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Lybie, Syrie, Iran... Nicolas Sarkozy est-il vraiment un supplétif d’Israël ?
Yves-Marie Laulan |
Étranger
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Nous reproduisons ci-dessous un article d'Yves-Marie Laulan qui est d'autant plus intéressant que son auteur défendait, jusqu'à récemment, des thèses favorables à l'Empire du mal.
L’idée parait absurde a priori. Pourtant il est permis de se demander si, comme acteur direct ou à titre de supplétif des Etats-Unis, Nicolas Sarkozy n’a pas eu tendance à privilégier systématiquement les intérêts d’Israël au détriment de ceux de la France.
Il est quand même surprenant, en effet, de constater que sa première déclaration publique, peu de temps après son échec aux présidentielles, a été pour « tacler » comme on dit aujourd’hui, le président Hollande sur sa faiblesse supposée envers la Syrie. Curieux hasard. On notera, au passage, qu’il n’est guère dans la tradition républicaine qu’un président fraîchement battu prenne la parole en public pour critiquer sans tarder son heureux successeur, surtout sur des questions de politique étrangère. Il est vrai que Nicolas Sarkozy ne s’est jamais beaucoup soucié de la bienséance et des convenances républicaines. On ne se refait pas.
Assurément un ami
Mais pourquoi cette ardeur renouvelée envers la Syrie ? On avait pu croire, un instant, que sur l’affaire libyenne, Sarkozy, alors président, s’était laissé convaincre par le trop fameux Bernard Henri Levy porté par un amour immodéré pour les Libyens en grand danger de mort sous la férule tyrannique de l’infâme Kadhafi (reçu quand même en grande pompe à l’Elysée quelques années auparavant).
Mais, avec le recul, il apparaît clairement qu’avec ou sans BHL, c’est Sarkozy lui-même qui était bel et bien à l’origine de cette généreuse croisade en faveur des Libyens épris de liberté. Ces derniers ont donné sans tarder la preuve de leur attachement aux vertus démocratiques en rétablissant la Charia pour améliorer la condition féminine puis, tout récemment, selon diverses sources, en sodomisant, torturant et assassinant le malheureux ambassadeur Christopher Stevens, pourtant leur ami de toujours .
D'un à l'autre sans hésiter..
Alors pourquoi cet enthousiasme pour une intervention française en Syrie ? C’est là qu’il faut procéder, comme le disent les Anglo-saxons, à un petit exercice de « connecting dots », consistant à tirer des traits entre des points apparemment sans lien.
Avant la Libye, il y avait eu le retour en fanfare à l’OTAN qui a entraîné la mort en Afghanistan d’une centaine de nos soldats avant de se traduire, dans les mois à venir, par un retrait précipité sous la pression des Talibans, décidément bien coriaces. Mais pourquoi l’envoi d’un contingent de 4000 hommes, là où Chirac, pour une fois fort sage, s’était contenté d’envoyer une petite poignée de « conseillers » ? La réponse est claire. Il s’agissait de renouer des liens forts avec la puissance américaine quelque peu froissée après le refus français d’aller se balader en Irak. Jusqu’ici rien à dire, sauf que cette expédition aux antipodes, sans objet et sans succès, aura un peu plus épuisé nos forces et nos hommes dans un conflit sans issue. Nos soldats sont-ils morts pour rien ?
Al Assad est plus coriace
Mais là où le tableau se précise c’est quand on se rappelle que la France de Sarkozy a cru bon d’installer le 26 mai 2009 une base militaire de 500 hommes face à l’Iran (à 150 miles très exactement) , à proximité du Detroit d’Ormuz, un magnifique Dien Bien Phu en perspective en cas de conflit sérieux. Cela rappelle évidemment certains souvenirs.
