30/12/02 7.15 t.u. Philippe Randa

L'année 2002 finit sur un événement d'importance : vraie ou fausse, l'annonce par les Raéliens de la première naissance par clonage chamboule les médias. Il y a certes de quoi ! Mais on se demande tout de même pourquoi la stupidité des uns le disputent tant à l'hypocrisie des autres.

Les condamnations sont quasi-unanimes. On se croirait dans un entre-deux tours d'élection présidentielle française. D'une même voix (du moins, des voix qu'on laisse s'exprimer), on dénonce l'horreur de la chose à l'aide d'un bataillon d'épithètes des plus apocalyptiques : "pratique criminelle", "brouillage générationnel", "on se prend pour le diable", "gnose moderne", "tumeur qui prolifère", "crime contre la dignité de la personne humaine", "cocktail dangereux", "pratique inspirée de croyances occultes", "chercheurs dévoyés", "délire", etc., on en passe et des "bien plus pire", savez-vous, braves gens !

Le fonds de commerce des religions

Certes, on comprend que les instances religieuses soient au premier rang des inquisiteurs ; finalement, c'est à leur fonds de commerce qu'on s'attaque. Au cours des siècles, la science leur a pratiquement pris tout ce qui leur permettait de garder sous leur coupe le plus grand nombre de leurs ouailles. Donner la vie restait encore le monopole exclusif du Créateur, quelle que soit son étiquette.

Et un monopole, cela se défend becs et ongles ! Rappelons-nous Prométhée qui vola le feu aux Dieux pour le donner aux hommes : Zeus le fit enchaîner à un rocher et chaque jour, un aigle venait dévorer son foie qui se recomposait durant la nuit. Mais le feu est resté aux hommes !

On peut penser ce qu'on veut des Raéliens, mais on ne leur déniera pas quelque témérité

Buts douteux, dit-on

Au-delà des instances religieuses, l'unanimité avec laquelle on condamne le clonage humain est particulièrement suspecte. On ne saurait pas, dit-on, comment pourraient être utilisé les résultats de telles recherches. Mais Brigitte Boisselier, la chimiste d'origine française, membre de la secte des raéliens et présidente de Clonaid(1) est-elle si différente - "moralement" - de son compatriote Louis Pasteur ? S'est-on en effet interrogé de la même façon sur l'utilisation qui serait faite des vaccins découverts pour lutter contre les maladies ? On oublie que si on peut trouver une parade à un virus, on peut de la même manière, à l'inverse, créer un nouveau virus à partir de cette parade.

Ce n'est donc pas le clonage humain en lui-même qui serait condamnable, mais l'usage qui peut en être fait. Seulement pourquoi n'envisager que les buts les plus douteux et occulter les buts thérapeutiques qui sont de "guérir certaines maladies graves en implantant dans l'organisme atteint des cellules souches saines, après les avoir amenées à se reproduire" ?

Au fait, quels sont ces fameux "buts douteux" que l'on prête si facilement aux chercheurs du clonage humain ?

Un but lucratif ? Certes, nombre des gens concernés doivent le poursuivre, mais à qui fera-t-on croire que tous ceux qui cherchent à guérir le sida ou le cancer - et ceux qui les financent - sont exempts de telles motivations ?

Un but d'eugénisme ? Certes l'amélioration de la race humaine est désormais un tabou politique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, un tabou relatif, puisque personne, à ma connaissance, ne s'est jamais offusqué des progrès de la science dans l'élimination des handicaps physiques comme "le bec-de-lièvre", "le dos bossu", le "pied-bot", etc. Si ce n'est pas de l'eugénisme, cela, c'est quoi alors ?

Eugénisme encore, ces cadres des deux sexes qui se font lifter pour garder, grâce à une apparence bien artificielle de jeunesse, leur emploi

Et eugénisme toujours, tous ces médicaments en vente libre et aux publicités agressives, pour favoriser l'intel-lect et la forme physique, lutter contre la perte des cheveux ou l'embonpoint

N'est-ce pas appliquer l'adage "une tête pleine dans un corps sain" ?

