La paix d'abord ! Réponse à Jacques Marlaud
Qu’est-ce que l’actualité ? Qu’est-ce que le temps historique ? Qui eût dit, il y a 20 ans, que le mur de Berlin s’effondrerait, puis, comme un château de cartes, que l’Empire rouge s’abattrait pan par pan ? Je suis de cette génération qui croyait l’U.R.S.S. quasi indestructible, en tout cas vouée à un destin autrement plus solide qu’un Occident décadent et miné par les mouvements d’autodérision. Qui eût cru que la Chine deviendrait ce géant capitaliste actuel, qu’elle accueillerait dans ses fabriques les investisseurs qui manquent à notre continent ? Que l’Inde, bientôt le Brésil prendraient une importance telle que ces pays dits émergents sont capables de tenir tête, au sein de l’O.M.C., à la pression américaine ? Qui peut nous assurer que dans les années qui viennent l’Empire yankee ne va pas suivre la même voie que l’Empire communiste, précipitant avec lui dans les décombres une Europe qui aura eu l’imprudence et la folie de le suivre dans sa démesure ? Non seulement une telle hypothèse est possible, mais elle est même probable. Les aventures belliqueuses de la machine guerrière étasunienne, confortées par les brillantes théories de géopoliticiens tout de même très intéressés par la survie et l’expansion de l’entité sioniste, mettent en danger la paix très précaire de la planète. Le cas de la dernière micro-guerre de Géorgie est là pour démontrer combien les choses peuvent s’emballer, et combien un conflit local peut dégénérer en conflagration généralisée. La première guerre mondiale n’a pas commencé autrement. C’est pourquoi la question, certes rhétorique, j’en conviens, d’une mort possible, ou de l’arrivée des chars russes à Paris, n’est pas saugrenue.
Elle ne visait au demeurant qu’à susciter, de façon provocante, quelques éclaircissement que Jacques Marlaud a en partie donnés, mais pas entièrement.
Evidemment, Jacques Marlaud a raison, et sa réponse ne manque pas de nuances lorsqu’il souligne combien la société russe est loin d’avoir retrouvé la richesse de ses racines, de ses traditions, de son patrimoine. Cette remarque m’incite d’ailleurs à lancer un appel aux spécialistes de la Russie pour que nous soyons aussi informés sur la société russe que sur ses missiles et ses tanks. J’admire la religion orthodoxe, qui a su sauvegarder les trésors du passé, contrairement à l’Eglise catholique, et j’aime les Slaves en général, les Serbes en particulier. Je suis un grand lecteur d’auteurs russes, notamment de Dostoïevski, qui est l’un des géants de la pensée et fut un partisan acharné du panslavisme qui, comme tout le monde le sait, n’est pas tendre pour l’Occident romain-catholique. Tout ce que dit Jacques Marlaud au sujet des enjeux géostratégiques, je le partage, je suis d’accord.
Je trouve quand même que M. Marlaud exagère lorsqu’il avance que je serais un allié objectif de Washington. Ce genre d’accusation est peu sérieuse. D’autant plus que c’est archi-faux ! Je réagis toujours avec une extrême sympathie aux exploits des ennemis de l’Amérique : j’admire et respecte les Russes, le Hezbollah, etc. Et j’ajouterai même : s’il y a une guerre contre Moscou, je prendrai mes responsabilités.
Cependant, l’Histoire a connu bien des emballements, bien des géostratèges géniaux, bien des illusions. Mon intervention ne vise qu’une chose : mettre en garde contre l’aveuglement, contre les empathies dangereuses. Je n’ai jamais prôné l’indifférence vis-à-vis de la Russie, mais une saine méfiance. Et je persévère : mieux vaut Machiavel et sa froideur lucide qu’un échauffement plaisant. Tant que l’Europe n’est pas fondée, tant qu’elle n’est pas forte, nous sommes livrés au plus fort, qui ne nous fera pas de cadeau ! Telle est la vérité de l’Histoire, pour qui l’arme fait le maître (et la volonté de s’en servir !). C’est bien sûr regrettable pour l’Europe, et pour nous qui soutenons les Russes. Mais il est certain que nous n’avons aucun intérêt à ce qu’une guerre éclate actuellement, vu notre état de faiblesse. Que ce dernier ait été engendré et encouragé par des traîtres irresponsables, c’est une autre histoire. A mon sens, notre mot d’ordre tactique devrait être La Paix ! Tout en sachant que l’état de guerre est la condition naturelle de l’Histoire humaine. Mais il faut savoir retourner la propagande de l’ennemi, et la lui renvoyer à la gueule comme un boomerang ! « La Russie est attaquée, bien qu’elle veuille la paix » : il s’agit d’ancrer cette idée dans les esprits.
Somme toute, la question de la Russie, de ses démêlés avec les USA, a une vertu heuristique, car elle nous permet non seulement de toucher une partie de l’opinion, et de lui expliquer le dessous des cartes, comme le fait intelligemment Jacques Marlaud, mais aussi de rappeler le sens de notre combat, qui n’est pas forcément celui de M. Poutine, pour qui j’ai d’ailleurs de la sympathie, Poutine devenant au demeurant un homme dont l’Histoire, avec un grand H, se souviendra.
Quant à savoir si ma position est personnelle : bien sûr, qu’elle l’est !