La paille et la poutre
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07/12/03 |
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12.01 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Gianfranco Fini s’est, une nouvelle fois, attiré la hire de toute une partie de l’extrême-droite française. Il est vraisembable qu’il l’ignore et que si, par hasard, la chose revenait à ses oreilles, il n’en aurait cure. On le comprendrait d’ailleurs aisément tant il est vrai que Fini ne joue pas (plus) dans la même cour que ceux qui, dans l’hexagone, le dénigrent.
Cela étant écrit ces dénigrements sont signifiants.
Mais ils sont signifiants de quoi ? D’une vision politique ? Non pas. Il sont signifiants ... d’une incohérence intellectuelle totale consubstantielle à ce que Roland Gaucher nomme, avec justesse, la « minorité agitée » de la mouvance nationale.
Que reproche-t-on au juste à Gianfranco Fini ?
Trois choses semble-t-il : qu’il ait, en la modérant et la polissant, transformé l’Alliance nationale en parti de gouvernement, qu’il ait proposé de donner le droit de vote à certaines catégories d’immigrés et que, s’étant rendu en visite dans l’entité sioniste, il y ait fait sa techouva.
Fort bien.
Je suis moi même critique vis à vis de Fini sur ces points. Mais je n’ai jamais dirigé autre chose que des groupuscules de quelques centaines de membres et une circonscription du MNR, en toute humilité j’avoue que cela ne me qualifie guère pour juger l’action d’un homme qui, vice-Premier ministre italien, est à la tête d’un parti de gouvernement. Je peux dire le principe, à quelques milliers de personnes sur ce site, à quelques centaines dans les journaux où je m’exprime. Fini, lui, se coltine au réel ! Or, les braillards incontinents du clavier que je vois se répandre sur le net en critiques virulentes et en accusations de traîtrise, n’ont, pour la plus part, même pas connu le très modeste niveau de responsabilité qui a pu être le mien. Cela ne les empêche pas de vouloir dicter à un homme qui se trouve être parmi les cinq personnes les plus importantes du gouvernement italien ce qu’il devrait faire, dire ou penser. J’avoue que cela me gène.
Ce qui me gène aussi c’est à quel point ces critiques sont à géométrie variable et à quel point l’on voit la paille dans l’œil cisalpin sans voir la poutre dans le sien (ou dans celui d’hommes politiques que l’on adule).
L’AN est devenu un parti de gouvernement et à ce titre il a travaillé son image et mis de côté tous ceux qui pouvaient nuire à celle-ci. Il y a peu, un député qui avait distribué de manière bien provocatrice du matériel de propagande révisionniste était exclu de l’AN. Cela était logique et c’est le contraire qui aurait été étonnant. N’oublions pas que Dewinter fit de même il y a quelques années en poussant à la démission un sénateur, membre fondateur de son parti, pour des raisons similaires. L’intérêt général d’une organisation est supérieur au respect des excentricités de ses membres.
Fini a par ailleurs pris en public ses distances avec le fascisme historique. Que souhaite-t-on ? Qu’il joue un rôle politique dans son pays ou qu’il se limite dans un rôle de témoignage incantatoire ?
Mussolini fut incontestablement grand, mais il le fut dans des circonstances autres et particulières. Peut-on sérieusement demander à un homme politique italien de se définir obligatoirement par rapport à lui, alors qu’il ne viendrait à personne l’idée de demander à JMLP de se définir par rapport à Doriot ? Et d’ailleurs, si on demandait aux Le Pen père et fille, en public, ce qu’ils pensent de Doriot, Déat, etc. Je présume que la réponse ne serait pas très différente dans le fond de celles qu’à pu faire Fini.
Celui-ci a aggravé son cas, aux yeux de ceux qui le dénigrent, en allant en Israël et en y tenant des propos convenus sur l’holocauste et l’antisémitisme. Cela gène, cela scandalise... mais est-ce que les mêmes sont gênés par les liens de plus en plus nets, en France, entre l’extrême-droite militante et le sionisme radical ? Est-ce que quelqu’un se scandalise quand Faye prône une alliance Juifs-identitaires contre les musulmans ? Est-ce que l’on n’admire pas les livres de del Valle (qui ont été mis en avant dans tous les catalogues de VPC des librairies de la droite nationale, y compris dans les plus « mythos ») voire de Fallaci ? Est-ce que quelqu’un a reproché à Le Pen et à ses conseillers leurs déclarations au journal israélien Haaretz (1) ? Est-ce que quelqu’un se scandalise aussi des liens de Dewinter et de certains « diamantaires » ?
