Juifs républicains : la grande déculottée
Cette intéressante analyse est reprise du site, juif et de gauche, du Centre communautaire laïc juif de Belgique.
La communauté juive a voté en masse pour Barack Obama. Seule exception, les Juifs américains installés en Israël qui ont choisi à 85% son opposant. Et tous les candidats juifs du Parti républicain, sauf un, ont été battus.
Un massacre. La droite juive américaine s’est fait battre comme un vieux tapis. Déjà, son candidat, Mitt Romney, n’a obtenu que 30% des voix de la communauté pour 69% à Barack Obama.
Mais la dégelée été similaire au Sénat et à la Chambre des Représentants où les candidats juifs républicains ont subi défaites sur défaites. Randy Altschuler à New York, le rabbin Shmuley Boteach dans le New Jersey, Adam Hasner en Floride, Josh Mandel dans l’Ohio…
Tous battus. En définitive, un seul Juif républicain a été réélu au Congrès : le député Eric Cantor de Virginie. C’était bien le moins : c’est l’actuel chef de la majorité républicaine… Résultat de ces défaites : le Sénat ne compte plus que 10 élus juifs sur 100 (12 en 2010) et 22 députés sur 435 à la Chambre des Représentants (27 en 2010).
Alors, qu’est ce qui n’a pas marché pour la droite juive ? A peu près tout. Déjà, la stratégie de Romney se présentant comme un meilleur allié d’Israël et insistant sur les conflits entre MM. Obama et Netanyahou.
Plutôt que ces querelles de personne, les Juifs américains ont pris en compte le renforcement concret de l’aide politique et militaire de leur Président à Jérusalem. Ils ont aussi peu goûté la volonté du Républicain de faire d’Israël une pomme de discorde entre Juifs.
Et surtout, ils n’ont été que 5% à considérer que les relations entre les deux pays étaient un sujet prioritaire. Les autres, comme le reste des Américains, s’intéressaient bien davantage à l’économie et aux questions de société.
Or, la communauté juive, plus âgée que le reste de la population et qui ne manque pas de poches de pauvreté, a apprécié les mesures sociales du Président : l’Obamacare ou l’aide aux personnes âgées.
D’autre part, les Juifs ont été révulsés par les positions extrémistes du Parti républicain (beaucoup plus à droite que leur candidat à la présidence) sur l'avortement, la contraception ou les homosexuels. Sans oublier les délires de deux candidats républicains sur le viol.
Le premier considérant qu’en cas de « viol véritable », le corps de la femme « résistait à la grossesse ». Et le second affirmant que même en cas de viol, « donner la vie était un don de Dieu ». (Ils ont été battus tous les deux)
85% pour Romney… en Israël
N’a pas aidé non plus le choix de Romney de prendre Paul Ryan comme vice-Président. Choisi parce qu’il était ultra-conservateur dans tous les domaines, il a, semble-t-il, été soigneusement tenu à l’écart de la communauté juive.
Selon plusieurs analystes, les Républicains auraient tiré la leçon de la candidature de Sara Palin en 2008. Elle se présentait pourtant comme une ardente sioniste et arborait volontiers une grande Etoile de David. Ce qui ne l’a pas empêchée de faire fuir les électeurs juifs.
Ceux-ci ne supportaient tout simplement pas ses discours sur « la grande nation chrétienne » qu’était à ses yeux les Etats-Unis… Ceci étant, et encore qu’on doute que cela ait été une réelle consolation pour lui, Romney a tout de même réalisé un triomphe chez une partie des Juifs américains.
Ceux qui sont installés en Israël ou non loin, dans les territoires occupés de Cisjordanie. Ils se sont fortement mobilisés pour voter par correspondance (80.000 au lieu de 20.000 en 2008). Et, selon un sondage, ils auraient choisi à 85% le candidat républicain…
Autre tentative de consolation pour la « Coalition Juive Républicaine » cette fois : le vote juif pour Obama est en diminution par rapport à 2008 quand le Président avait obtenu entre 74 et 78 % des voix de la communauté… On a les victoires qu’on peut.
Joue-la comme Adelson
Même s’il joue un rôle disproportionné dans les élections américaines, l’argent ne permet pas encore de tout acheter. A preuve, les échecs de Sheldon Adelson.
Sheldon qui ? Si vous ne le connaissez pas, vous avez tort : Sheldon Adelson, (79 ans) est un propriétaire de chaines de casinos aux Etats-Unis et en Asie. Sa fortune tourne autour de 15 milliards d’euros. De quoi se vanter à raison d’être le Juif le plus riche du monde.
En politique, Adelson est un peu à droite de Gengis Khan. C’est un grand ami de Benjamin Netanyahou et un partisan résolu de la colonisation. Aux Etats-Unis, il a bien sûr détesté chacune des minutes que Barack Obama a passées à la Maison Blanche.
Et il a dépensé tout ce qu’il pouvait pour le faire battre avec une sûreté de choix qui force l’admiration : durant les primaires républicaines, il a versé près de 13 millions d’euros pour soutenir le très droitier Newt Gingrich (qui s’est du coup, découvert un amour immodéré pour Israël).
Quand Adelson a compris qu'il n'y arriverait pas, il l’a laissé choir comme une vieille chaussette pour se rabattre sur Romney, même s’il le trouvait un peu mou du genou question libéralisme économique. Il est même devenu son premier donateur avec 42 millions d’euros.
Avec le succès que l’on sait. N’empêche, certains trouveront que, même si Adelson en a largement les moyens, il y a une certaine noblesse à dépenser autant d’argent pour ses idées. Hélas, la démarche de ce grand partisan du Grand Israël n’est pas exempte d’arrières-pensées.
Comme Adelson l’a lui-même expliqué, il entrait aussi une part « d’auto-défense » dans son combat. Car voici quelque temps que le Ministère de la Justice et la « SEC »*, le gendarme de Wall Street, ont ouvert une enquête criminelle contre lui.
Il est soupçonné de dissimulations de revenus, de corruption, de blanchiment d’argent et de divers trafics, dont de la prostitution, dans ses établissements asiatiques. Le magnat des casinos s’est défendu en criant à la persécution par l’Administration démocrate.
N’empêche qu’entre redressement fiscal et amendes diverses, il risque de devoir verser pas moins d’un milliard et demi d’euros au fisc. La venue au pouvoir de son ami Mitt aurait pu, sinon mettre fin à ces procédures, du moins enliser pour longtemps.
Vu sous cet angle, placer 50, 60 ou même 100 millions d’euros sur les Républicains offrait un retour sur investissement des plus confortables. En plus, c’était tout bon pour son autre ami Netanyahou.
Et dire que ces imbéciles d’électeurs américains, Juifs y compris, ont été gâcher tout cela. A vous dégoûter de la philanthropie…
*SEC : Securities and Exchange Commission
Cet article est basé en bonne part sur une série de papiers publiés dans le site du très intéressant Jewish Week de New York(http://www.thejewishweek.com/news/national-news/congressional-races-cantor-still-soloist)
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