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Antifascisme ou ratonnade ?
Tribout Thomas |
Tribune libre
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Un ultra de la France monochrome perd ses repères, mais saisit le problème :
« D’un côté des “nationalistes” de toutes les couleurs poussant des “Allah Akbhar” à qui mieux mieux, de l’autre des extrême gauchistes qui semblent très FDS. [Français de souche] »
Sac de nœuds pour ce passant d’un site identitaire, panier de crabes sur l’agora de l’Islam de France : http://mejliss.com/showthread.php?t=427057
L’image à la rescousse ? Mais la vidéo cumule les aléas du direct et du numérique, même armé d’un doctorat en périphéries politiques, on doute : http://www.dailymotion.com/video/k3NUQ3zGMpTbS5VrE9
La vidéo du centre Zahra, arrivée plus tard mais plus exhaustive : http://www.dailymotion.com/centre-zahra-france/video/x86720_les-sionistes-attaquent-le-centre-z_news
Les témoignages ? Dame lacrymo n’aide pas, papa tonfa non plus ; le mouvement, l’adrénaline et la crainte (légitime), pas plus…
Alors tentons un résumé pour le lecteur pressé et peut-être perdu :
Un samedi (gris) dans les rues de Paris, un rassemblement pour la Palestine, nous sommes le jour 3 de l’ère Obama, Depuis moins d’une semaine, l’armée de l’entité a déclaré (ce que les nos médias n’ont pas honte d’appeler) une « trêve ». Des Palestiniens meurent encore, mais on se souvient que la trêve précédente était déjà lacérée d’assassinats « ciblés ». Tout ça pour dire qu’un métis est président des Etats-Unis, et que dans nos JT, on ne voit plus de petites mains grises de poussières et perdues dans des ruines fumantes de phosphore blanc. Oncle Sam un poil « black », même pas Oncle Tom (Barack n’est pas descendant d’esclaves), les yankee ont de nouveau la côte. A Gaza, on meurt dans le feutré, les sionistes jouent à la paix, Hamas est toujours bâillonné, non vraiment, sale temps pour manifester…
Des gauchistes très « Français de souche »
Ce samedi 24 janvier 2009, c’est l’AFPS (1) aux manettes : des pro-Palestiniens prudents, mesurés, aigre-doux. Bien organisés, très capables, mais du genre à faire figurer le drapeau de la victime avec la bannière de l’agresseur sur leurs autocollants. Or point de conflit, on ne parle pas de réconciliation, il s’agit d’une injustice, d’une spoliation, on a tout pris aux Palestiniens. Dès 48, USA et URSS étaient contre eux. Parlons clair : quand Mandela fait Vérité & Réconciliation, il n’est plus en prison, il n’y a plus d’apartheid. L’état raciste des anglo-boers, ce sionisme blanc-protestant, a été « rayé de la carte ». Pour autant, il n’y a pas eu de sang, parce qu’un état, c’est un mot et du papier, on peut le tuer. On a reconnu l’opprimé, et on a combattu l’oppresseur, on n’a surtout pas essayé de les rabibocher dans cet état là ! On n’a pas tenté de faire un état-nation avec une rafale de townships : un seul état pour les bantous et les autres, voilà où était la justice. Mais en Palestine, visiblement c’est différent : les gentils timorés modérés soutiennent deux états « religieusement purs », quand les islamo-vilains veulent faire vivre tout le monde ensemble…
Bref, le rassemblement penche plutôt à gauche. Les immigrés et fils d’immigrés sont dûment chapeautés. On vérifie que les musulmans soient correctement illuminés, pas véhéments, pas communautaires, pas trop indépendants. Les anciens colonisés sont passés par 20 ans de Julien Dray, sous des fourches caudines en montre Cartier, d’une tutelle à l’autre : peau noire, masque blanc, puis masque multicolore, masque gris pour finir… Pas le genre de collectifs à partager ses causes : ses meneurs rassemblent certains, excluent tous les autres. Pour eux, la cause palestinienne est une rente, peut-être pas pécuniaire, mais une rente médiatique et militante. Ils la tiennent ferme, c’est leur gâteau de souffrances, que personne n’y touche !
