Les euro-sceptiques turcs sont nos alliés objectifs !
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02/11/04 |
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Dirk de Smedt |
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En Turquie aussi, les voix critiques se font entendre pour s’opposer à l’adhésion du pays à l’UE. Mais nos médias, si “objectifs”, ne mentionnent jamais ces voix, ne leur accordent aucun temps de parole...
C’est connu : la Turquie souhaite adhérer à l’UE. C’est moins connu : en Turquie aussi des voix s’élèvent contre la perspective d’une telle adhésion. Parmi ces voix, celle d’un homme bénéficiant d’une grande notoriété, le Professeur Hasan Ünal, attaché à l’Institut des Relations Etrangères de l’Université Bilkent d’Ankara. Dans un entretien qu’il a accordé à l’hebdomadaire national-conservateur berlinois “Junge Freiheit” (en date du 1 octobre 2004), cet historien turc a eu l’occasion d’exprimer son point de vue.
Une obsession paralysante
Le fait que les euro-sceptiques turcs ne reçoivent pas le droit de s’exprimer dans les médias européens n’étonne guère le Professeur Ünal, vu que la Turquie ne le leur accorde pas davantage! Dans les médias turcs, constate-t-il, on a créé un climat tel qu’il est quasiment impossible d’émettre la moindre critique quant au projet d’adhésion. Hasan Ünal ne se considère pas personnellement comme un opposant systématique à cette adhésion mais s’oppose à la manière dont celle-ci est revendiquée en Turquie aujourd’hui. Il ne partage donc pas l’obsession d’une grande partie de l’élite politique turque qui pense que cette adhésion doit désormais être “automatique”.
Le fait que la Turquie fait une véritable fixation sur sa future adhésion a des effets paralysants, dit l’historien Ünal. Parce qu’on ne peut plus en débattre ni évoquer les origines de tous les problèmes auxquels la Turquie actuelle est confrontée. On ne cesse de dire, au-delà du Bosphore, que tous les problèmes du pays seront résolus dès que la Turquie aura été acceptée au sein du “Club européen”. A ce propos, Ünal remarque que les partisans turcs de l’adhésion utilisent continuellement l’argument des “subsides” de l’UE, comme remède miracle, alors qu’il faudrait tout de même demander l’avis des contribuables européens...
Dures vérités
Le Professeur Ünal reconnaît le bien fondé de bon nombre d’arguments des euro-sceptiques européens. Par exemple, il admet que l’UE serait dans l’impossibilité d’assimiler la Turquie, à cause notamment de la quantité démographique qu’elle représente (72 millions d’habitants). Dans l’interview accordé à “Junge Freiheit”, Ünal rejette l’affirmation revendicatrice des partisans turcs de l’adhésion, qui disent, à qui veut l’entendre, qu’un “non” européen signifierait un parjure, un refus de tenir sa promesse. A juste titre, il rappelle qu’en 1963, lorsque l’on a parlé pour la première fois d’une possible adhésion de la Turquie, la situation était complètement différente. La Turquie comptait alors 27 millions d’habitants et les pays de la CEE, à l’époque, vivaient dans une période de haute conjoncture économique. La situation actuelle n’est en rien comparable et Ünal considère donc qu’il est absurde de réclamer aujourd’hui la réalisation d’une promesse faite hier, dans des conditions devenues totalement autres.
De surcroît, ajoute-t-il, la CEE de l’époque était une institution complètement différente de l’UE actuelle. La CEE était une structure de coopération strictement économique, ce qui rendait une éventuelle adhésion turque possible et réalisable. Mais la donne a complètement changé aujourd’hui. Dans l’UE, telle qu’elle existe aujourd’hui, et dans la mesure où elle vise l’intégration politique des Etats européens qu’elle abrite en son sein, Ünal ne voit pas de place pour son pays, la Turquie.
On réclame un peu de cohérence et de clarté !
Ünal demande aux Etats qui composent aujourd’hui l’UE de tenir des propos clairs et de cesser de jouer à cache-cache. C’est un fait : jamais on a osé ou voulu dire haut et clair à la Turquie, dans le passé, qu’une adhésion était impossible. Par conséquent, un “non” susciterait une énorme déception.
Il ajoute toutefois, dans la foulée, que l’honnêteté postule de dire que le souhait d’adhésion de la Turquie ne relève pas tant d’une conviction intérieure, c’est-à-dire d’une adhésion réelle aux valeurs européennes, mais est dicté par l’espérance d’un plus haut niveau de bien-être matériel. Donc, il faut que les Européens puissent convaincre les Turcs que ce bien-être potentiel est possible sans une adhésion en bonne et due forme mais grâce à un “partenariat spécial”. Cette piste, pense Ünal, les Turcs finiront par l’accepter.
Dirk de Smedt.
(article paru dans “Vlaams Blok Magazine”, nr. 11/nov. 2004).
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