Marine Le Pen et les fins du politique
A l’évidence, les récents événements électoraux de Hénin-Beaumont surgissent comme une bouffée d’air frais dans une atmosphère empuantie par le sarkozisme triomphant et l’intoxication idéologique permanente générée par les media, avec la complicité passive d’une opposition dont on a bien vu qu’au fond elle partageait les mêmes intérêt et la même vision que son prétendu adversaire. Cette coalition anti-frontiste a eu au moins la vertu de dévoiler ce qui est un secret de Polichinelle, mais qu’une mise en scène poussive tente encore de masquer, c’est-à-dire la connivence d’une caste – l’ « Etablissement » - étroitement dépendante d’un système dont les composantes – politique, financière, médiatique, affairiste, « culturelle », atlantiste et sioniste – se trouvent dans la nécessité vitale de se soutenir mutuellement, sous peine d’une désagrégation qui menace au fil des élections successives et de l’approfondissement de la crise.
Le roi est nu depuis quelque temps, l’abstention étant un symptôme de cette prise de conscience. Mais il manque encore un enfant assez audible pour le clamer Ubi et Orbi.
Marine Le Pen serait-elle cette enfant ?
Le souffle d’air frais serait-il aussi une bouffée d’oxygène ?
A-t-on des raisons d’espérer ?
Il semblerait en effet que la clé fût trouvée. L’électorat frontiste se partageait entre deux forces de résistance à la « modernité ». D’une part les adversaires de l’Etat providence, du fiscalisme, d’une administration pléthorique, étouffante, d’un assistanat démoralisant, et d’une politique gauchisante qui avait été mise en œuvre aussi bien par la gauche que par une droite étatiste. De l’autre, les victimes d’un système libéral agressif, destructeur d’emplois et de sécurité, véhiculant idéologiquement un discours cynique néo-libertaire contraire aux valeurs traditionnelles des classes populaires, et plus en phase avec le bobo parisien. Ce qui pouvait fédérer ces deux forces était la peur du lendemain, le rejet de l’immigration envahissante, et la réprobation du désordre sécuritaire.
Fondamentalement, les catégories sociales dont les intérêts sont liés à l’épargne actionnaire et au commerce, bien que fragilisées par l’ouverture des frontières, ont plus à gagner à la globalisation que l’ouvrier et l’employé mis en concurrence avec le marché mondial du travail et affaibli par la trahison des appareils syndicaux et des partis de gauche. Le chômage les place dans une précarité et un dénuement dont l’issue semble n’être, pour l’instant, que le désespoir et la démobilisation.
Cet état de chose, involontaire, car il résulte du système lui-même, et en même temps tout à fait accepté par une oligarchie mondiale qui a inclus dans ses plans le sacrifice des classes populaires occidentales, n’est pas en mesure de gêner l’évolution d’une société libérale et mondialisée, en tout cas américanisée, qui peut souffrir sans dégâts une désaffection massive et la gestion « antidémocratique » d’un ensemble atlantiste dont les mandataires tirent les ficelles de marionnettes qui font semblant de nous gouverner.
Sarkozy a récupéré la première frange de l’électorat frontiste, celle qui votait surtout dans le Sud ou en Ile de France, ce qui montre au passage les limites d’une approche uniquement sécuritaire de la critique politique, les Etats-Uniens, Israël, Berlusconi etc. étant tout autant capables de manier la rhétorique d’une droite dure, voire xénophobe, que de pratiquer une politique globalement anti-identitaire.
Le succès de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont a valeur d’expérimentation, il se présente comme un essai de laboratoire. La clé semble enfin trouvée, d’une victoire prochaine. Cette clé, c’est la défense des humbles, des ouvriers et paysans de France, des victimes d’une oligarchie, du règne de l’argent roi, de la ploutocratie sans âme ni patrie, qu’il faut haïr de toutes ses tripes. Les retrouvailles d’une droite traditionnelle avec le peuple, s’il n’est pas une nouvelle, puisque, malgré le révisionnisme d’une Histoire faite par la gauche, cette union a ponctué la vie politique de notre pays durant des siècles, sont seules capables d’effrayer nos ennemis. Ces derniers peuvent en effet user de l’intoxication, du mensonge, de l’intimidation, mais la vérité commence à poindre, et dès qu’une synergie se manifestera, il est fort probable que les choses sérieuses commenceront à surgir.
Cependant, quel peuple ? Et quelle attitude face à des populations immigrées, ou naturalisées de fraîche date, dont certaines parties ne sont pas hostiles à la France ? Quelle position face à l’identité européenne ? A l’Amérique ? A Israël ?
Plus fondamentalement, comme Péguy le clamait haut et fort : « Tout commence en mystique et finit en politique ». La politique, c’est le compromis, la compromission, c’est Gianfranco Fini, la trahison du MSI, le calcul, l’arrivisme, la renonciation aux principes, l’accommodement avec le monde de l’argent, des affaires, avec la vulgarité ambiante et médiatique. La politique, c’est l’instrumentalisation d’un électorat, la culture de la niche, le fonds de commerce qui permet de loucher sur des strapontins. La politique, c’est de flatter les défauts du peuple, d’aller quémander sa voix, de mendier son sourire, comme le courtisan transi devant un souverain goguenard et matois. La politique, c’est la peur de déplaire, et la lâcheté de trop vouloir plaire.
Le peuple n’existe pas, n’existe plus. Non seulement il a subi, comme tous les éléments de la société moderne, des mutations qui l’ont détruit en tant que corps, mais son âme même a été touchée. Il s’est commis avec le matérialisme de la société de consommation, vendant sa dignité pour un plat de lentilles. Il s’est amusé comme un enfant avec les jouets électroniques, les gadgets superflus, les émissions télévisuelles abêtissantes, et, comme un enfant, il a misé sa vie sur des pulsions d’avoir, s’endettant, hypothéquant son avenir et celui de ses enfants, pariant sur une utopie débilitante, hallucinogène et mortifère.
La seule politique qui vaille est mystique. Le peuple doit dépasser la lutte – légitime –pour ses seuls intérêts. Il doit retrouver le lien organique avec sa terre, la terre de France, sa patrie, la patrie européenne, et le secret du monde, qui est la joie d’enracinement.