Des “nationalistes” de toutes les couleurs
Le 6 janvier, laïcité, tolérance et humanisme ont envoyé un message aux affreux : religieux, communautaires et autres « nationalistes » :
« Pour nous, c'est clair, nous n'avons et n'aurons jamais aucun lien avec ces gens (…) Normalement, nous organisons le service d'ordre de manière à les sortir de la manifestation » [Erwan Simon pour « le Temps », grand périodique suisse]
Nous le verrons, « ces gens » n’ont pas attendu le souffle du boulet pour s’émanciper. Cet exclusif clair ne déroute pourtant pas l’association d’Alain Soral. Le marxien pas chien et sa suite annoncent leur participation au défilé du 24 janvier. E&R c’est divers, et ses militants aux origines variées peuvent « lubrifier » la forêt de drapeaux français. C’est que la France est passée de Chirac à Sarko, de l’absence vertueuse en Irak, à la présence honteuse en Afghanistan.
Le tricolore, les 15-30 l’ont surtout vu sur les épaules de la flicaille, alors il pourrait y avoir maldonne. D’où l’intérêt de disparaître derrière la Cause que l’on défend, pour ne pas lui nuire. Si le drapeau de la République est évidemment légitime sur ses terres, il faut avouer qu’il a été beaucoup sali, et les nationalistes n’ont pas été les derniers à vouloir en changer… On assume tout ? Une tripotée de bons rois, quelques mauvais, de belles révolutions, des demies républiques… D’accord, mais pas Sétif, pas Guelma, pas les massacres « outre-mer », pas le colonialisme pourri et son assimilation de carnage. L’armée est une salope lorsqu’elle tire sur les Communards, mais se transformerait en sainte quand elle canarde Abd el-Krim ? Shariati, Habbache, Giap sont des professeurs en nationalisme actuel, bien plus que Maurras, plus encore que Barrès. Pour autant, pas esclave de l’Histoire des autres, je pioche dans la mienne un Toussaint Louverture (2), ou un Ismayl Urbain (3) . Pourtant, rien de tout ça ne vient des bancs de l’école. Malgré les déclarations d’intention, la mise à jour de la Nation est encore à faire…
Heurts et confusion
Plus que la nécessité, le besoin de faire masse, c’est peut-être un peu de cet esprit là qui a fait marier le cortège nationaliste à celui des musulmans du centre Zahra. C’est à partir de là que les témoignages divergent :
Un commando surgit, troupe à brassards jaunes, teintes très usuelle dans les manifs, bien que certains y voient une évocation furtive de la Ligue de défense juive. D’autres affirment que les bandeaux étaient frappés du sigle CNT… Ils pourraient être en rapport avec le service d’ordre officiel de la manifestation. Leur relative liberté de circuler au milieu des policiers le laisse penser.
Les témoins se retrouvent sur un point : la cible était le centre Zahra. Le carré nationaliste : un prétexte, bonus ou un objectif secondaire? Le fait est que le rôle du centre chiite, à l’origine du « front uni contre le sionisme », est minoré dans les rapports de l’extrême gauche : http://lille.indymedia.org/article14855.html ou
http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article369
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, alors le réseau Indy les cumule les périls et, si besoin, les inventent. On s’emballe, voir on ment sciemment, les indiens métropolitains voient Kémi Séba, là où il n’est pas. Ils lui offrent même la paternité du cortège, or pas de MDI dans les parages, pas même un représentant. Plus fidèle au fait, le ouebzine REFLEXes assume au détour d’une phrase :
« Étant sans doute conscients de l’opposition que cela allait susciter, les militants nationalistes n’ont pas été déçus par la réaction des différents groupes antifascistes parisiens présents ce jour là »
Les «différents groupes antifascistes parisiens », là encore un collectif, mais d’un tout autre genre. La thèse sioniste avait des fuites, elle ne tient plus vraiment l’eau. Nous avons bien affaire à un commando unique, sorti des gants de la gauche dure. Ils sont, volontairement ou non, appuyés par les baffles du défilé. Ceux-ci hurlent d’abord à la provocation sioniste, mais faire passer les croyants de Zahra pour des des betarim grimés et farceurs, la ficelle est un peu grosse. Alors, on passe à du plus vraisemblable, s’appuyant sur les tricolores et les patibulaires de la droite radicale, ça beugle à la « menace fasciste ». Petit succès, quelques jeunes du défilé général vont spontanément faire le coup de poing. C’est ici que la police intervient. Sans vraiment séparer les belligérants, ils gazent, dispersent, et renvoient chacun à ses pénates. Fin du récit, passons maintenant au pourquoi ?
