Gagner de l’argent en faisant emprisonner des enfants ? C’est possible… aux États-Unis !
L’affaire n’est pas récente – voici quasiment un an qu’elle a été révélée en Pennsylvanie – mais elle mérite d’être racontée pour deux raisons. D’abord elle n’a pas encore été jugée sur le fonds et surtout elle est significative des dérives éventuelles du tout-libéralisme que, à l’imitation des USA, Nicolas Sarkozy met en place dans notre beau pays…
Il faut savoir qu’aux États-Unis, la plupart des prisons sont, d’une manière ou d’une autre, gérées par des sociétés privées qui facturent leurs prestations en fonction du nombre de prisonniers qu’elles ont en charge. Elles ont donc tout intérêt à ce que la criminalité soit la plus forte possible, puisque, de ce fait, les tribunaux leur adressent alors un maximum de pensionnaires… Si la criminalité stagne ou régresse, ces entreprises voient, à leur grand dam, leur chiffre d’affaire faire de même.
Deux d’entre elles, les sociétés PA Childcare et Western PA Childcare, qui géraient des centres de détention pour mineurs dans le comté de Luzerne en Pennsylvanie, avaient trouvé la solution pour que cela n’adviennent jamais : elles intéressaient à leurs bénéfices deux juges pour enfant et les rétribuaient en fonction du nombre de mineurs qu’ils condamnaient et de la durée de leurs peines.
Ainsi, les juges Mark Ciavarella et Michael Cohahan ont condamné, entre 2003 et 2006, plus de deux milles enfants et adolescents à des peines excessivement sévères comportant un emprisonnement même si la gravité de l’infraction ne le justifiait pas (9 mois de prison pour un vol de 4 dollars par exemple…). Les victimes qui étaient choisies parmi les familles issues des classes sociales les plus défavorisée étaient incapables intellectuellement ou financièrement d’organiser leur défense et ne pouvaient donc que subir, sans vraiment le comprendre, ce qui leur arrivait. En échange de leurs bons et loyaux services les deux juges se sont partagés 2.6 millions de dollars. Actuellement en liberté sous caution, ils risquent une condamnation maximum à vingt-cinq années de pénitencier…
Cela étant, ce type de dérive n’est pas sans rappeler un précédent : celui québécois des « orphelins de Duplessis ». En 1944, le premier ministre de la belle province, Henri Duplessis prit un décret prévoyant que les orphelinats toucheraient, de l’État, une indemnité pour leurs pensionnaires aliénés qui serait supérieure à celle prévue pour les biens portant. Cette décision, innocente et justifiée, fut rapidement détournée par nombre de directeurs d’institutions. Puisqu’ils touchaient plus pour un orphelin considéré comme idiot que pour un orphelin sain d’esprit, ils en déclarèrent donc un maximum comme débiles, retardés ou carrément fous, et les traitèrent comme tels. Le gain fut de ce fait doubles, en effet puisque les malheureux enfants étaient dépourvus d’intelligence, il ne servait à rien de les instruire. On pouvait donc notablement réduire les frais de scolarité qu’ils occasionnaient normalement… Cette pratique dura quinze longues années avant que le scandale éclate et plus de trois milles enfants furent ainsi sacrifiés sur l’autel du chiffre d’affaire et des bénéfices.
« Nos vies valent plus que leurs profits » disent certains. Les orphelins québécois et les jeunes prolétaires de Pennsylvanie prouvent que pour d’autres le bon slogans était hier et est enocre aujourd’hui « Nos profits valent plus que leurs vies. »