Il y a comme cela des sujets “marronniers”, c’est-à-dire qui reviennent régulièrement pour d’éternels débats à n’en plus finir. Par exemple, celui des rythmes scolaires de nos chères têtes pas forcément toutes blondes. Généralement, c’est au printemps, quand l’ensemble de l’Éducation nationale songe déjà avec impatience aux sacro-saintes vacances d’été sans lesquelles la fine fleur des enseignants français ne pourraient supporter, le reste de l’année, le rythme impitoyable de leur RTT, congés maladies, grèves, jours de formation, d’évaluation, de perfectionnement et on passe sur bien d’autres raisons encore qu’ils ont de ne pas gâcher leurs futures retraites par une activité professionnelle trop intensive.
Parallèlement, c’est l’occasion pour le ministre de l’Éducation nationale de faire parler de lui sans trop de risque pour sa popularité, à condition qu’il ne commette par l’erreur d’annoncer des réformes trop brutales.
Luc Chatel, actuel figurant gouvernemental à ce poste, l’a parfaitement compris. Il doit indiquer ce matin le nombre d’établissements scolaires qui expérimenteront à la rentrée un nouveau rythme scolaire : des cours le matin, du sport l’après-midi.
“Ils devraient être entre deux et trois par académie, soit plusieurs dizaines. Les pionniers, quelques établissements privés et un établissement public sont aujourd’hui encore peu nombreux. Mais les recteurs sont encouragés à trouver des candidats pour ces expérimentations. Un appel d’offres national sur l’aménagement du rythme scolaire autour de la pratique sportive “vise à encourager ces nouveaux aménagements du temps scolaire en privilégiant la pratique d’activités sportives l’après-midi”, comme on peut le lire dans un texte de la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco)” (Le Figaro, 24 mai 2010).
Pourquoi pas ! Voilà en tout cas une annonce qui ne risque pas de déclencher grèves et manifestations, bien que les beaux jours favorisent les excursions en centre-ville… A priori, l’idée est donc séduisante. Depuis la semaine de quatre jours, les élèves français ont en effet le plus grand nombre d’heures de cours en Europe sur le laps de temps le plus réduit, ce qui n’est peut-être pas la meilleure des choses, on l’admettra aisément.
Le corps enseignant français y voit pour sa part et avec l’intérêt qu’on imagine, une nouvelle réduction des heures de travail, ce qui est tout de même devenu le but notoire de cette profession ; les élèves une non-moins intéressante perspective d’en faire un peu moins encore qu’on a pris l’habitude de leur en demander : de toute façon, cela sera toujours trop, on le sait bien, on a été élève avant eux… et nombre de parents, blasés, penseront que de toute façon, vu le niveau de l’enseignement, leur progéniture ne perdra pas grand chose… L’envoyer se dégourdir les jambes lui fera par ailleurs le plus grand bien à l’heure où 1,3 million d’enfants plus ou moins français sont déjà en surpoids ou obèses…
“Une meilleure prise en compte de la pratique sportive peut permettre aux élèves de mieux vivre leur scolarité, d’accroître leur motivation et leur épanouissement et contribuer ainsi à leur réussite scolaire”, insiste la note de la Dgesco.
C’est certain, nos voisins allemands, notamment, l’ont compris depuis longtemps et ne semblent pas s’en porter plus mal.
Là où les choses s’enveniment, c’est que la généralisation d’un tel bouleversement dans les rythmes scolaires s’accompagnerait obligatoirement d’un raccourcissement des vacances d’été, selon l’adage fort connu qu’on ne peut pas avoir “le beurre et l’argent du beurre” pour une meilleure et moins lourde répartition des heures de cours sur l’année… à moins d’envisager carrément la suppression de toute scolarité, mesure toutefois jugée encore un peu trop osée, semble-t-il.
Le gouvernement risque donc non seulement de se mettre à dos les enseignants pour les raisons déjà énoncées, mais également l’industrie du tourisme qui entend imposer ses dates à elle, nous rappelant ainsi que les enfants, tout comme leurs parents, sont avant tout des consommateurs et qu’ils doivent le rester.
La réforme des rythmes scolaires risque donc de stagner encore longtemps au stade des simples bonnes intentions gouvernementales. Soit à celui de la communication. Tout comme, d’ailleurs, la plupart des réformes annoncées à grands renforts de battage médiatique par Nicolas Sarkozy, François Fillon et leurs obligés ministériels.