Montée en puissance communautaire
Cette demie embuscade est un trompe l’œil. Elle dissimule une série de succès des mouvements périphériques à base religieuse ou communautaire. Jusque là, on ne pouvait pas constater pleinement leur portée. C’est qu’ils se confondaient avec la gauche hexagonale, sans pour autant s’y fondre. Certains, comme le Mouvement de l’Immigration et des Banlieues et les Indigènes le la République, s’affranchissent à petit pas de la tutelle de la gauche laïque et assimilationniste. D’autres, comme le Parti des Musulmans de France (4) , le Mouvement des Damnés de l’Impérialisme (5), ou le tout récent Parti Anti Sioniste (6) issu du centre Zahra, ne l’ont jamais connu. Ces derniers se distinguent par leur absence de référence à un quelconque progressisme de type marxiste. Considérés comme plus radicaux que les anciens satellites de la gauche, ils ne partagent pas l’hostilité larvée de la « génération SOS-racisme » pour tout ce qui ou était français. On peut en brosser une sociologie grossière : Primo-arrivants encore pétris des traditions du pays, souvent d’une patrie qui n’a pas connu la colonisation, ou pas celle de la France ; ou à l’inverse, jeune précarisé, qui ne rêve pas d’être assimilé, à qui la consommation ne convient pas, ou ne suffit pas. Plutôt d’un bon niveau d’études, ils sont parvenus, sans réseau et sans discrimination bénéfique, au niveau de vie de la petite ou moyenne bourgeoisie. Au contraire, ils peuvent être surqualifiés ou sans-emploi. La référence (en bien ou en mal) à la République trahit souvent ce niveau d’intégration. Politiquement, ils sont le fruit du divorce ou de la déception pour les régimes laïques et autoritaires, issus de la décomposition de l’impérialisme français. Leur regard se tourne vers le Maschrek, plus que vers le Maghreb. Ils sont absents des plateaux télévisés et des médias papiers. Quand il arrive à la presse de les aborder, c’est toujours à charge. Le Front National était diabolisé mais présent. Eux sont diabolisés mais plus encore occultés.
Dans son fief de Strasbourg, Mr Latrèche et le PMF ont réuni le 4 janvier 2009 plusieurs milliers de participants. Seule la télévision turque était présente, la presse locale s’est contentée d’entrefilets. La maturité militante de ces musulmans de France dérange, leur indépendance et leur fermeté inquiète. L’exploit s’est répété plusieurs fois, aussi bien à Strasbourg qu’à Paris, où le PMF n’était cette fois plus seul.
Dans le lit militant pour Gaza, Kémi Séba a lui aussi donné de la voix. Il est intervenu le 10 janvier, lui aussi à Paris. Son contre feu a été bien repris, bien accueilli. On a aussi pu entendre Dieudonné, notre Churchill camerounais, qui nous a promis un chemin long mais la victoire au bout… Le libre penseur n’a pas hésité à gratifier son public d’un inch’allah de bon aloi.
Aucun n’a été viré, tabassé, expulsé. Si leurs cortèges n’étaient pas toujours indépendants, ils étaient au moins autonomes. Aucune autorisation n’a été mendiée, aucune adresse de rassemblement n’a traîné 15 jours sur la toile. La gauche de la gauche laïque n’a pu que remâcher sa haine, serrer les dents et atteindre : que la trêve tasse la mobilisation, que les participants soient plus fragiles politiquement et numériquement. Le 24 janvier a fourni l’occasion rêvée. La ratonnade de fer s’est glissée dans le velours antifasciste. L’agression de femmes et d’enfants a été travestie sous un règlement de comptes entre extrêmes. Mauvaise couronne pour un bilan cependant encourageant.
Si la droite de la droite ne veut pas des « immigrés », la gauche de la gauche (ou en tous cas une portion non négligeable) refusent leurs différences nationales et religieuses. Au fond, ils ne sont pas si loin… Cette gauche de l’assimilation forcenée avait déjà manifesté sa haine des « communautaires ». Elle est passée cette fois des mots aux cousp. Affaire à suivre…
1 Association France Palestine Solidarité, pour les détails du collectif :
http://www.france-palestine.org/article10894.html
2 Esclave émancipé et général de brigade sous la Convention. Il tient Saint-Domingue et s’oppose par les armes au rétablissement de l’esclavage.
3 Malheureusement mal connu, un peu mieux sous le pseudonyme de Georges Voisin. A la fois saint-simonien et musulman, il inspire à Napoléon III l’idée d’un Royaume arabe en Algérie, qui concilierait colons et indigènes.
4 http://p-m-f.org/
5 http://www.mdi2008.com/
6 http://www.partiantisioniste.com
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