillet 1944 étant divulguées par la BBC, pieds et poings liés à Roland Freisler et à son Volksgericht. Le sort de ces derniers est à comparer à celui du général Paulus et autres, passés au service de Staline et jouissant de tout son appui pour leur comité de l’ « Allemagne Libre ».
Il est bon de se souvenir que jusqu’au 11 novembre 1942, la Wehrmacht n’occupait que le littoral atlantique de la France, qu’elle ne s’empara de la dite « zone libre » qu’en réponse au débarquement américain en Afrique du Nord ; le sabordage à Toulon de ce qui restait de la puissance navale française étant la conséquence de la prise par Washington du Maghreb français. Les U.S. Forces quant à elles occupèrent d’emblée tous les points du territoire britannique qui leur parurent utiles. Soixante ans plus tard, elles observent la même éthique. Qu’on nous épargne les niaiseries du genre : Ah oui ! Mais elles sont là en amies, pour défendre le Royaume au côté de ce qu’il reste des troupes de Sa Majesté ! - Pas pour le défendre contre le terrorisme de l’IRA en tout cas, désormais quasi officiellement soutenu, visiblement contrôlé par Washington !
La turcophobie sur fond d’islamophobie d’une partie de la Nouvelle Droite a permis à certains de ses stentors d’accuser François 1er de trahison à l’Occident chrétien (nous y voilà !) pour son alliance avec la Porte. Traîtres eux-mêmes que ces messieurs, qui se réclament volontiers du Nationalisme tout en soumettant les intérêts de la Nation à ceux d’une puissance étrangère ou d’une idéologie qui lui est nuisible, le Vatican notamment !
Auteur de « Réflexions politique et militaires » réparties en une vingtaine de tomes, Santa Cruz de Marcenado brilla tant comme diplomate que comme chef de guerre. Il tomba en 1732 à la tête de ses troupes lors de l’expédition espagnole d’Oran, précisément sur la colline qui porte encore le nom de Santa Cruz et qui domine la rade de Mers-el-Kébir. Son œuvre marqua à ce point la pensée politique et militaire prussienne, que lorsque des diplomates espagnols vantaient l’excellence de son armée à Frédéric le Grand, ce dernier leur répondit : Mais c’est à Santa Cruz de Marcenado que je la dois !
Dans notre ouvrage « Guénon, Clausewitz et la doctrine islamique du Tawhid ».
Dans notre ouvrage « Les Croisés de l"Oncle Sam », introduction au chapitre 2.
Nous préférons ce terme à celui d’ »antiaméricanisme », car si d’une part l’Amérique est loin de se limiter aux seuls Etats-Unis, nous ne nourrissons d’autre part aucune animosité contre les citoyens de ces derniers, parmi lesquels nous avons des amis et rencontré des gens tout à fait sympathiques – y compris des officiers des U.S. Forces dignes de nos armées européennes, asiatiques ou africaines. Plus encore qu’aux USA en tant que puissance, c’est au système capitaliste dont ils sont le bras armé que nous nous en prenons.
De Malek Bennabi, écrivain algérien, père du concept de « colonisabilité ».
Auteur, entre autres, de « Napoléon et l’Islam » ; ouvrage à ne pas confondre avec « Bonaparte et l"Islam » de Christian Cherfils.
Au point que le Maire de Londres ait envoyé une lettre de protestation et d’appel à la raison au gouvernement français.
Considérations propres à faire ici, plus qu’une comparaison, un rapprochement avec la question de la Corse. Le dernier attentat séparatiste d’importance commis dans l’île ne frappait-il pas l’Armée Française, justement dans les circonstances de son non-engagement au côté des laquais de Washington en Irak ?
Assassiné par les Marxistes dans la prison d’Alicante dès le début de la guerre civile avec la complaisance de Franco qui s’ingénia à déconseiller aux services spéciaux allemands une opération un peu dans le style de celle de Skorzeny au Gran Sasso (bien que navale et non aéroportée) en vue de sa libération.
Lavons-nous de tout soupçon de néo-colonialisme. Lorsque nous parlons des projections asiatiques, africaines, latino-américaines de l’Axe grand-européen, c’est exclusivement en termes de coopération fraternelle, certainement pas de sujétion, que nous le faisons, même s’il est indéniable que des liens particuliers existent entre certains pays d’Europe et leurs anciennes colonies. Le débat sur les bienfaits et méfaits du colonialisme est aujourd'hui tombé en désuétude, le moins douteux des premiers étant qu’en effet, des peuples d’Europe et des autres continents ont ainsi appris à se connaître et, tout au moins pour leur élite, à s’estimer dans le sens dit dans le Coran (49/13).