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Vendredi, 12 Octobre 2007 |
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Il n’y a pas de société sans normes, Homosexualité et société
Pierre Le Vigan |
Tribune libre
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La question de l’adoption d’enfants par des couples homosexuels est posée bien entendu depuis que la revendication du mariage entre homosexuels a mis au premier plan l’exigence d’accès aux formes classiques du couple par les homosexuels. Cela pose une question de fond. Comme le note Sylviane Agacinski, on est père ou mère par le sexe qui est le sien et non en fonction de sa sexualité. En d’autres termes, l’identité est sexuée, elle n’est pas sexuelle. Ka question de fond est de savoir si, anthropologiquement, il convient de maintenir la bilatéralité de la filiation et de la structure parentale. C’est-à-dire s’il convient de maintenir l’asymétrie de la structure parentale, constituée d’un homme et d’une femme. Car les hommes et les femmes sont sans doute égaux mais pas identiques. Ce qu’apporte l’homme comme père et la femme comme mère est d’une part différent, d’autre part non interchangeable. Ce qu’apporte l’homme comme père et la femme comme mère ne dépend de leurs goûts ou orientations sexuelles mais de l’existence spécifique de chacun comme être sexué. Castoriadis disait à juste titre : « L’égalité est un principe de justice, pas un principe de similitude ». C’est exactement ce qui régit les rapports homme-femme : une disymétrie sans qu’il y ait une supériorité en soi de l’un sur l’autre. Méconnaître cela c’est méconnaître la nature humaine.
Saint Augustin disait : « Le mariage a été créé pour que les hommes connaissent leur fils ». Il est assuré que ce n’est pas le moyen unique d’arriver à cet objectif. Mais c’est de fait un moyen qui assure une légitimité sociale à la paternité et à la filiation. Le mariage est non pas l’instrument d’une connaissance biologique de la paternité mais l’outil d’une reconnaissance assurée socialement, qui apporte sécurité pour les pères comme pour les fils (la paternité des filles étant, historiquement, moins importante à étayer). C’est pourquoi le mariage homosexuel et la demande d’adoption par les homosexuels sont deux erreurs liées. La question n’est évidemment pas de savoir si les homosexuels peuvent ou non être de bons pères et de bonnes mères. Cela se peut bien évidemment. La question est de savoir si, en tant qu’homosexuel, l’adoption d’enfant, ou l’accès au mariage comme sacrement si ce n’est religieux du moins civil, a un sens. La réponse est non. Là encore, il est entendu que des parents qui deviennent homosexuels peuvent parfaitement continuer d’être tout autant de bons parents qu’auparavant. Ce qui est en cause n’est pas que des pères ou mères aient ou non une sexualité homosexuelle, ce qui est en cause est l’adoption en tant qu’homosexuel, attribut parmi bien d’autres d’une identité et qui ne constitue pas plus une espèce que les joueurs de tiercé n’en sont une.
Nous sommes passés de l’époque chrétienne où les « sodomites » étaient stigmatisés comme pécheurs (relaps – celui qui retombe dans l’hérésie) à une époque où les homosexuels sont considérés comme une espèce. Deux erreurs successives, même si la seconde a sans doute moins de conséquences dramatiques pour les intéressés. Etre homosexuel indique une catégorie d’activités parmi d’autres. Cela ne définit pas une identité. C’est simplement un élément de celle-ci qui peut se conjuguer avec bien d’autres, être sportif ou non, intellectuel ou non, etc. Beaucoup ont longtemps pensé que l’homosexualité était une anti-nature (certains le croient encore). D’où bien des persécutions assez infectes. C’est sans doute surévaluer la concept de nature et vouloir lui donner une fonction excessivement englobante. C’est sans doute aussi surévaluer la place de la sexualité en général et donc, en l’espèce, de l’homosexualité. Mais si l’homosexualité n’est sans doute pas une anti-nature elle n’est pas non plus, pour quiconque, une nature. C’est pourquoi il n’y a pas d’ « espèce d’homosexuel » (entendu non pas comme nom d’oiseau mais comme « homosexuel comme espèce »). La distance à la nature vaut dans les deux sens.
Conséquence : l’homosexualité n’a pas à se revendiquer. Les homosexuels ont simplement bien raison d’exiger de pouvoir vivre librement ce qui relève de leurs activités privées. Toit moralisme à leur égard me parait hors de propos. Tout ostracisme aussi : attendons-nous de nos amis qu’ils aient les mêmes goûts sexuels que nous ? Ou qu’ils aiment les mêmes peintures ? La réponse est évidemment non. L’important est de se retrouver sur des valeurs. Et je ne vois pas très bien ce que cela a à voir avec les orientations sexuelles. Résumons : les homosexuels ont tout les droits des citoyens, ils ont le droit d’être libres (et le devoir de l’être, comme tout le monde), mais ils ne sont pas libres d’avoir des droits en tant qu’espèces – car ils ne sont pas une espèce. Pas plus que les joueurs de poker ou les cruciverbistes.
Sylviane Agacinski, Métaphysique des sexes, masculin féminin aux sources du christianisme, Points Seuil, 2007 et Politique des sexes, Points Seuil, 2001. |
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Niveau 2 :: La Lettre « Les Nôtres »
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Niveau 3 :: Résistance Hors Serie
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