L'esprit de Santiago
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26/05/04 |
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11.03 t.u. |
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Israël Adam Shamir |
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Chers amis,
Mon livre, La Pluie verte de Yassouf ou les Maîtres du discours (intitulé The Flowers of Galilee en anglais et L'Autre visage d'Israël en français) est désormais en vente en Espagne. A la conférence de presse organisée pour le présenter au public, j'ai prononcé la conférence dont le texte suit :
L'Esprit de Santiago
La raison de ma venue chez vous, depuis Jérusalem, est le lancement de mon livre en version espagnole. Mais je suis venu vous voir, avant tout,afin de vous féliciter et de bénir la décision que vous avez prise deretirer vos soldats du mauvais camp dans ce qu'il est convenu d'appeler la guerre d'Irak, qui est en réalité la bataille pour la Palestine. Il y a un an de cela, lorsque j'ai écrit une série d'articles repris dans ce livre, c'était là une opinion iconoclaste, que très peu de gens partageaient. La majorité de l'opinion était gavée d'histoires de guerre visant à libérer les Irakiens, de guerre pour la démocratie en Irak, de guerre contre la terreur, de guerre pour stopper le développement d'armes de destruction massive par Saddam, ou encore de guerre pour le pétrole.
Une année a passé et toutes ces explications se sont évanouies comme de la fumée dans la nuit.
Aucune arme de destruction n'a été trouvée dans un Irak totalement dévasté ; aucun rapport avec Al-Qa'ida n'a été avoué par les prisonniers torturés à Abu Ghraib et à Guantanamo ; la libération de l'Irak s'est révélée sous son vrai jour d'occupation brutale.
Quant au pétrole, parlons-en ! Au début de la guerre, le prix du pétrole était stable, autour des vingt dollars le baril. Aujourd'hui, ce prix a tout simplement doublé, puisqu'il est d'environ quarante dollars le baril. Les compagnies pétrolières, que l'on accusait de pousser à la guerre, se retirent d'Irak les unes après les autres, et la production pétrolière de l'Irak est très inférieure à ce qu'elle était avant-guerre.
Le 29 avril dernier, le quotidien britannique Guardian écrivait que la compagnie British Petroleum (BP) avait décidé de partir d'Irak, après avoir conclu que la compagnie n'avait plus d'avenir dans ce pays.
Cela ne nous laisse plus, en tout et pour tout, qu'une seule raison pour cette guerre.
Cette raison, c'est celle que nous avions affirmée pour la dénoncer, voici un an de cela. Parfois, on l'appelle « la guerre pour Israël », mais cette définition passe à côté du problème.
L'Etat d'Israël n'a pas besoin de cette guerre pour assurer sa sécurité ; les Israéliens n'ont pas besoin de cette guerre pour garantir leur bien-être.
Les juifs peuvent vivre en égaux, en Palestine ou ailleurs ; mais ils veulent dominer l'eau, la terre et les âmes des autres. C'est pour cette raison qu'ils tuent des enfants et démolissent les maisons des Palestiniens à Gaza, et celles des Irakiens à Fallujah.
C'est la guerre pour la suprématie juive ; elle est menée par les Etatsuniens adeptes de ce concept ; elle est menée contre l'égalité entre tous les habitants de la Terre Sainte. Dans un guerre telle celle-là, l'Espagne n'a aucune raison de se ranger aux côtés des forces de la suprématie juive, ce qui reviendrait à couvrir les destructions de masse en Palestine et les tortures de masse à Guantanamo.
L'Espagne n'a aucun motif à se battre pour défendre le racisme juif, puisque votre pays a un passé glorieux d'anti-racisme souvent caricaturé par la narration juive moderne, désormais devenue le discours anglo-américain dominant. On vous blâme en raison de votre soi-disant Expulsion des juifs, en 1492. Mais la majorité des juifs exilés d'Espagne y sont retournés, ils ont renoncé à leur tradition raciste de supériorité, ils ont accepté de partager le pain et le vin avec les autres Espagnols - c'est exactement ce que signifie le mot Eucharistie - et ils sont devenus des citoyens espagnols respectés.
Sainte-Thérèse d'Avila et Saint-Jean de la Croix sont deux exemples éclatants de leur gloire.
