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Samedi, 20 Février 2010
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La peste, le lion, l’âne et la mauvaise conscience
Claude Bourrinet
Tribune libre
La peste, le lion, l’âne et la mauvaise conscience
Evoquons La Fontaine (je reproduis en fin de texte les deux fables : Les animaux malades de la peste, et un passage du Pouvoir des fables. Quant au poème en prose, Assommons les pauvres !, on peut se reporter au génial Spleen de Paris, au poème XLIX). Je ne peux plus supporter qu’on fasse du fabuliste moraliste un philosophe des Lumières obsédé par l’urgence dénonciatrice et la volonté de contourner la censure. On voit tout par le prisme du 18ème siècle, ce qui constitue un piège heuristique. Tous les écrivains ne sont ni de gauche, ni antimonarchistes, ni même « engagés ». Il faudrait rappeler ce qu’est un code. La fable obéit à des canons antédiluviens – bien antérieurs à ce fameux et hypothétique Esope ! – et la figure stéréotypée des animaux convient à un genre qui veut manifester la permanence des lois naturelles. Il faudrait utiliser pour faire comprendre ce qu’est une écriture codifiée, la notion de « motif », de pattern, comme disent les anglo-saxons. Rien d’original, ni de véritablement daté, car on se refile ces motifs et canevas entre générations d’écrivains, le propre de La Fontaine étant l’aspect plaisant qu’il décide d’adopter, ce « langage des dieux » qu’est la poésie.

Cela n’empêche pas notre fabuliste d’être par moment (mais rarement) sensible, en bon disciple épicurien de Gassendi qu’il est.

Il manie plus volontiers l’humour, souvent noir.

Mais renversons la perspective : au lieu de voir l’homme derrière l’animal, c’est plutôt l’animal qu’il faut dévoiler en l’homme (par exemple le prédateur et la proie). La société est une jungle (bien ordonnée). La Fontaine ne dénonce pas le roi, comme il n’en veut pas au loup d’être un mammifère carnassier (même si l’expression hypocoristique « mon gros loup » existe !). Tant pis si on est mouton. Jean n’a jamais prétendu changer le monde. Du reste, tous les initiés, et même ceux qui ont acquis un minimum de lettres (les enfants étant exclus de cette engeance, La Fontaine n’ayant d’ailleurs jamais voulu écrire pour eux, et du reste les détestant) savent ce qu’il en retourne. Cela faisait partie de la culture classique commune. Et quand bien même le roi, et l’ensemble de la société du 17ème siècle, eussent saisi la vérité (mal) voilée – ce qu’ils ont fait, n’en doutons pas -, qu’eût-on pu rétorquer à la Vérité du monde, de la Nature, du Cosmos ? Les gros mangent les petits. Les choses n’ont guère changé, depuis… Quant aux Censeurs, il ne faudrait pas les prendre pour des imbéciles.

Le terme « censure » se révèle comme un instrument singulièrement apte à remplir le vide par un autre vide.

Je ne résiste pas, pour finir, à évoquer cette délicieuse fable (l’une, il est vrai, des plus « politiques ») qu’est « Les animaux malades de la peste », qui connaît un grand succès auprès des enseignants (le clergé laïque), sans doute parce qu’on y trouve l’hostie (« petite bête de sacrifice », en grec, comme chacun sait). Je dis « délicieuse », car elle évite de lire bien d’autres fables qui manifestent un mépris certain pour le peuple, à commencer par Le pouvoir des fables, car on ne saurait voir dans cette puissance menteuse un accès à la vérité. C’est, en l’occurrence, exactement le contraire, les Athéniens étant captivés par des futilités, au lieu de se soucier du danger, expressément dénoncé dans un discours argumenté, mais, certes, aride (la menace que fait peser Philippe sur l’indépendance de la patrie). On n’est « éveillé » par l’apologue qu’en tant qu’on lui échappe, par une prise de conscience de sa fausseté, malgré le plaisir qu’il procure (ou à cause de lui !), pourtant bien ambivalent pour le La Fontaine jansénisant (et qui a droit, comme tout autre, à ses contradictions…).

Du reste, le jansénisme, touchant le bas clergé français, a préparé bien plus, à la longue, la révolution, que des Lumières, qui n’ont éclairé qu’une élite assez éloignée du « peuple ».