Et eugénisme encore tous ces médicaments pour aider à la croissance ou à une meilleure dentition de nos enfants

Arrêtons-là une énumération qui fait de chacun de nous, qu'on le veuille ou non, des adeptes de l'eugénisme à un degré ou à un autre.

Le fantasme des grands blonds aux yeux bleus

Ce qu'on craint, paraît-il, c'est que des parents, stériles ou non, décident de "programmer" en quelques sortes leur descendance : qu'ils soient plus intelligents, plus forts, plus sains qu'eux-mêmes (ou leurs voisins) ne le sont.

Et alors, quels parents ne rêvent pas que leurs enfants leur soient en tout points supérieurs ? La plupart s'y emploient d'ailleurs avec acharnement en inscrivant leur progéniture à de multiples associations sportives, en leur bottant les fesses - ou en leurs promettant monts et merveilles - pour qu'ils aient de meilleurs résultats scolaires. De telles pratiques, pour un but similaire, seraient meilleures parce que "traditionnelles" ? Moins dangereuses parce qu'expérimentées de longues dates ? Voire car elles ont probablement au cours des siècles connu leurs lots d'accidents mortels, de traumatismes durables et de haines familiales : autant, sans doute, mais pas forcément moins, que les problèmes que susciteront certainement quelques manipulations génétiques prénatales avant qu'elles ne soient au point. Rappelons tout de même que la pilule abortive, lorsqu'elle a été autorisée, a provoqué en son début un nombre assez conséquent de dégâts : obésité, stérilité, etc.

Mais ne jouons pas sur les mots et n'occultons pas le sens des mises en garde contre les manipulations génétiques : c'est avant tout pour éviter que d'abominables salauds d'humains puissent programmer une "race supérieure" - intellectuellement, mais aussi physiquement - comme Adolf Hitler l'eût souhaité : c'est-à-dire une humanité de grands blonds aux yeux bleus !

Ce fantasme si largement répandu parmi les sectateurs du politiquement correct actuel, est tout de même étonnant en son obsession de légitimer la définition de "race supérieure" comme forcément celle des "grands blonds aux bleus" qu'il faudrait empêcher par tous les moyens et de ne pas imaginer un instant que des humains - blancs, noirs, jaunes ou rouges - pourraient désirer avoir comme descendance des "petits bruns aux yeux noirs".

Les Raéliens sont-ils vraiment les premiers ?

Qu'on le craigne, qu'on le condamne ou qu'on l'espère, une évidence s'impose de toute manière : le clonage humain est désormais inévitable.

Si l'annonce des Raéliens se révèle exacte, ils auront seulement été les premiers à y parvenir. Du moins officiellement car rien ne prouve que dans les laboratoires de la CIA ou de l'ex-KGB, en Chine ou en Corée du sud, des succès en matière de clonage humain n'aient pas été gardé secret et ce, dans des buts plus ou moins comment dit-on, déjà ? ah oui : douteux !

Puisque maintenant la science permet les clonages humains, plutôt que de s'égosiller en vaines condamnations bien suspectes pour beaucoup d'entre elles, il serait plus utile de chercher comment maîtriser une telle découverte et éviter, effectivement, qu'elle ne soit utilisée n'importe comment par quelques aprentis-sorciers des temps modernes.

Note

(1) "C'est en 1997 que la secte raélienne annonce sur Internet la création de "la première société de clonage humain" aux Bahamas, peu de temps après celui de la brebis Dolly en Grande-Bretagne. "Clonaid" propose ainsi ses services "aux parents stériles et aux couples homosexuels" grâce à la collaboration de scientifiques, notamment du docteur Richard Seed et de la chimiste française Brigitte Boisselier. Celle-ci a le titre d'évêque dans cette organisation. Mêlant médecine et science-fiction, "Raël" prône "l'amélioration de la race humaine" et suggère la sélection de "gènes de l'intelligence". Le clonage d'un bébé se négocie autour de 200 000 euros." (Françoise Lemoine et Alice Sedar Le Figaro, 28 décembre 2002)

Philippe Randa
Directeur du site www.dualpha.com
dualpha.com [la revue - la librairie]
http://www.dualpha.com
BP 58
77522 Coulommiers cedex
Mél. : [email protected]
Tél./Fax : +33-1-(0)1 64 65 50 23