En revanche, l'Angleterre soumise à Cromwell admit chez elle les juifs exilés, et elle reçut des brassées de fleurs de la part des Maîtres du Discours, en remerciement de cette attitude. Ils ne parlent pas des conséquences de cette attitude, à savoir l'exclusion des roturiers anglais, le massacre des paysans irlandais et écossais, et le massacre de masse des Américains indigènes dans leurs colonies.
Peut-être cela allait-il sans dire, tant il est rare que les régimes « bons pour les juifs » le soient, aussi, « pour les goyim » ?
Ces même maîtres du Discours vilipendent l'Espagne pour la manière dont elle a traité les indigènes Amérindiens. Mais qu'en est-il, finalement ? Les Espagnols ont épousé des indigènes et ces unions mixtes ont produit les nations modernes d'Amérique Latine. Alors que les colons nord-américains, qui étaient excellents pour les juifs et allaient jusqu'à se voir eux-mêmes en « nouveaux juifs », ont exterminé la quasi totalité des indigènes, enfermant les rares survivants dans des réserves.
Ils vilipendent l'Espagne en raison de votre inquisition. Mais, dans les pays protestants, ce sont des milliers de femmes qui ont été brûlées sur le bûcher sous prétexte qu'elles auraient été des sorcières - chose impensable dans un pays où la Mère de Dieu est vénérée de la façon dont vous la vénérez.
Penser que la théologie serait une activité futile de clercs inutiles, alors que seuls compteraient les biens matériels, est véritablement une grave erreur. La théologie représente les fondations profondes sur lesquelles le palais de toute société est bâti.
Sans fondations, le palais s'effondrerait au premier coup de grand vent. Alors, au premier tremblement de terre : imaginez !
Ce fut la cause de l'effondrement de l'Union soviétique : le communisme, simplement pseudo-religieux, n'avait pas de solides fondations théologiques, et il ne put survivre. Aux Etats-Unis « néo-juifs », le paradigme juif est venu supplanter le christianisme apostolique, apportant avec lui le Nouvel Ordre Mondial caractérisé par l'écrasement des classes moyennes, l'hypertrophie des services de sécurité, l'approfondissement des disparité sociales et l'effondrement partout constaté, en raison de cette absence d'une large assise sociale qui les caractérise. Désormais, ses adeptes ont décidé d'en garantir la survie en l'imposant à l'échelle planétaire ; c'est la cause des guerres et de l'expansionnisme auxquels nous sommes confrontés. Leur dessein ne saurait, en tout état de cause, se réaliser à une échelle plus réduite que la globale.
Partout, ils assurent la promotion de dirigeants qui adoptent leur théologie et leur idéologie. Ces dirigeants peuvent appartenir à la droite, comme votre Aznar, ou à la gauche, comme Tony Blair, en Grande-Bretagne. Mais, invariablement, ils soutiennent l'idée juive de supériorité et ils sont prêts à envoyer leurs concitoyens se battre pour conquérir des terres lointaines.
Ils sont sans doute bons pour les juifs. Mais ils sont mauvais pour tous les autres. De fait, aujourd'hui, la lutte entre la Gauche et la Droite est devenue obsolète, face à la nouvelle dichotomie. Ici, dans cette salle, je vois des gens dont les pères se sont tirés dessus mutuellement à Hueska et à Tarragone, durant la guerre civile de 1936-1939. Mon oncle s'est battu pour la République espagnole ; il s'était enrôlé dans les Brigades Internationales. Peut-être votre père a-t-il combattu aux côtés de Franco. Mais aujourd'hui, nous sommes unis, pour l'esprit, la tradition et l'égalité, contre les supporters de la suprématie de l'absence de spiritualité et du déracinement.
Les guerres anciennes appartiennent au passé. Vous avez combattu les Maures, mais aujourd'hui l'Espagne est un pays ami du Maroc. Vous avez combattu Napoléon, mais aujourd'hui vous êtes les amis et les alliés de la France. Semblablement, la guerre de la Gauche contre la Droite appartient au passé, comme la guerre des Carlistes et des partisans d'Isabelle, ou la guerre entre York et Lancaster, ou encore la guerre entre les Unionistes et les Fédérés. Les tendances de gauche et de droite ne disparaîtront pas : toutes deux sont nécessaires à la société, de la même manière que l'homme a besoin de ses deux bras et de ses deux jambes. La Droite assure la continuité de la tradition et la préservation des racines ; la Gauche promeut l'égalité et la capacité de se réformer. C'est leur interaction, semblable à celle entre le Ying et le Yang, qui fait fonctionner la société. C'est la victoire totale de l'un quelconque de ces deux paradigmes qui envoie la société droit dans le mur.
