«Les cathos de droite ruent dans les brancards», écrit Philippe Merlant dans La Vie du 21/10/2009 [1]; Sarkozy les a déçus. Celui qu'il ont élu, le Sarkozy du bon sens et de l'audace, du franc-parler et de l'indignation intransigeante devant l'inacceptable, celui qui avait séduit une droite châtrée et une classe moyenne qui en avait marre de sa droite molle, fit croire aux cathos qu'on allait en finir avec mai 68. On n'en a pas fini du tout, au contraire. Par contre on a soldé une entreprise de séduction de l'électorat catholique et de celui du FN par une victoire électorale. Puis l'ouverture à gauche a régularisé le concubinage de la droite lili (libérale-libertaire) et la gauche bobo (bourgeois-bohême). Le catho de droite - l'euphémisme désigne le jobard pratiquant acculé au minimalisme par la laïcité - a été berné. Les faux opposants de scène ne cachaient pourtant plus leur liaison depuis la cohabitation Mitterrand-Chirac; l'élection de Nicolas Sarkozy, candidat unique de l'UMPS, fut l'apothéose de cette fornication politique. Ségolène Royal, faire-valoir nigaud, croyait faire campagne - elle tenait la chandelle! [2]

La génération qui nous gouverne, les premiers lili-bobo, furent élevés (façon de parler) suivant l'«interdit d'interdire». Celui-ci est plus qu'un slogan juvénile creux pour gosse de riche mal fessé. C'est une façon de pensée et un mode de vie qui ont engendré les néoconservateurs - Sarkozy, Kouchner, etc... Comment? Interdit d'interdire, donc tout est permis. Tout est permis mais tout n'est pas possible; n'est possible que ce qu'on peut payer. Ce qu'on peut s'offrir est donc permis; Frédéric Mitterrand ne dira pas le contraire. La logique est bancale mais la pente est glissante. La France l'a descendue et Sarkozy a rejoint la France; reconnaissons à sa décharge qu'il n'a fait que suivre le mouvement. Pas de permissivité sans fric, donc, et le "soixante-huitard" est devenu libéral au sens économique du terme. Qui ne connaît pas un ancien berger germanopratin confortablement embourgeoisé dans le pragmatisme libéral d'un héritage cossu? A l'inverse, la gauche Mitterrand a libéré la droite Giscard des interdits moraux de la droite bien élevée de papa. Cette droite ainsi émancipée et reconnaissante a fournit les moyens matériels de sa jouissance à la gauche qui la désinhibait - Alain Soral a bien expliqué cette complicité [3]. La droite qui lisait Lui et la gauche jouisseuse de Cohn-Bendit et ses patouilles enfantines [4] étaient donc faites pour tripatouiller ensemble. Et Nicolas, copain comme cochon avec Daniel depuis sa présidence européenne, appela Frédéric à la Culture...

A la cour du roi fric, où droite affairiste et gauche caviar dansent pour le bon peuple le quadrille de la fausse opposition - on est loin du Larzac - finance et efficacité se confondent. Les cathos de droite ne sont pas de la fête; on leur a seulement demandé de bien voter! Effarés par l'esbroufe outrancière du foutriquet en chef, ils regardent par la fenêtre de l'Elysée le démagogue qui fait semblant de se fâcher et supprime le bonus du banquier quand les choses se gâtent... L'efficacité; Sarkozy n'a qu'elle à la bouche et plus d'un catho de droite se dit que «c'est au moins ça». Mais l'efficacité prime sur le principe moral, comme sur la probité la satisfaction de votre banquier qui, sous la pression des actionnaires, vous fait faire sciemment un mauvais placement! Il faudra attendre pour faire la chambre du cinquième.

La primauté de l'efficacité sur le principe trouva sa pleine mesure lors des débats sur la loi Veil en 1975 - en sept ans les loges avaient fait travailler l'opinion par les média [5]. Une décision qui touchait au principe charnel et spirituel de l'Humanité fut prise en fonction de contingences et de l'embarras du député dont la fille en cloque ne pouvait pas continuer ses études! Sous prétexte d'urgence et de cas désespérés, l'avortement devint un acte de consommation courante qui trouve aujourd'hui sa justification morale dans le confort personnel et la prise en charge par la Sécurité Sociale - ça vole bas au pays des Droits de l'Homme Libéral. Cette digression ouvre aux cathos de droite - aux citoyens en général - une fenêtre sur l'avenir de la société française. A en croire Hannah Arendt [6] le refus de la naissance est source de violence sociale et politique. La violence sociale mondialiste et ultralibérale est à l'ouvre; pourquoi Sarkozy se gênerait-il, puisque les gens qui ont hissé au pouvoir l'héritier de mai 68 peuvent s'offrir la France [7]?