23/09/02 16.22 t.u. Philippe Randa

Comme, me semble-t-il, quelques millions de Français, je n'ai guère de sympathie pour Maurice Papon. Non parce qu'il est accusé et a été condamné pour sa participation dans la déportation de juifs durant la guerre, non parce qu'il fut après celle-ci secrétaire d'État à l'Intérieur, puis Préfet de police et encore moins parce qu'il fut membre du parti gaulliste.
Non, il ne m'est pas sympathique parce qu'il fut tout simplement un Haut fonctionnaire qui servit, comme sa fonction l'exigeait, tous les gouvernements en place, quels qu'ils soientŠ et l'idée ne me viendrait pas non plus de le lui reprocher, puisque c'est la règle pour tous les Hauts fonctionnaires.
Maurice Papon a seulement eu moins de chance que bien d'autres de ses collègues de se trouver au mauvais endroit au mauvais momentŠ et à devoir prendre de routinières décisions de Haut fonctionnaire, non pas qu'il avait un avis personnel sur la question, mais parce que sa fonction l'obligeait à en prendre. Que ses décisions puissent avoir de dramatiques conséquences ne dut sans doute l'interpeller que bien plus tard, lorsqu'on s'avisa de lui demander des comptes politiques.
Et qu'un haut fonctionnaire ait un jour à rendre des comptes politiques n'étant malencontreusement pas inscrit dans le cursus universitaire débouchant sur cette profession, permet de comprendre pourquoi ce si arrogant vieillard peut se montrer aussi virulent et aussi sincère dans sa défense.
Qu'il soit intimement convaincu de son innocence ne me semble vraiment pas, pour ma part, si invraisemblable que cela. Ce n'est pas à son âge qu'il peut changer de convictions, d'autant que c'est sans doute les seules qu'ils possèdent.
Maurice Papon n'a pas davantage réfléchi aux conséquences de ses actes de secrétaire général de la Préfecture de Gironde entre 1942 et 1944, qu'il n'a réfléchi beaucoup plus à celles qu'il dû prendre ensuite au cours de la poursuite de sa carrière de Haut fonctionnaire.
Cet homme-là ne m'est donc pas sympathique, mais je n'ai pas non plus de haine à son encontre. De l'indifférence sans doute, mais la même indifférence dans laquelle je tiens en général tous les fonctionnaires d'un État, qu'ils soient arrivés aux postes les plus élevés ou qu'ils piétinent aux plus humbles et même s'ils ne sont pas tous accusés de crimes terribles.
Je n'ai pas davantage de sympathie pour un Klaus Barbie ou un Paul Touvier, mais leurs parcours, leurs motivations, l'iniquité de leurs procès ­ où, comme Maurice Papon, ils étaient condamnés avant même l'ouverture des débats et quels que puissent avoir été ceux-ci ­ et le fait qu'eux, mourrèrent en prison parce qu'ils n'étaient plus protégés par personne, les rend seulement plus humains.
Klaus Barbie était membre de l'Ordre SS et à ce titre, prêt à se sacrifier pour un idéal. Paul Touvier, lui, était un catholique des plus radicaux et, comme Barbie, un ennemi intransigeant du communisme. Quoi qu'ils aient pu faire, quoi qu'ils aient pu penser et dire, eux savaient ce qu'ils faisaient et pourquoi ils le faisaient. Ils avaient également compris que leur camp avait perdu la guerre. Ce n'était donc pas la faute à pas de chance qui les faisait mourir en prison, mais simplement l'application du vieil adage Vae victis.
Alors que ce n'est pas la soif de prouver son innocence qui motive Maurice Papon, mais simplement l'incompréhension de ce qu'il appréhende comme un simple "bug" administratif.

Philippe Randa

Philippe Randa
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