En termes de sécurité de nos approvisionnements pétroliers, une base française dans le Golfe persique n’a évidemment aucune portée opérationnelle. Quant à se lancer militairement à l’assaut de Téhéran à partir de là, on demande à voir. Pure bravade ou un geste de portée symbolique, ou diplomatique si l’on préfère, à l’adresse de l’Iran, pour faire plaisir aux Emirats ? Mais croit-on vraiment intimider l’Iran de la sorte ? Et, peut-on se demander, à l’instigation de qui cette décision, qui pourrait se révéler lourde de conséquences, a-t-elle été prise , et au profit de qui, les USA ou Israël ?
Là dessus intervient l’écrasement de la petite Libye , avec le concours en sous-main de la puissante Amérique qui détruit subrepticement les défenses anti aériennes de ce pays ainsi que les centres de communications (sans compter la fourniture de carburant et de munitions aux vaillants alliés européens à court de tout). Pourquoi cette démonstration de force purement gratuite ? Sans doute pour intimider les pays du Moyen-Orient qui douteraient de la détermination de la France de Sarkozy à entrer avec conflit avec l’Iran aux côtés d’Israël.
L’occasion n’a pas tardé à s’en présenter avec l’affaire de Syrie. Une fois de plus la France se porte aux avant-postes, BHL en tête, pour sonner la charge contre la communauté alaouite, branche chiite, regroupée autour du président Bashar al-Assad sous le voile pieux d’une nouvelle croisade à caractère humanitaire, bien sûr. On a déjà vu le film. En fait, il s’agissait tout bonnement d’abattre Bashar Al Assad, soutenu par l’Iran chiite et de préparer son remplacement par un homme de paille sunni quelconque supposé favorable à un accommodement avec Israël et, bien entendu, les Etats-Unis ainsi qu’avec l’Arabie Saoudite, place forte des Sunnis mais surtout, grand pourvoyeur de pétrole à l’Amérique perpétuellement assoiffée. Cherchez l’erreur.
Car, patatras, le beau château de cartes s’effondre. En effet :
- Al Assad se défend comme un beau diable avec l’énergie du désespoir, sachant bien qu’en cas de défaite, son sort serait, au mieux, celui de Kadhafi
-La Chine et la Russie, déjà bernés avec la résolution de l’ONU 1973 par Juppé, notre va-t’en guerre de Dax (département des Landes), n’ont aucune envie de se laisser rouler dans la farine une fois de plus
-Les USA en pleine campagne électorale n’ont aucune intention de se laisser entraîner derechef dans une nouvelle guerre forcément impopulaire et plus qu’incertaine au Moyen-Orient
-et, surtout, la Syrie n’est pas la Libye.
Une intervention intempestive de la France se traduirait par des pertes bien plus sévères pour nos armes. Sans compter qu’une fois Al Assad abattu, tout porte à croire que ce serait une coalition d’ islamistes fanatiques, déjà venus de tous les coins du monde, Afghanistan compris, qui viendraient s’emparer du pouvoir pour se lancer à partir de cette base aimablement offerte par l’occident, toujours prêt à jouer les apprentis sorciers , dans des attaques terroristes tous azimuts. A cet égard l’assassinat atroce de l’ambassadeur américain en Libye a, sans aucun doute, refroidi les ardeurs de l’Amérique et montré clairement les dangers d’un humanitarisme interventionniste excessivement naïf .
Mais qu’importe, pour notre Sarko national, rien ne serait trop coûteux pour affaiblir l’Iran, que ce soit directement ou indirectement, et se substituer, s’il le faut, à l’ami américain défaillant pour soutenir Israël.
Le grand retour de Nicolas
Sur le plan interne cette fois, Nicolas Sarkozy n’a pas tardé à effectuer une rentrée plus ou moins discrète sur la scène politique. Cela se comprend. Rien de plus infortunés que ces anciens présidents battus qui traînent dans l’ennui une existence inutile et misérable sans savoir quoi faire de leur temps, tels ces pitoyables chevaux de course, fourbus et réformés que l’on met au pré. Surtout s’ils sont encore jeunes.
