15/05/03 16.33 t.u. Harb al-Amin

…Ces monarchistes qui manifestent à Bagdad…

Une centaine d’Irakiens ont manifesté, hier, à Bagdad pour réclamer le rétablissement de la monarchie, 45 ans après son abolition par la révolution ba’athiste arabe socialiste.

" La monarchie constitutionnelle sous la direction de l’émir Ali est l’espoir de l’Irak ", pouvait-on lire sur une banderole brandie par les manifestants qui se sont rassemblés devant l’hôtel Palestine où logent la plupart des journalistes étrangers, rapporte L’Orient-Le Jour (14 mai 03).

La monarchie a été renversée en 1958. Pas gêné aux entournures Al-Charif Ali Bin-Hussein, qui dirige le Mouvement monarchiste constitutionnel (CMM), se présente comme l’héritier légitime du trône.

Son porte-parole à Bagdad, Fayçal Karagholi, a affirmé, mardi, à la presse qu’al-Charif Ali, qui vit en exil à Londres, envisageait de regagner l’Irak " dans quelques jours ".

Tout ceci relèverait du café du commerce. À cela près qu’on rappellera que l’option monarchiste est une carte de réserve importante pour l’occupant américano-britannique qui, en cas de défection, ou, plus probablement, de rejet du fantomatique “candidat” du CCM par la population irakienne, se réserve le droit de faire jouer d’autres options

Comme le Hassan de (si peu) Jordanie qui, lui aussi, se positionne pour l'après-Saddam.

En effet, l’héritier ô combien raté de la couronne jordanienne et oncle de l'actuel roi Abdallâh II qu’il s’était vu préférer, au finish, par son frère Hussein, Hassan se place pour (re)jouer son va-tout en Irak.

Affirmant, le cœur sur la main, ne pas vouloir du titre de roi d'Irak, le sémillant Hassan, nous sort de son chapeau la carte du chérifat (elle aussi revendiqué par le fumeux Ali), qu’il revendique en tant que petit-fils du chérif Hussein et descendant [contesté par de nombreuses sources, Ndlr] du prophète de l’Islam, Mahomet.

Tout cela n’empêchant pas, le bel Hassan, l’œil humide et charbonneux, de nous assurer être prêt à " se sacrifier dans l'intérêt des peuples arabes ".

Simple question que dit ce tout cela l’actuel roi de Jordanie, Abdallâh II, qui pourrait, prenant ombrage des ambitions de son oncle, comme le fit son père (le roi Hussein) ajouter à sa titulature le titre de Chérif de La Mecque, et de revendiquer, alors, la vassalité de l’Irak ?…

C’est (en partie) pour calmer d’aussi inopportuns états d’âme, et une éventuelle double candidature hachémite, que Washington vient d’accorder à la pusillanime monarchie 700 millions de dollars, officiellement, pour compenser l’impact de la guerre…

Le chef de la diplomatie américaine, le général (CR) Colin L. Powell, a, en effet, signé mardi une aide économique supplémentaire à la Jordanie de 700 millions de dollars.

" Le but de cette aide supplémentaire est d’aider l’économie jordanienne qui a souffert de l’impact du conflit en Irak ", indiquait en toutes lettres le communiqué officiel distribué à la presse avant la cérémonie.

Le “message” aurait apparemment été reçu, du moins pour l’instant. Le ministre hachémite du Plan, Bassem Awadallah, qui a cosigné le document, a affirmé que la Jordanie est " fière et reconnaissante... de sa relation spéciale avec les Etats-Unis " et a fait l’éloge de la récente proposition du Président George W. Bush de créer une zone de libre-échange entre les États-Unis et les pays du Proche et du Moyen-Orient dans les dix ans. " C’est le genre de développement auquel nous aspirons " a carrément dit Awadallah.

A 700 millions de billets verts sur la table, pouvait-il dire autre chose ?

Comme il fallait s’y attendre, les appétits jordaniens ne sont guère du goût de tout le monde.

À commencer par le Congrès national irakien (CNI) d’Ahmed Chalabi, qui flaire là un mauvais coup.

Et, histoire de savonner la planche à la concurrence venue d’Amman, d’accuser, dès mardi, la Jordanie d’avoir acheminé 450 millions de dollars aux SR de Saddam Hussein avant le début de la guerre.

Zaab Sethna, conseiller du Chalabi, indiquant que les fonds incriminés " auraient été transférés par le biais de la Jordan National Bank, banque appartenant à la famille du chef de la diplomatie jordanienne Marwan Moasher ".

Évidemment, tout cela fait mauvais genre, voire cousu de fil blanc. Mais est-ce pour autant à rejeter en bloc ?

Or, à en croire nos confrères de Newsweek, dans leur édition du 4 mai 2003, Ahmed Chalabi – qui dispose de quelques troupes, maigres, mais malgré tout arabophones et irakiennes, donc plus à même de connaître le terrain – aurait pris possession de quelque 25 tonnes de documents de la police secrète du régime de Saddam Hussein, dont certains incriminerait la famille royale de Jordanie.

Une belle ambiance en perspective, non ?…