Irak : une guerre du pétrole !
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13/02/03 |
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9.38 t.u. |
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Nidal Hamade |
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La guerre contre l'Irak est effectivement une guerre du pétrole... mais pas pour les raisons que l'on croit : je vous expose les preuves accumulées...
Quelle que soit la suite des événements au Moyen-Orient, l'augmentation de la production pétrolière irakienne semble presque inévitable. La seule question est de savoir comment elle se produira.
Si Saddam choisit de perdre avec "bonne grâce", en laissant les champs de pétrole intacts -- ou s'il manque simplement de temps pour les détruire -- les capacités existantes seront développées, et de nouvelles réserves seront localisées et exploitées sans trop de tracas.
Sinon, les Etats-Unis et leurs alliés seront confrontés à la triste perspective de devoir remettre en état toute l'infrastructure pétrolière irakienne.
Si l'Irak choisit de détruire ses équipements à des fins préventives -- ou même si l'Irak devient un état "libre" tout court -- certaines personnes vont encourir des pertes immenses. Voilà les gens pour qui la guerre concerne VRAIMENT le pétrole.
Selon les termes de la résolution 986, l'Irak est autorisé à exporter du pétrole et à utiliser les recettes de ces ventes pour acheter de la nourriture et financer ses infrastructures essentielles, comme cela a été décidé par l'ONU. Afin de produire son pétrole, l'Irak a le droit de signer des contrats avec des entreprises étrangères pour obtenir les pièces et l'équipement nécessaires à son industrie pétrolière. Ces contrats doivent être approuvés par l'ONU.
Vous pouvez lire les contrats en ligne sur le site internet des Nations Unies. Le site révèle que la France, la Russie et la Chine ont respectivement 798, 862 et 227 contrats plus ou moins avancés avec l'Irak, bien que tous n'aient pas encore été approuvés ou exécutés. Pour les entreprises américaines, le nombre de contrats avec l'industrie pétrolière irakienne se monte à la somme astronomique de... un seul. Le Royaume-Uni en a huit, dont deux ont été annulés, et six approuvés.
Si l'on tient compte de la valeur du dollar, les choses se précisent. Depuis avril 1995, plus de 3,3 milliards de barils de pétrole irakien, estimés à 62 milliards de dollars, ont été exportés sous la supervision de l'ONU. Depuis 1996, environ 3,6 milliards de dollars de cette somme ont été utilisés pour acheter des pièces détachées pour l'industrie pétrolière irakienne, un processus dans lequel l'ONU agit comme un courtier entre le gouvernement irakien et les entreprises étrangères. L'ONU estime que l'équivalent de 10,8 milliards de dollars de contrats pétroliers supplémentaires restent à pourvoir, ou sont encore dans le pipeline...
Selon un article par Thomas W. Murphy publié sur www.usrainreview.com, "la Russie se classe première parmi les pays faisant des affaires avec l'Irak grâce au programme 'pétrole contre nourriture', avec des ventes dépassant les 4 milliards de dollars". En ce qui concerne la France, M. Murphy déclare qu'elle a vendu l'équivalent de 1,5 milliards de dollars de marchandises à l'Irak l'année dernière, plus qu'aucun autre pays sur l'année.
Les "ventes", en passant, sont payées par lettres de crédit émises par l'Irak. Ces lettres de crédit sont retirées de fonds détenus sur un compte bloqué, établi par les Nations Unies -- des fonds obtenus à l'origine par les ventes de pétrole irakien. En d'autres termes, les profits faits par les entreprises françaises et russes en Irak proviennent de l'argent du pétrole irakien.
Enfin, les contrats français et russes potentiels en Irak -- du moins sous le régime de Saddam Hussein -- sont vertigineux. Un rapport produit par le département américain de l'Energie expose tout cela en détails. La Russie a beaucoup à perdre dans un Irak libre. Le rapport déclare que "la Russie, à qui l'Irak doit plusieurs milliards de dollars pour des ventes d'armes conclues par le passé, s'intéresse de près à l'exploitation du pétrole irakien, et en particulier à un accord de 3,5 milliards de dollars s'étendant sur 23 ans et visant à réhabiliter les champs de pétrole irakiens, en particulier le champ de Qurna Ouest, qui vaut entre 11 et 15 milliards de barils (à l'ouest de Bassora, près du champ de Rumaila)".
Ensuite viennent les Français, qui ont beaucoup à perdre eux aussi. Selon le rapport : "le plus grand champ de pétrole irakien sur la liste des nouveaux développements post-sanctions est Majnoun, avec des réserves de 12 à 20 milliards de barils de pétrole API, et situé à 50 km environ au nord de Bassora, sur la frontière iranienne". TotalFinaElf aurait signé un accord avec l'Irak sur les droits de Majnoun.
Et vous pouvez ajouter les Chinois et les Allemands pour faire bonne mesure. Des dizaines de pays, en fait. La ruée vers l'or noir dure depuis 12 ans, sous le contrôle sévère des Nations Unies. Une étude de la Deutsche Bank estime que les compagnies pétrolières internationales ont signé pour l'équivalent de 50 milliards de dollars d'accords avec l'Irak. Les accords couvrent l'exploitation de 50 milliards de barils de réserves, selon les estimations, et quatre millions de barils/jours de production potentielle.
Seuls deux pays principaux ne semblent pas participer à la fête... et comme par hasard, ce sont ceux qui font monter la pression pour un changement de régime. A la vérité, nous n'avons pas la moindre idée de ce qui va se passer dans les semaines qui viennent. Mais avec un minimum de logique, il n'est pas difficile de deviner que dans tous les scénarios ou presque, la production pétrolière irakienne ne peut qu'augmenter. Elle augmentera dans de brefs délais, si Saddam Hussein se retire sans faire de problèmes. Ou plus tard, si ce n'est pas le cas.
Quel que soit le scénario -- la restauration des équipements détruits ou l'augmentation de la production des champs existants et le développement des résersves irakiennes en sommeil -- les prestataires de services pétroliers ont de quoi faire des affaires : des affaires se chiffrant en milliards de dollar.
Nidal Hamade
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