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Samedi, 10 Mars 2012
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Les canards et l’aigle
Claude Bourrinet
Tribune libre
Les canards et l’aigle
Qui a vu, un jour caniculaire d’été gersois, une théorie de canards becqueter frénétiquement la paroi en tôle d’une étable, en rafale, comme une mitrailleuse, en un crépitement infernal, chassant moustiques et mouches dont les nuées, aimantées par la chaleur métallique, s’étalent sous les coups, sait à peu près ce qu’est une vue journalistique, rivée à l’événement et s’écrasant sur la surface démesurée de l’immédiat. Nous sommes tous un peu canard de ce côté, et, si l’on veut, humains, trop humains. La vie qui grouille à vue de bec donne l’impression d’une nourriture à la mesure de notre appétit, de nos besoins, de nos rêves. Nous nous précipitons, enveloppant nos réactions d’une rhétorique sonnante, sans avoir l’idée de reculer pour mieux percevoir le mur, et l’architecture de l’édifice, la configuration de la ferme, et tout ce qui enveloppe le lieu, le topos de notre existence. En quelque sorte, nous dédaignons la perspective de l’aigle, lequel connaît les horizons très larges, et ne pique qu’à coup sûr, royalement, silencieusement, élégamment, sans vibrer aux friselis incessants de l’instant.

Si l’on ne veut pas quitter le domaine de la fable, et si l’on continue à broder sur le thème de l’ « animal farm » orwellienne, on pourra rétorquer qu’il n’est pas interdit de se muer en canard sauvage, et d’aller hanter l’éther, les étangs sauvages et les forêts profondes, quitte à ce que ce surcroît de puissance d’exister soit payé de quelque plomb. Mais nous laisserons cette hypothèse de côté, comme un regret ou une nostalgie.
A moins qu’il ne s’agisse de ces « canards sauvages » qu’on trouve dans l’expression sentant bien le terroir, dicton gouailleur repris par des stylistes aussi patrimoniaux qu’Antoine Blondin, Michel Audiard et le Général, « Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages », ces volatiles aventureux ayant vocation à se faire plumer, c’est-à-dire prenant, finalement, un peu trop, des vessies pour des lanternes, tout ce qui brille n’étant pas d’or.

La paroi, dans notre âge postmoderne, ce pourrait être le mur de facebook, ou l’écran de nos télévisions, ou la logorrhée de nos commentaires, qui coule comme une cataracte verbeuse. On a annoncé la fin du monde : quelques-uns - nombreux, somme toute - ont cru à cette plaisanterie mayesque, cette mayonnaise niaise. Mais qu’en est-il de cette parousie annoncée, de ce terminus fracassant qu’est la fin du système capitaliste ? Il y a certes les chiffres. Méprisons les « spécialistes » réalistes et cyniques, à moins qu’ils ne soient incompétents, qui prouvent par A + B, que la loi d’airain de l’économie nous oblige à nous serrer encore plus la corde autour du cou. J’évoque plutôt ceux, beaucoup plus intéressants, qui annoncent le naufrage du nouvel ordre mondial. Je ne citerai pas de noms, et j’avoue que je suis les démonstrations économiques avec quelque peine, ayant au demeurant à l’esprit qu’il n’existe pas de science plus approximative que ces équations qui sont perpétuellement démenties par les faits (à supposer qu’on ne veuille pas tout bonnement nous mentir). J’ai le souvenir que, depuis quelques années, était annoncés la chute finale, imminente, le Grand Soir, l’explosion de l’euro, la dégringolade fracassante des USA, bref, tout un tas d’apocalypses réjouissantes. On se prend donc à espérer. Et puis, cela peut avoir l’air de se faire…

C’est à cet instant qu’on hésite à aller plus loin. Ainsi disait-on, dans les années cinquante ou soixante, lorsqu’il était question du Goulag, dont il fallait parler, dans les rangs communistes, le moins possible, « il ne faut pas désespérer Billancourt ».
Il ne faut donc pas démoraliser le mariniste, le national-révolutionnaire, le conservateur anticapitaliste, l’eurosceptique, l’anarcho-aristocrate, le nationaliste intégral, la gauche du travail et la droite des valeurs, et que sais-je encore ? On peut bien objecter que seule la Vérité est révolutionnaire, comme on le clamait jadis, ce dont je suis peu convaincu, les hommes s’étant plus volontiers soulevés pour des mensonges, ou, dans le cas le meilleur, des « mythes ».