Je sais bien par ailleurs que le mythe porte aussi, à sa manière, une vérité plus profonde que la ratiocination discursive et, d’une certaine manière, la fable représente, dans l’art des salons, ce qui subsiste d’un mode de pensée sérieusement ébréché par le rationalisme. C’était le cas dans l’Athènes du 4ème siècle avant J.C., c’est aussi le monde vingt siècles après le « Sauveur » : les fabulae, les mythes, sont devenus des racontars à gogos, des variantes du tittytainement mondialisé (pour cette notion, voir, en septembre 2005, la réunion tenue à San Francisco sous l’égide de la Fondation Gorbatchev, et les théories de la Trilatérale formulées par Zbigniew Bzrezinski).

On se laisserait donc prendre par la puissance imaginante. Je vois poindre le museau pointilleux et moralisateur de notre bon vieux Jean-Jacques, lecteur sévère des fables… « Voyez-vous », avancerait-il, « des enfants peuvent très bien s’identifier au lion, et, conséquemment, s’en prendre aux faibles, ces pauvres ânes ». Pourquoi diantre des enfants ? Passons… Je m’arrête sur ce que je considère comme un réflexe conditionné, car ce qui aurait pu s’avérer comme un témoignage de lucidité se trouve être exactement le contraire, pour des raisons idéologiques extrêmement subtiles. D’abord, pourquoi le roi, et sa suite animale, sont-ils caricaturés, et, apparemment, pas l’âne. Or, n’est-ce pas la caricature qui tord la perception et nous fait rater la chose au profit d’une interprétation tendancieuse, et probablement erronée ? Les lions se réduisent-ils tous aux défauts montrés par le fabuliste (sa gloutonnerie, sa tartuferie, sa cruauté etc.) ? Ma foi, un lion, c’est une bestiole tout de même assez magnifique…Et faut-il lui en vouloir ? Si l’on suit la littéralité du texte, n’est-ce pas une loi de l’Histoire que les gouvernants mentent ? Les Etats ne sont-ils pas des monstres froids ? Et l’âne ? Qu’allait-il faire en cette galère ? Quand on est faible, ne faut-il pas rester caché pour être heureux ? Et quand pourtant on devrait « y être », ne doit-on pas ruser ? Ne peut-on arguer de quelque maladie qui indispose pour ne pas s’y rendre ? Et quand, in fine, on « y est » quand même, pourquoi prendre la parole, et surtout pour s’accuser ? A mon avis, nonobstant le pathos qui s’attache à la figure de l’âne – et qui peut, effectivement faire pleurer Margot – c’est peut-être l’âne que La Fontaine vise le plus par sa critique. Les faibles n’ont pas toujours raison, et il n’est pas nécessaire d’être stupide. Reportons-nous donc au poème en prose de Baudelaire, intitulé « Assommons les pauvres ». Il est vrai que cette farce provocatrice a une fin heureuse, fraternelle (celle des poings) ! Mais on ne peut demander à l’âne d’être un tigre, ni même un chien…

Pour revenir à nos enfants qui pourraient s’identifier au lion, je me demande si, dans notre société pourrie par la compassion, la pleurnicherie et l’hypocrisie larmoyante (cf. la tirade de l’hypocrisie dans dom Juan, qui n’a pas pris une ride), ces enfants, qui choisiraient d’habiter le pelage du roi, ne détiendraient pas une force de caractère, et une originalité, hors du commun !

Pourquoi d’ailleurs, si l’on désire dénoncer la puissance malhonnête de l’ « imagination » (pour parler comme Pascal) ne pas accuser Voltaire de mener, par ses simplifications outrancières, ses caricatures, son ironie, son comique, le lecteur par le bout du nez ? Mais il trafique des apparences, bien sûr, pour la bonne cause…

