La chute de la maison Mégret
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20/09/02 |
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11.38 t.u. |
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Roland Gaucher |
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La lecture, cette fois, concerne plutôt, au départ, la presse dite politiquement correcte : à savoir des titres comme Le Monde, Libération, ou Le Figaro. Tous trois se retrouvent d’accord que le MNR de Mégret a pris une sacrée claque, que très vraisemblablement il est au bout du rouleau, avec des gens qui démissionnent de partout, des scores minables, difficultés financières, etc. Et la prochaine élection de Vitrolles, où le couple Mégret devra faire face à un candidat du Front qui risque de lui enlever pas mal de voix, ne s’annonce vraiment pas très bien.
Exemple : titre dans Le Monde(1) : Démissions en chaîne au MNR. Dont celle du secrétaire général du MNR, Frank Timmermans.
Ici, il convient de se reporter aux extraits d’un reportage d’André Chelain, consacré au Congrès de Marignane qui lance le MNR (23 & 24 janvier 1999). Reportage remarquable qui restitue le climat enthousiaste, exubérant de ce congrès(2).
C’est parti, mon kiki ! Le Pen, c’est foutu ! Mégert, c’est le renouveau, l’avenir, le triomphe assuré.
Puisque nous avons cité le nom de Timmermans, sachez que lorsqu’il prend la parole " …l’atmosphère se charge d’électricité. Le ton est donné d’emblée. On ne fait plus dans la dentelle. L’attaque est directe contre le Chef omniprésent dans ce lieu dont il est physiquement absent… "
Suivent une série d’invectives contre Le Pen, qui suscitent les huées.
" Emporté par son élan, Frank Timmermans a dépassé de dix minutes son temps de parole. Visiblement, la base ne s’en plaint pas. Elle est debout et applaudit à tout rompre un homme qui a dit tout haut ce qu’ils pensent tout bas : “Jean-Marie, tu déconnes”. "
Chelain poursuit :
" Toutes les pointures sont sur la scène : Louis Alaux, Jean-Claude Bardet, Damien Bariller, Yvan Blot, Denis de Bouteiller, Pascal Delmas, Gérard Freulet, Jean-François Galvaire, Jacques Le Gallou (délégué général), Serge Martinez (secrétaire général), Martin Peltier, Daniel Simompieri, Pierre Vial (particulièrement ovationné) ".
Soulignons que plusieurs d’entre eux, dont le principal est Pierre Vial, ont pris leurs distances avec le MNR.
Mégret ! Mégret ! Mégret !
Le somment est atteint avec Mégret, lorsqu’il traverse, sous les ovations délirantes, la salle pour monter sur la tribune. En la circonstance, Chelain émet une réserve très perspicace :
" Observer Mégret sur scène est un exercice qui n’est pas sans cruauté. Car l’image de Le Pen est là, obsédante. C’est lui, ce fantôme omniprésent qui lui fait de l’ombre. On ne peut pas tuer le père sans que son âme rode le temps du deuil. Mais Bruno Mégret est brave. Il affronte cet adversaire invisible, plus dangereux pour lui que cette foule qui lui est acquise. Mais s’il sait trouver les morts pour rassurer ses compagnons et pour entraîner leur adhésion, il lui manque encore les gestes qu’il faut pour dissiper le souvenir encombrant du vieux chef ".
Ces gestes, Bruno Mégret ne les a pas trouvés. Il reste que si les deux hommes étaient restés uni à la tête du Front, ils auraient pu former un tandem remarquable.
On pourrait en effet comparer Jean-Marie Le Pen à un boxeur poids lourd, doté d’un punch médiatique exceptionnel, qui fait totalement défaut à Bruno Mégret. Mais celui-ci aurait pu être un manager excellent. De même, Jean-Marie est un grand acteur et Bruno, par ses conseils, aurait pu devenir son metteur-en-scène.
Ce fut raté. Disons qu’un Front Nationale resté uni aurait, au premier tour des présidentielles, franchi sans peine la barre des 20 %, et serait aujourd’hui le premier parti de France.
Hélas ! Ce n’est pas la première fois que ce qu’on appelle l’extrême-droite, barbotant dans ses passions forcenées, manque ses rendez-vous avec l’Histoire.
Notes
(1) 15 septembre 2002.
(2) Des extraits de ce reportage ont paru dans le numéro de Dualpha La crise du Front National - Hors-série, n°1, mai 1999.
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