En revanche, il n’est pas malsain de se méfier des lendemains qui déchantent. En tout cas s’agirait-il de remettre les choses à leur place. A commencer en replaçant chaque phénomène, même le plus incandescent, dans la longue perspective historique. L‘Occident, et par conséquent le monde, ont pris un chemin, depuis quelques siècles, qui conduit à une massification individualiste de la société, à une emprise mortelle de la techno-science, à une réduction tragique de la singularité, de l’intelligence et du goût. Les habitudes universalisées de consommation, les besoins d’une société utilitaristes prônant le confort à tous les niveaux d’existence, rendent vaines les aspirations à un bouleversement radical des conditions de vie. En l’état actuel du monde, étant donné la réalité mentale de ses habitants, qui ont oublié jusqu’au vague souvenir d’une vie différente de celle à laquelle la société aspire, sans toutefois y parvenir, ses réalisations n’atteignant pas l’ampleur de ses promesses, il n’est d’horizon politique que de laisser présager, pour le plus grand nombre, l’assouvissement de besoins produits et conditionnés par le système. Il serait trop long de détailler ce que chacun place dans le désir de changement. Outre l’impatience, chez beaucoup, de voir une machine à broyer mise au rebut, il serait très intéressant de définir ce qui serait mis à sa place, sinon peut-être un type de société qui offrirait encore davantage ce que l’ancienne avait de la peine à octroyer, c’est-à-dire plus de travail aliénant, plus de produits de consommation, plus de spectacles abrutissants, plus d’autoroutes, de pollution, de bruit et d’intoxication. Du pain pour les canards. Que signifie pour la grande masse la « tradition » (avec ou sans majuscule) ? Que met-on derrière les vocables patriotiques, à part le saucisson et le pinard ?

Que sont par ailleurs devenues les utopies, les grandes Idées, les fièvres collectives ? Le monde a-t-il tant changé depuis le début des révolutions qui ont agité la planète ? Le capitalisme, qui, comme le soulignait Marx, révolutionne tout, à commencer par lui-même, ne s’en n’est pas si mal tiré. Les crises n’ont fait que le remettre en selle, au prix parfois de guerres désastreuses, mais c’était tout bénéfice. Les premiers jours de la « Libération » sont peuplés de ruines. Les tracas des trente dernières années, l’éclatement de la bulle internet, la ruine des stat up, par exemple, à la fin des années 90, sans parler des crises énergétiques intermittente, et la grosse crise de foi(e) financière actuelle, qu’ont-ils de si définitifs, qui ne soit qu’une étape pour mieux gérer le rebond, et encore plus de servitude et de mensonge ?

Il est certes normal de projeter ses rêves au-delà des combats du moment. Aucun être humain ne tient à sacrifier son temps, son énergie ou sa vie pour rien, bien que cette vanité soit propre à la condition humaine. J’entends déjà maintes protestations, et même le reproche de ne pas être « optimiste ». L’optimisme m’a toujours paru une vertu bien plébéienne. Tout le monde connaît la devise de Guillaume d’Orange : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Pour ma part, je n’ai jamais conçu l’univers que comme la plaine d’Ilion, couverte de cadavres et de ces éclats rouge sang de prouesses guerrières et de sanglot. Dans le meilleur des cas, pour celui qui l’ose, comme les contrées poétiques et dangereuses que le périple d’Ulysse découvre à ses yeux émerveillés. L’action devient ascèse lumineuse sans ce poison qu’est l’espoir d’un paradis sur terre.

A ce propos de paradis et de fin apocalyptique, je citerai ce passage de l’Evangile, qui me semble d’une profondeur sans pareille :

« Il s'assit sur la montagne des oliviers. Et les disciples vinrent en particulier lui faire cette question : Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ?

[…]

Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres : gardez-vous d'être troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin.

Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre.

[…]

Pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul. »
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