La vie est un songe. Eric Besson, sortant de sa tour perdue d’ombres et de sa lande rocailleuse à la végétation rare, enivré, comme le Sigismond du chef d’œuvre de Calderon, par un pouvoir tombé du ciel, affolé par une hybris de sous préfet, maître soudain d’un lopin de puissance, se livre à toutes les violents abus que seul un parvenu peut se permettre.
Tant est qu’en songe les lois de la nature sont étrangement tordues, et que l’on peut tout faire.
Aussi, à la suite de son maître de l’Elysée, le 5 janvier, à La Courneuve, a-t-il déclaré : « La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Français de souche, il n’y qu’une France du métissage. »
Essayons d’entrer dans la vision bessonnique.
La France ne serait donc qu’un conglomérat d’errants venus de tous horizons, se croisant, s’entrepénétrant, fusionnant, s’interpellant dans tous les idiomes de la Terre, se cuisinant un brouet universel, mêlant, en même temps que gènes et usages, leurs tics, rictus et rituels, leurs couleurs et valeurs, leurs ressentiments et leurs sommations. Une Tour de Babel dressée dans le pré carré des anciens Rois de France.
On se réjouit bien de constater que le gouvernement auquel participe Monsieur Besson règne sur un peuple sans identité, sans « qualité », aurait dit Musil. Un fantôme de peuple, en quelque sorte, sans corps, sans pesanteur, sans ombre.
En cherchant un peu, Besson aurait pu percevoir l’âme en peine de ce peuple, hantant encore les couloirs obscurs du labyrinthe mondialisé.
Peut-être au fond Besson ne connaît-il pas sa géographie, et a-t-il confondu les Etats-Unis d’Amérique, certes confusion ethnique, où même l’anglais, si arrogant, commence à perdre du terrain, avec notre vieille Europe, notre vieille France ?
Plutôt que de contredire ses poncifs tout juste bons pour un instituteur internationaliste ou un petit cadre dynamisé par les cours de la bourse, il est préférable de saisir quel est le mirage de notre ministre de la révocation nationale.
Pourquoi donc dénier au peuple français un être propre, quand Juifs, Musulmans, Chinois, Russes, Kossovars, Flamands, Inuits revendiquent le leur ?
Il s’agit évidemment de préparer les esprits à l’ingurgitation, par les Etats-Unis, dans un vaste espace atlantiste, de la pointe avancée de l’Eurasie. On démoralise la population autochtone pour la pousser à toutes les abdications.
En d’autres temps, on aurait appelé cette attitude « trahison ».
Mais, dans un rêve, ou un cauchemar, si vous préférez, les lignes de réalité sont floues et fluctuantes.
De toute façon, on ne pourra bientôt plus désigner les traîtres, puisque la langue française sera caduque.
A moins d’employer l’anglais, mais il faudra penser américain.
Alors, les traîtres, ce seront nous.
Au fond, la vie rêvée de Monsieur Besson possède sa raison d’être : notre ministre prend tout bonnement ses désirs pour des réalités.