S’il n’y avait 228 passagers du Vol Af 447 assurant la liaison Rio-Paris présumés morts, le tohu-bohu médiatique, depuis lundi matin, sur leur disparition passerait pour un gag. Pas drôle, évidemment, mais parfaitement surréaliste.
Un gag ou peut-être un exploit professionnel, on ne sait plus trop… L’intensité des commentaires laisse en effet pantois : 48 heures d’explications pour une conclusion rabâchée en boucle : « On ne sait rien ! » Nada ! Pas la moindre certitude, sinon que « les perspectives de retrouver des survivants (sont) très faibles », ainsi que l’a déclaré Nicolas Sarkozy, faisant là preuve d’une redoutable perspicacité. Pour preuve, il n’a pas hésité à ajouter qu’il n’y avait « aucun élément précis sur ce qui s’est passé », confirmant ainsi ce que les journalistes ne cesse de répéter depuis l’annonce du drame.
Des suppositions, oui, tant qu’on veut… Accident mécanique, défaillance humaine, voire même éventualité d’un attentat que l’on se croit obligé d’indiquer « d’origine terroriste », même si à part les attentats à la pudeur, on n’en connait pas vraiment d’autres, à moins de penser que la décence dûe aux morts est justement malmenée par l’inanité des commentaires…
On se moque – ou on admire, au choix ! – les journalistes sportifs obligés de « tenir le micro » deux heures durant et racontant tout et n’importe quoi sur les joueurs, leurs tactiques, leurs avenirs ou leurs passés, si ce n’est leurs salaires ou leurs dopages… bref, parlant, parlant, parlant jusqu’au coup de sifflet final et libérateur !
Constatons que leurs confrères prétendus d’informations sont aujourd’hui logés à la même obligation professionnelle : retenir le chaland, coûte que coûte, par tous les moyens… L’actualité n’étant guère palpitante en ces premiers jours ensoleillés de juin, le citoyen consommateur se fichant des élections européennes et ne paniquant plus au souvenir de la dernière pandémie – celles des cochons mexicains – censée hanter son existence, tout y passe pour le scotcher devant sa radio, sa télé ou (pour les plus savants) son journal : les interviews des traumatisés collègues de travail du personnel naviguant, celles des éplorées familles des passagers, des consternés chefs d’État concernés… Dès que nos fins limiers du journalisme auront mis la main sur les adresses des malchanceux passagers, nul doute qu’ils ne se précipitent pour recueillir les palpitants témoignages de leurs accablés voisins de palier…
Pendant que d’autres préparent déjà sur cette catastrophe l’émission peut-être déjà programmée pour la rentrée ; d’ici là, les enquêteurs auront éventuellement découvert quelques éléments d’explication…