Réformer l’université
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23/11/03 |
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11.04 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Un certain nombre de facultés sont depuis quelques jours en grève. Elles sont peu nombreuses et malgré l’appui ostensible que lui accorde les médias ce mouvement contre le projet de loi Ferry sur l'autonomie des universités et contre l'harmonisation européenne des diplômes, semble avoir beaucoup de mal a se trouver une audience et un public.
Si le projet de loi Ferry est sur beaucoup de points contestable, l’angle d’attaque de l’UNEF est lui -comme à l’accoutumé - aberrant et significatif du comas conceptuel dépassé de la centrale syndicale étudiante.
Pour résumer, il est actuellement question à l’université d’uniformiser les diplômes au niveau européen (ce qui a déjà commencé à se mettre en place) sur le principe LMD (licence, mastère, doctorat) et de donner plus d’autonomie aux universités (en particulier la possibilité de décider de la répartition de leur budget) ce qui constitue l’essentiel de la future réforme.
Et nos amis de l’UNEF d’hurler à ... la sélection, aux facs poubelles, et autres fariboles !
Comme si la sélection n’existait pas, comme si les facultés n’étaient pas déjà inégales vis à vis des recruteurs, comme si certaines filière n’étaient pas depuis longtemps des poubelles fabriquant des chômeurs.
Puisque le bac doit être obtenu par le plus grand nombre possible de lycéens, il est de facto très peu sélectif. Puisqu’il donne un accès automatique à l’université, la sélection de fait plus tard (au niveau du Deug). Puisque l’on peut s’inscrire dans n’importe quelle filière sans sélection préalable ou numerus clausus (à l’exception des filière médicales) les effets de mode et la facilité jouant, on fabrique des générations de diplômés de sociologie, de psychologie, etc., qui ne trouveront jamais d’emplois du niveau de leur qualification (être facteur avec une licence, comme Besancenot, est-ce réellement normal ?).
Pendant ce temps, la véritable sélection se fait. Et c’est celle de l’argent. Ceux qui ont l’argent peuvent - à partir du lycée - choisir les filières, les prépas, les écoles privées, qui feront que leurs enfants réussiront. Pour les autres, on leur aura fait croire à l’ascension sociale par les études sans qu’elle soit finalement au rendez-vous.
Or seul la mise en place d’une sélection a partir du lycée pourrait rétablir l’égalité dans les études, la seule égalité qui vaille celle de l’intelligence et des capacités. Cette égalité mettrait le fils de bourgeois et celui de prolétaire, le fils de Français et celui d’immigré, pour une fois réellement sur un pied d’égalité.
Mais pour cela, encore faudrait-il faire une révolution copernicienne et renoncer à l’égalitarisme pour gagner l’égalité. Il faudrait comprendre que la sélection est favorable à l’égalité alors que la non-sélection est inégalitaire. Il faudrait que l’UNEF soit réellement un syndicat et s’intéresse aux étudiants et non pas seulement à des manoeuvres politiques au service des partis de l’opposition de gauche. Il faudrait aussi que ceux qui nous dirigent aient un désir de réforme réel et du courage politique. Quand on voit qu’il a suffit que quelques milliers d’étudiants manifestent dans une dizaine de villes pour que le projet Ferry soit retiré. On se dit que l’on en est bien loin et que nos facs resteront pendant longtemps encore des réserves de chômeurs, de ratés et d’aigris...
Christian Bouchet
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