24/03/03 15.23 t.u. Philippe Randa

Informations, contre-informations, bonbons, caramels, coca-cola… deeeemandez le program’ !

Les Américains l’a veulent courte, les Irakiens la souhaitent longue : ces gens-là ne sont décidément pas fait pour s’entendre. Quant aux médias télévisés, ils la commentent "en direct" pour capter (et garder) l’attention de leurs auditeurs. Ce qui donne lieu à de grandes annonces tapageuses, suivies immanqua-blement par des démentis qu’on tente de noyer entre deux autres annonces plus tapageuses encore que les précédentes.

Les exemples foisonnent : dès les premières frappes aériennes, la riposte de la DCA irakienne aurait été faible. C’était donc du gâteau, la guerre allait bien être rapide. Deux jours plus tard, patatras, les avions anglais doivent intervenir pour détruire la DCA ennemie à Bagdad. Ce qui est fait. Totalement. Les bombardements peuvent alors reprendre. Ce qui est le cas… mais sous le feu de la DCA irakienne qui semble à la fois ne pas avoir été "totalement" détruite et ne pas être aussi "faible" qu’annoncée.

Tout cela n’est que détail au moment où l’armée régulière irakienne est en pleine débandade : la preuve, on ne la voit nulle part… à l’exception d’une compagnie entière qui se rend sans combattre, soit près, dit-on, de 20 000 hommes. D’abord, on apprend que les soldats ont hissés le drapeau blanc après avoir éliminé leurs officiers qui, têtus, comptaient bien se châtaigner avec leur ennemi… Puis, on nous affirme que ce sont en fait les officiers qui se sont rendus les premiers, suivis de leurs bidasses.

Quoiqu’il en soit, officiers, simples soldats ou les deux à la queue leu-leu, ce n’est pas rien, on l’admettra… sinon que dimanche 23 mars, les prisonniers aux mains des Américains s’élèveraient à… à peine un millier !… et que ce lundi, on parle davantage des quelques américains tombés aux mains des Irakiens que du contraire.

Quant au soulèvement du peuple irakien opprimé, on nous en a fourni la preuve : ne nous a-t-on pas montré un enturbanné, en pleine crise de fou rire pendant qu’on le filmait, taper à grands coups de poing contre un portrait géant du Raïs qu’un Marine’s déchirait… à moitié seulement, le portrait étant très grand et l’Américain un peu trop petit ! Enfin, c’est l’intention qui compte, n’est-ce pas ?

Quoi encore ?

Ah, oui, l’odieux Saddam a fait mettre le feu aux puits de pétrole irakien, contrairement à ce qu’il affirmait qu’il ne ferait jamais avant le déclenchement du conflit.

Dimanche 23 mars, c’était rien moins que neuf puits de pétrole qui flambaient !

"Faux", rétorquent les Irakiens qui ont bien mis le feu, mais seulement à des tranchées remplies de pétrole afin de retarder l’avance des troupes ennemies.

De toute façon, un journaliste ne pourra s’empêcher de préciser, non pas s’il s’agit bel et bien de puits de pétrole ou de simples tranchées, mais qu’il y en aurait 9 sur… 500 puits ! De ce côté-là, l’apocalypse annoncée est au prochaine épisode, si vous l’voulez bien !

Où est-il ? Que veut-il ?

Et Saddam ? A-t-il été blessé dans le premier attentat ?

D’après nos journalistes toujours bien informés, il aurait été un des rares, pour ne pas dire le seul blessé du premier bombardement US. Question frappe chirurgicale, les Américains se seraient en l’occurrence surpassés en adresse… et les journalistes à nous prendre pour des imbéciles !

Est-il en fuite ? Mais pour aller où ? Quel pays défierait ainsi l’Oncle Sam en accueillant un tel hôte ? À moins que notre Jacques Chirac national, une fois de plus, hein, allez savoir ? Un tel homme ne peut que surprendre, il l’a prouvé !

Dernière inconnue : le "tyran de Bagdad" s’apprête-t-il à utiliser les fameuses armes chimiques qu’on l’accuse de détenir sans en avoir, jusqu’à présent, jamais repéré une seule ?

On nous rabat les oreilles avec cette menace, c’est même le motif invoqué du déclenchement de cette guerre, mais un responsable américain a toute de même fait remarquer que les soldats de la (petite) coalition derrière les États-Unis sont tous munis d’équipements pour se protéger de telles attaques, contrairement à la population irakienne. Si le Raïs détenait et comptait utiliser de telles armes pour se défendre, c’est son peuple qui en seraient la première victime.

Et si, finalement…

À vouloir présenter une guerre comme un show-télévisé, les journalistes perdent le peu de respect qu’ils peuvent encore avoir. Qu’ils ne s’étonnent plus ensuite de découvrir à la faveur de quelques sondages d’opinions, qu’une majorité de gens les prennent pour des charlots.

Il fut un temps où les médias faisaient la pluie et le beau temps dans l’opinion, mais à force de raconter n’importe quoi, ce temps est peut-être en passe d’être révolu. Comme un jour d’élection, les gens finiront par aller à la pêche plutôt que de se préoccuper de la marche du monde.

Et si, finalement, c’était là le but recherché ? Ne serait-ce pas la plus grave menace qui pèse au-dessus du monde ?

Philippe Randa
Directeur du site www.Dualpha.com
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