La confrontation tragique et destructrice entre la Gauche et la Droite a atteint sa culmination durant votre guerre civile et la Seconde guerre mondiale, où les deux grands mouvements anti-bourgeois, « les disciples de Hegel, ceux de gauche, et ceux de droite », ont versé leur sang « ad majoram US gloriam » - pour la plus grande gloire des Etats-Unis néo-judaïques - ultimes vainqueurs de la guerre.
J'en ai pris conscience en 1990, en Russie, lorsque les néo-libéraux (russes) pro-américains qualifièrent les vétérans de la bataille de Stalingrad, les patriotes de la Russie, de « rouges-bruns », prétendant qu'il n'y avait aucune différence entre le communisme et le national-socialisme.
Aujourd'hui, nous avons la fausse gauche et la fausse droite, car il n'y a aucune différence entre Thatcher et Blair, ni entre Bush et Kerry - les uns comme les autres soutenant Israël en route vers la suprématie.
En Espagne, et en France, les journaux de gauche, comme de droite, ont condamné à l'unisson le film de Mel Gibson La Passion du Christ, qu'ils ont qualifié d' « offensant pour les juifs ». Ainsi, au lieu d'avoir une Droite et une Gauche, nous avons une nouvelle dichotomie, une nouvelle ligne de fracture, définie par les positionnements face à la suprématie judaïque. Aujourd'hui, les Etats-Unis font la guerre aux musulmans dans l'intérêt d'Israël, mais Huntington, le grand théoricien de cette guerre, en appelle d'ores et déjà à contrôler les Hispaniques vivant aux Etats-Unis, parce qu'ils ne sont pas assez dévoués à la cause juive.
Vous pouvez jauger vos dirigeants en fonction de leur attitude face au calvaire des paysans palestiniens. S'ils préfèrent frayer avec Sharon, ils seront mauvais pour vous, aussi. Tous partiront, comme est parti Aznar : le peuple a bien compris les véritables raisons de la guerre.
Il n'y qu'une seule solution en Terre Sainte qui puisse apporter la paix au monde. C'est celle de la totale égalité entre juifs et non-juifs dans l'ensemble de la Palestine, de la déconstruction de l'Etat juif suprématiste et de sa conversion en une véritable démocratie pour tous ses citoyens. C'est ce que préconisait le regretté Edward Said, et c'est ce que préconise aujourd'hui Mustafa Barghouthi, le plus populaire des dirigeants palestiniens.
De plus en plus nombreux, des Israéliens parviennent eux aussi à la conclusion qu'il n'y a pas d'autre manière de stopper les bulldozers.
L'Espagne a un rôle très important à jouer, car elle est liée de manière intrinsèque à la Terre du Christ et de Saint-Jacques, votre saint le plus populaire, que vous appelez Santiago. Ce modeste pêcheur palestinien fut décapité sur l'ordre du prédécesseur de Sharon, le roi Hérode Antipas, et sa tête fut emportée par ses disciples jusque sur vos côtes. Elle est vénérée à Saint-Jacques de Compostelle. Mais son coeur est encore enterré à Jérusalem, et la Cathédrale Saint-Jacques s'élève au-dessus de son tombeau, vénéré aussi bien par les musulmans que par les chrétiens palestiniens. Car, dans notre pays, Chrétiens et Musulmans vivent ensemble, en grande paix et harmonie. Ils partagent les mêmes lieux de dévotion et - c'est tout aussi important, surtout aujourd'hui - le même ennemi.
Leur ennemi, ce ne sont pas « les juifs », car les juifs peuvent vivre en paix avec les Espagnols et les Palestiniens.
Non, leur ennemi commun, c'est l'esprit de suprématie judaïque, qui doit être défait.
Et qui sera défait.
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