Le retour de Nicolas
Songeons à Bill Clinton, Georges Bush, VGE ou à Jacques Chirac. A cet égard, dans un souci de miséricorde, on devrait songer à voter une loi interdisant à toute personne de se présenter aux présidentielles avant d’avoir atteint l’âge canonique de 70 ans . Mais, avec Nicolas Sarkozy, il n’y a heureusement rien à craindre de semblable.
Car nous avions été bien naïfs. Les quelques rares observateurs qui avaient osé imaginer « l’après Sarkozy » le voyaient déjà quitter les berges de la Seine pour celles du Potomac et aller honnêtement gagner beaucoup d’argent dans un grand cabinet d’avocat d’affaires américain (tout comme jadis la ravissante Christine Lagarde). D’autant plus qu’il dispose d’un carnet d’adresses pratiquement sans égal au monde, depuis le prince de Monaco jusqu’à l’Evêque coadjuteur de la principauté d’Andorre.
Mais ce n’est pas du tout
Le voilà qui se déguise en touriste ordinaire au Maroc avant de rentrer à Paris pour s’enfermer au Conseil Constitutionnel dont il est membre de droit. Cela se comprend. La République, décidément bien généreuse offre un véritable pont d’or à ses anciens présidents. Voyez plutôt.
Tout comme Giscard avant lui, et notre Chirac, Sarkozy dispose d’un équipage de prince.
La République lui verse 11 500 euros nets par mois, auxquels s’ajoute 6 000 euros versés au titre d’ancien Chef d’Etat. Cela fait déjà un joli pactole de 17 500 euros par mois. C’est quand même mieux que le smig. La petite Julia ne manquera pas de jouets à Noël. D’autant plus qu’à cela s’ajoutent des « primes de sujétion (on se demande lesquelles) d’un montant inconnu mais dont on peut s’imaginer qu’elles sont rondelettes. En outre, l’heureux bénéficiaire de ces largesses est logé dans un appartement de fonction « meublé et équipé », il peut voyager sans limites et gratuitement sur Air France , et deux policiers assurent la protection de sa précieuse personne, sans compter pas moins de sept collaborateurs .
Ah, j’allais oublier. Il dispose aussi d’une voiture de fonction qui ne doit pas être probablement une Coccinelle ou une Smart. On comprend aisément que dans ces conditions il soit difficile de renoncer à ce pactole, à vie, d’aller s’exiler à New York où, au surplus, il faut travailler dur pour gagner son pain quotidien.
Mais il y a plus. Car des délices nouveaux l’attendent à Paris où il va pouvoir jouer un rôle convoité, celui de la statue du Commandeur auprès de l’ancienne majorité. Ne fait-on pas déjà courir le bruit que les Français commencent à regretter Sarkozy ?
En fait, pour ceux qui pénètrent quelque peu la psychologie du personnage, son seul but dans la vie sera désormais de prendre sa revanche sur le destin injuste qui l’a privé d’un second mandat où son immense talent aurait pu s’épanouir à loisir. Là deux voies royales s’offrent à lui : soit chercher à revenir purement et simplement à l’Elysée ; soit barrer systématiquement la route au rival imprudent qui ferait mine de vouloir en faire autant. Chacun sait que l’on tire autant de satisfaction de l’échec de ses amis que de ses propres succès.
En d’autres termes, le boulevard qui s’ouvre devant lui, et on peut en imaginer d’avance les arcanes infinies, va lui permettre de mettre sans cesse des bâtons dans les roues de l’impudent François Copé si ce dernier s’imagine pouvoir rivaliser avec son ancien patron. Mieux encore, il lui sera loisible d’avoir recours à l’inusable et docile François Fillon, son ombre portée à la tête de l’Ump, comme sa marionnette préférée. Il pourra commodément en tirer les ficelles dans l’ombre pour avancer masqué vers son propre but. Tout cela en attisant savamment les rivalités fratricides au sein de son propre camp. Que de riantes perspectives.
De sorte qu’avec une droite divisée et éclatée, la gauche peut heureusement se préparer à l’ exercice ininterrompu du pouvoir pendant de longues années. Du Songe d’Attali au rêve de Sarkozy ?
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