PSA confirme l'entrée du chinois Dongfeng à son capital
Article du journal Le Monde : http://www.lemonde.fr/
Le groupe français Peugeot a confirmé, lundi 20 janvier, « un projet d'augmentation de capital d'un montant de l'ordre de 3 milliards d'euros » auquel participeraient le groupe chinois Dongfeng et l'Etat français.
« Selon le scénario privilégié, la société envisagerait de procéder à une augmentation de capital réservée à Dongfeng », suivie d'une augmentation de capital avec droits préférentiels de souscription à laquelle Dongfeng participerait et que « l'Etat français pourrait accompagner », explique dans un communiqué le constructeur automobile. Cette nouvelle étape de l'histoire du constructeur était amorcée depuis le feu vert du conseil de surveillance de Peugeot, dimanche.
Cette opération financière vise à redonner des moyens à l'industriel français en perte de vitesse, mais elle se fait au prix d'une redistribution singulière des cartes dans son tour de table.
Qui contrôlera PSA ?
Jusque-là, la famille Peugeot contrôlait le constructeur avec 25,4 % du capital et 38 % des droits de vote. Elle accepte de perdre son rôle prépondérant au sein du constructeur sochalien. Celui-ci disposera désormais de trois actionnaires détenant, chacun, une participation d'environ 14 % : la famille Peugeot, l'Etat français et le constructeur automobile chinois Dongfeng.
L'Etat et Dongfeng vont souscrire chacun pour 800 millions d'euros d'actions nouvelles. La famille Peugeot, elle, ne devrait investir qu'entre 80 et 120 millions d'euros. Cela aura pour effet de réduire sa participation pour la ramener à hauteur de celle de ses nouveaux partenaires.
Cette perte de contrôle par la famille Peugeot a suscité des débats vifs en interne. Thierry Peugeot, le président du conseil de surveillance, espérait en effet pouvoir lever les 3 milliards d'euros d'argent frais sans réserver de part à Dongfeng et à l'Etat.
Dans un tel schéma, la famille aurait été diluée, mais elle aurait conservé son statut de premier actionnaire. De son côté, Robert Peugeot, président de la holding patrimoniale de la famille Peugeot, militait pour le schéma d'une recapitalisation soutenue par l'Etat et Dongfeng, mais en misant sur l'équilibre au tour de table. Les termes définitifs de cette opération seront fixés en fonction des conditions de marchés, au moment où elle sera effectivement lancée.
Qui dirigera PSA ?
Les futurs grands actionnaires de PSA ont fait savoir qu'ils souhaitaient un nouveau président du conseil de surveillance. Les jours de Thierry Peugeot sont donc comptés. Ce sera la première fois que le groupe sochalien ne sera pas présidé par un membre de la famille.
Le nom de Louis Gallois, le commissaire général à l'investissement qui représente déjà l'Etat au conseil de PSA, circule comme possible futur président du conseil.
La conduite opérationnelle du constructeur restera assurée par Carlos Tavares : l'ancien numéro deux de Renault a officiellement intégré le directoire de PSA Peugeot Citroën le 1er janvier. Il succédera à Philippe Varin au poste de président du directoire dans le courant de cette année.
Pourquoi l'Etat français intervient-il ?
L'Etat était déjà intervenu une première fois pour aider PSA, à l'automne 2012. Il avait apporté sa garantie à 7 milliards d'euros de financements consentis par PSA Finance, la banque du constructeur.
Par la suite, lorsque le groupe français, en quête d'un grand partenaire industriel, est allé chercher le chinois Dongfeng, les pouvoirs publics ont annoncé d'emblée qu'ils participeraient à une éventuelle recapitalisation. Il s'agit de garantir l'ancrage français du fleuron franc-comtois.
« L'Etat fera tout, pèsera, pour que PSA reste ce grand constructeur français, et trouve les moyens de son développement », avait d'ailleurs réaffirmé, dimanche, Pierre Moscovici, le ministre de l'économie et des finances.
Qui est Dongfeng et qu'apportera-t-il à PSA ?