Fini a par ailleurs proposé de donner le droit de vote à certaines catégories d’immigrés. Il n’a pas la primauté de l’idée chez les nationaux, en effet, c’est Pym Fortuyn, leader pourtant d’un parti anti-immigration plus agressif que l’AN, qui avait le premier avancé la thèse qu’il fallait tirer un trait, intégrer les immigrés présents - puisqu’il était peu vraisemblable que l’on puisse les expulser en masse - en leur donnant le droit de vote et fermer totalement les frontières. L’idée est contestable, mais on la reproche soudain à Fini, alors que quand Fortuyn l’énonça personne ne broncha.
Je défends d’une certaine mesure Gianfranco Fini depuis le début de ce papier. Cela peut apparaître très incohérent pour quelqu’un qui reproche aux autres leurs incohérences. En fait, ce que je pense, c’est que l’évolution de l’Alliance nationale est l’évolution normale de tout parti de la droite nationale. Tous finiront ainsi, à plus ou moins long terme, phagocytés par le système, intégré à un fonctionnement qu’ils avaient longtemps contesté. Les critiques incohérentes de la « minorité agitée » servant elles-mêmes ce système puisqu’elles consituent des soupapes de sécurité et des voies de garage pour ceux qui maintiennent une contestation partielle de ce système.
Tout engagement est-il vain alors ? Dans l’état actuel des choses, il peut le sembler... Mais uniquement si l’on reste dans le cadre d’un combat à l’échelle de l’Occident, dans le cadre d’un combat dans le Système. « Ce qui doit tomber, il ne faut pas le retenir mais encore le pousser », écrivait Nietzsche, appliquons cette sentence au monde dans lequel nous vivons et décidons une fois pour toute que Alliance nationale, Vlaams Blok où autres ne sont pas des partis frères tombés dans l’erreur, mais des kollabos de toujours du système occidental qu’il convient de combattre. L’Europe renaîtra quand l’Occident périra. A notre modeste place contribuons comme nous le pouvons aux initiatives pour le mettre à bas. Ce sera bien mieux utiliser notre énergie et nos neurones que de gloser sur le passé de Gianfranco Fini et sur l’avenir d’Alessandra Mussolini.
Christian Bouchet
1 - Ha’Aretz, Tel Aviv, 17 avril 2002, : « M. Le Pen assimile la guerre contre le « terrorisme » menée actuellement par le premier ministre israélien Ariel Sharon à celle menée par les troupes françaises contre les nationalistes algériens de 1954 à 1962.
« Durant la guerre d’Algérie, je servais dans la 10e division du général Jacques Massu. Nous avions été mobilisés pour combattre le terrorisme du FLN (le Front de libération nationale algérien). L’intelligentsia en France a critiqué notre action. C’est très facile de critiquer depuis son canapé dans son salon. Je comprends totalement l’État d’Israël qui cherche à défendre ses citoyens ».
Ha’Aretz, Tel Aviv, 2 mai 2002, : « La conseillère de Le Pen pour les questions juives, Sonia Arrouas, explique que le leader de l’extrême droite a complètement changé d’attitude envers les juifs après son mariage avec sa deuxième épouse, Jany. « Tous les meilleurs amis de Jany sont juifs », affirme l’élégante Mme Arrouas à Ha’Aretz. […] Et de poursuivre en babillant que Le Pen est tout à fait pro-israélien « parce que c’est le seul État occidental dans l’Orient arabe ». Si ce n’est pas la plus excellente des raisons d’être pro-israélien, alors citez-en une autre. « Tous les gouvernements français sont pro-arabes, et Le Pen est opposé aux Arabes. Il est, par conséquent, bon pour les juifs », continue Arrouas avec une logique désarmante ».
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