L'équivalent d'un Hiroshima...
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17/12/04 |
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7.57 t.u. |
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Patricia Lombroso |
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Un des auteurs du rapport qui dénonce 100 000 civils en irak morts parle.
« Notre intention, en publiant le rapport sur la revue scientifique Lancet, était d’attirer l’attention du monde entier sur les morts des civils en Irak, à la suite de l’invasion américaine. Plus de 100 000 morts civils, dont 80 % à cause de la violence des bombardements Usa. C’est un Hiroshima contemporain, ce qui continue à se consumer sous nos yeux. Ça devrait frapper les consciences du monde occidental. L’indice de mortalité a augmenté de 58 % dans tout le pays depuis le début de l’invasion. Deux tiers des morts sont des femmes et des enfants ». C’est par cette dénonciation affligée que commence l’interview à il manifesto de Gilbert Burnham, auteur avec Les Roberts du rapport explosif publié sur Lancet. Les deux hommes travaillent respectivement à l’université « Bloomberg John Hopkins » et au « Center for International emergency disaster and refugee studies » de Baltimore.
Dans le rapport qui rend compte de la recherche que vous avez faite en Irak, et dans laquelle vous dénoncez plus de 100 000 morts civils irakiens après l’invasion Us, chiffre que nie le Pentagone, vous écrivez que vous avez trouvé un nouveau Hiroshima en Irak. Pourquoi ce rapprochement ?
Historiquement, les 75 000 morts de Hiroshima ont constitué un seuil au-delà duquel nous pensions qu’on ne pourrait pas aller. Mais nous avons été choqués par le nombre inattendu de morts de civils irakiens, qu’on a pu relever grâce à un travail de recherche accompli avec la collaboration de l’équipe de l’université de Al Mustansyria de Bagdad. Plus de 100 mille, dans lesquels ne sont pas comptés les civils morts à Falluja pour des causes différentes des évènements belliqueux. De là la référence à un Hiroshima actuel. Aujourd’hui même les medias parlent de la situation catastrophique dans laquelle tombe l’Irak en termes de « désertification » du pays. Le nombre de plus de 100 mille morts civils irakiens remonte à un mois (15 novembre, NdT). Aujourd’hui ce chiffre même est de loin très approximatif par défaut.
A cause des attaques aériennes Us dans tout le pays et après l’assaut à Falluja ?
Non, pas seulement. Notre recherche comportait une analyse de toutes les causes qui ont déterminé cette augmentation exorbitante de 58% de la mortalité dans la population depuis le début de la guerre. Le nombre de morts civils, par la guerre, ne comprend pas les autres causes de mort statistiquement recueillies pour épidémie de typhoïde, malnutrition, accidents, maladies. Un relevé statistique précis de chaque groupe familial de la société civile, pour qui était faite la recherche, était impossible à cause des risques et des résistances rencontrées aux check point militaires, à cause des incursions des patrouilles militaires, des bombardements continus. Falluja n’était qu’un des lieux choisis par hasard pour notre étude. Et c’est là que nous nous sommes trouvés face à d’innombrables morts civils abandonnés dans les rues. Là le nombre de victimes était supérieur à celui que nous avions relevé dans toutes les autres localités pré choisies. En fait Falluja a rendu plus difficile l’analyse du pourcentage total de la mortalité relevée en Irak après l’invasion américaine.
Pourquoi ?
Parce que, avant l’invasion Us, le pourcentage du taux de mortalité en Irak était proche de 5,0 pour mille. Après l’invasion il est monté à 7,9 pour mille. Si on inclut les morts civils à Falluja, le pourcentage double quasiment à 12 pour mille. Rien qu’à Falluja, 51 % des morts de civils ont été causées par les bombardements. La majorité est constituée de femmes et d’enfants. La partie la plus vulnérable de la société civile.
A la publication de votre rapport sur Lancet, le Pentagone a contesté les chiffres en les qualifiant d’ « impossibles ». Comment répondez-vous ?
La méthodologie que nous avons suivie pour le recueil des données et des résultats statistiques est une méthodologie scientifique et standard, appliquée pour vérifier l’estimation des morts de civils consécutives aux conflits. Pas seulement en Irak ; au Darfour, au Soudan et au Congo, aussi.
Comment se fait-il que ni la Croix-Rouge Internationale ni l’Organisation Mondiale de la Santé n’aient dénoncé ce massacre ?
C’est une question que nous nous sommes nous même posés. C’est un problème qui concerne les consciences du monde occidental.
Le rapport invoque-t-il des responsabilités politiques à qui imputer ces crimes de guerre ?
Notre intention n’était pas d’attribuer des responsabilités pour ce nouveau Hiroshima. C’est un devoir qui dépasse notre rôle.
Edition de mercredi 15 décembre de il manifesto
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