Il s'agit du deuxième constructeur automobile chinois (3,1 millions de véhicules produits en 2012), coté à la Bourse de Hongkong (9,4 milliards d'euros de capitalisation) et installé à Wuhan, dans le centre de la Chine. Avec 17 milliards d'euros de chiffre d'affaires, il pèse trois fois moins lourd que PSA.
Spécialiste au départ des poids lourds, Dongfeng a signé une première coentreprise avec Citroën en 1993, après quasi dix ans de discussions. Les deux entreprises ont produit et écoulé plus de 550 000 véhicules en Chine en 2013.
Dongfeng est également lié à Nissan, avec qui il produit plus d'un million de véhicules par an, ainsi qu'avec Renault, depuis décembre 2013, avec qui il ouvrira une usine en 2016. Honda, Kia ou, dans les poids lourds, Volvo, sont également partenaires du groupe chinois.
L'augmentation de capital de 3 milliards d'euros est nécessaire pour assurer les investissements futurs de PSA. L'apport de Dongfeng à cette opération, au-delà de ce volet financier, est intéressant car il se double d'un projet industriel. PSA va avoir accès, grâce notamment à des véhicules à bas coûts, à un segment plus large des marchés émergents.
Dans un premier temps, Dongfeng et PSA devraient approfondir leurs développements communs en Chine, en Asie et ultérieurement dans tous les pays émergents. Vu la rapidité de la croissance du marché chinois, les deux partenaires entendent se doter d'une quatrième usine commune en Chine, qui pourrait ouvrir dès 2017.
Afin de mener ces développements locaux, PSA et Dongfeng entendent créer un centre de recherche et développement commun. Les deux partenaires veulent, en particulier, développer des plateformes (soubassements d'une voiture) à bas coûts, dérivées d'anciennes plateformes de PSA.
C'est également dans ce cadre, par exemple, que pourrait être développée et industrialisée la technologie « hybride air », imaginée par PSA. Cette technologie, peu chère, est particulièrement adaptée aux pays émergents. Des rumeurs autour d'un partage avec Dongfeng de l'usine russe de Kaluga, que PSA détient avec Mitsubishi, ressurgissent par ailleurs régulièrement.
D'autre part, dans le cadre de sa coentreprise avec Dongfeng, PSA touche un dividende sur l'ensemble des technologies utilisées par cette société commune. Cela devrait assurer à l'avenir des résultats financiers plus solides.
Cet accord suffira-t-il pour remettre PSA sur la bonne route ?
L'arrivée de Dongfeng ne règlera pas les problèmes rencontrés par PSA en Europe, en Russie et en Amérique du Sud. En Europe, sa part de marché a chuté à moins de 12 %, contre près de 15 % au début des années 2000.
En lançant une vaste restructuration en France – fermeture du site d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), réduction de la capacité de production des sites de Rennes (Ille-et Vilaine), sans doute Poissy (Yvelines) et peut-être Mulhouse (Haut-Rhin) – en laissant partir plus de 11 000 personnes d'ici à 2015 et en s'associant avec Opel pour des projets communs de développement et de production, PSA entend réduire sa base de coûts et revenir dans le vert.
La question est de savoir si cela sera suffisant. Ce n'est pas sûr. Pour survivre en Europe, PSA doit réussir la montée en gamme de Peugeot, Citroën et DS afin d'espérer gagner des parts de marché rentables.
Par contre, PSA manque toujours d'une base de production à bas coûts pour produire des citadines, aujourd'hui difficiles à fabriquer en Europe, et ses véhicules pour les pays émergents (Citroën Elysée, Peugeot 301). Produits aujourd'hui en Espagne, ils rapportent peu. Demain se posera donc la question d'ouvrir un site dans un pays à très bas coûts, à l'instar de Renault qui dispose de son usine de Tanger (Maroc).
Article du journal Le Monde : http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/20/le-nouveau-visage-de-psa_4351161_3234.html : Isabelle Chaperon et Philippe Jacqué