Mais allons plus loin dans la voie de la liberté, complexifions notre dilemme (si un choix entre le lion et l’âne existe). Le monde étant un théâtre, ce que nous invite à penser la nature des fables, qui sont autant de saynètes, on peut bien être en mesure d’élire son rôle (si l’on met de côté l’éventualité, utopique de l’égalité, de la fraternité etc., totalement anachronique au 17ème siècle, sinon dans le discours attendu et figé de quelques passages de la Bible, que les sectes anabaptistes avaient pris à la lettre…), à savoir dans le premier cas celui qui implique une fonction parfois injuste (lion, renard, tigre, ours, voire humain…) mais qui n’exclut pas, éventuellement, pour les plus intelligents, comme chez Pascal, une « pensée de derrière », et l’autre, celui de cet animal christique par excellence qu’est l’âne, la fonction du sacrifié, du crucifié, donc de la sainteté (« Saint, saint, saint est le Seigneur ! »). Qui déclarerait en effet qu’il choisit sciemment, consciemment, héroïquement (quoique avec un brin de masochisme) cette voie-là, serait certes, d’un certain point de vue, au-dessus du premier : il se tiendrait dans et hors la société, et ne serait pas médiocre (ce que risque de devenir l’amateur de prédation, s’il n’a pas son énergie ni sa cruauté – qui ne sont pas à la portée de tout le monde !) La réalité est que personne n’opte vraiment, et tout le monde se laisse porter, n’étant ni vraiment bon, ni vraiment méchant, et fluctuant entre une prédation timorée et une soumission confortable (on grignote un peu le croupion l’autre, et on souffre qu’il nous croque une aile).

Mais pourquoi l’âne serait-il supérieur au lion ?

Le « motif » de l’âne, si pitoyable, paraît bien pouvoir instiller à la longue dans l’âme du roi ce poison incurable qu’est le sentiment de culpabilité, de quoi l’envoyer paître le pré du Seigneur dans quelque Désert, avec sa haire et sa discipline.

Nous avons là toute l’histoire de l’Eglise – corollairement de ses bûchers – et de ses déclinaisons laïques contemporaines (qui ne sont pas moins inquisitrices que la première).

Lisez La Généalogie de la morale, de Nietzsche. Tout y est dit.

Et cette peste, qui est le spleen, la névrose, l’absence de goût vital, le désenchantement – cette morbidesse qui désarma le Bas Empire – n’incite-t-elle pas – n’excite-t-elle pas – à essayer la suprême volupté de la sainteté, dont les titillements austères sont autrement puissants que les douces pâmoisons de la chair ?




notes

Les animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés:
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie;
Nul mets n'excitait leur envie,
Ni loups ni renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie;
Les tourterelles se fuyaient:
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit: «Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements:
Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence
L'état de notre conscience
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait? Nulle offense;
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut: mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi:
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espèce.
Est-ce un pêché? Non, non. Vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant, beaucoup d'honneur;
Et quant au berger, l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.»
Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances
Les moins pardonnables offenses:
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'âne vint à son tour, et dit: «J'ai souvenance
Qu'en un pré de moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.»
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable!
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait: on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Passage du « Pouvoir des fables »

Dans Athènes autrefois, peuple vain et léger,
Un orateur, voyant sa patrie en danger,
Courut à la tribune; et d'un art tyrannique,
Voulant forcer les coeurs dans une république,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l'écoutait pas. L'orateur recourut
A ces figures violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes:
Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.
Le vent emporta tout, personne ne s'émut;
L'animal aux têtes frivoles,
Etant fait à ces traits, ne daignait l'écouter;
Tous regardaient ailleurs; il en vit s'arrêter
A des combats d'enfants et point à ses paroles.
Que fit le harangueur? Il prit un autre tour.
« Céres, commença-t-il, faisait voyage un jour
Avec l'anguille et l'hirondelle;
Un fleuve les arrête, et l'anguille en nageant,
Comme l'hirondelle en volant,
Le traversa bientôt.» L'assemblée à l'instant
Cria tout d'une voix: « Et Céres, que fit-elle?
- Ce qu'elle fit? Un prompt courroux
L'anima d'abord contre vous.
Quoi? de contes d'enfants son peuple s'embarrasse!
Et du péril qui la menace
Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet!
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait?»
A ce reproche l'assemblée,
Par l'apologue réveillée,
Se donne entière à l'orateur:
Un trait de fable en eut l'honneur.

Nous sommes tous d'Athènes en ce point, et moi-même,
Au moment que je fais cette moralité,
Si Peau d’Ane m'était conté,
J'y prendrais un plaisir extrême.
Le monde est vieux, dit-on: je le crois; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant
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