La marine de guerre israelienne, taïkonautes et muslims : la volonté de rester libres
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24/10/03 |
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8.05 t.u. |
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François Ryssen |
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On a déjà dit que le 17 septembre était une très grande date de l’histoire de France. Le 17 octobre n’est pas mal non plus. Ça date un peu maintenant, mais ce fut une journée mémorable :
" Le combat commence et les gens du Nord s’arrêtent en un clin d’œil, semblables à une muraille, immobiles et serrés l’un contre l’autre. Puissants par la masse de leur corps, par la hauteur de leur taille et par la vigueur du cœur, les Austrasiens frappent du fer la poitrine de leurs ennemis… " Ah la la… C’était le bon temps ; le temps où l’on pouvait se battre librement, sans craindre de s’exposer aux coups des lois et de finir sa vie dans une prison républicaine.
Il en a coulé de l’eau sous les ponts, depuis les Austrasiens jusqu’aux taïkonautes. Oui, c’est ainsi que les Chinois appellent leurs hommes de l’espace. Parce que figurez-vous qu’un petit Chinois vient de faire vingt-trois fois le tour de la terre en deux coups de cuiller à pot, avec un grand sourire au hublot de sa capsule. Il est content, il a réussi son pari. Bon, on ne sait pas trop ce qu’il est allé trafiquer là-haut. Peut-être que le porc sauce aigre-douce a le même goût en apesanteur ? Ce serait donc une grande victoire. On se demande simplement pourquoi chaque pays qui lance un hurluberlu dans l’espace se croit obligé de le baptiser d’un nom nouveau : " cosmonaute " américain, " astronaute " russe, " spationaute " français, et maintenant " taïkonaute ". Enfin, le principal est qu’il soit content et que les Chinois applaudissent. Le monde multipolaire est donc en train de prendre forme, ce qui n’est pas plus mal.
Ce 17 octobre, donc, le journal Libération lance un crachat glaireux à la face de Mahathir Mohamad, premier ministre de Malaisie qui ouvrait la veille le sommet de l’Organisation de la Conférence islamique. Sous le titre " l’abjection du jour ", le journal subventionné reproduit ces mots, en gros caractères, que l’horrible chef du gouvernement malais aurait osé prononcer, sans demander l’accord de l’Israël ou de l’ONU. Écoutez un peu ça :
" Aujourd’hui, les Juifs dirigent le monde par procuration. Ils obtiennent que les autres se battent et meurent pour eux. " Selon le journal subventionné, Mahathir Mohamad serait " coutumier des diatribes antisémites ".
Quelle abjection, n’est-ce pas ? Quelle outrecuidance ! Comment peut-on lancer de telles accusations en 2003, alors que les Juifs ont déjà subi tant et tant d’affronts, tant et tant de malheurs au cours de leur histoire. Ne les respectera-t-on jamais ? Pourquoi toutes ces persécutions, cet acharnement contre ce pauvre petit peuple qui ne demande qu’à vivre en paix parmi les nations ? La canicule de l’été dernier avait déjà provoqué un profond émoi, une réelle inquiétude dans la communauté, prise d’angoisse par cette soudaine élévation de la température, mais il faut croire que pour les ennemis des Juifs, ce n’était pas suffisant. D’ailleurs, on se demande ce qu’a bien voulu dire ce premier ministre.
Je crois savoir que les antisémites reprochent principalement aux Juifs de vouloir dissoudre les sentiments communautaires et les identités nationales en favorisant l’instauration planétaire de la démocratie multiraciale et de la société marchande par les idées de " tolérance ", de " droits de l’homme ", d’ " égalité ", etc. Le gouvernement mondial entre les mains d’un peuple resté ethniquement pur serait le but ultime à atteindre.
Cet antisémitisme est totalement délirant. Et pourtant, il est vrai que toutes les dernières guerres, de 1918 jusqu’aux bombardements de l’Irak en 2003, en passant par 1945 et 1991, ont effectivement contribué à asseoir la démocratie multiraciale et la société marchande. On ne sait si les Juifs sont réellement derrière tout cela. Le mieux serait de demander des explications aux antisémites. Ça aide, si l’on veut comprendre l’antisémitisme.
Non, je dis cela, parce que ce mardi 14 octobre, la chaîne Arte avait programmé toute la soirée sur " le nouvel antisémitisme ". On aura compris qu’il s’agit de l’antisémitisme maghrébin qui sévit de plus en plus en France. La part réservée à l’antisémitisme d’extrême-droite était effectivement minime, puisque pendant une toute petite minute seulement, on a pu entendre causer à son insu le courageux libraire de la rue Malebranche à Paris, piégé par une caméra cachée.
Ceci dit, les antisémites islamo-maghrébins ne se sont pas exprimés davantage. Non. La parole était donné à de prestigieux commentateurs, tels que Bernard-Henry Lévy, Dominique Strauss-Kahn, Patrick Klugman, Rony Brauman, Alain Finkielkraut, Daniel Cohn Bendit, William Goldnadel. On a pu voir et entendre aussi Nicolas Sarkosy et François Hollande, lors des journées France-Israël organisées récemment à la porte de Versailles.
Je ne vois aucun inconvénient à ce que l’on donne la parole aux Juifs dans une émission qui serait consacrée au judaïsme, parce que je pense que les Juifs sont les mieux placés pour nous expliquer les richesses et les beautés du judaïsme.
Mais si je veux comprendre l’Islam radical, par exemple, je crois que le mieux est d’aller écouter un islamiste. Et si je veux comprendre le révisionnisme, le mieux est de chercher à se procurer des livres écrits par des historiens révisionnistes. Au lieu de cela, il nous faut constater que ce sont presque exclusivement les Juifs qui s’expriment, que l’émission soit consacrée à l’islam, au révisionnisme, au judaïsme ou à l’antisémitisme. Enfin, comme ce sont des gens cultivés et honnêtes, on gage qu’ils respectent tout de même une certaine neutralité.
Le même numéro de Libération relate les crispations entre SOS Racisme et le Forum Social Européen qui organise le rendez-vous alter-mondialiste à Saint-Denis, du 12 au 15 novembre (" Se faire baiser, mais autrement ").
Le différend va grandissant entre le FSE et SOS. L’association antiraciste a en effet proposé au forum l’organisation d’un séminaire sur l’antisémitisme intitulé " Pourquoi la haine du Juif perdure-t-elle ? ". C’était bien évidemment inacceptable pour Pierre Khalfa (et pour cause), l’un des organisateur du FSE : " Nous avons proposé de changer le titre, parce qu’il pouvait laisser entendre qu’il y a des raisons à l’antisémitisme ". Les dirigeants de SOS Racisme n’ont pas été convaincus à l’heure qu’il est, et il y a donc toujours de l’eau dans le gaz au FSE, c’est le moins que l’on puisse dire. Nous notons simplement que pour Pierre Khalfa, l’antisémitisme égyptien, perse, babylonien, chrétien, musulman, argentin, américain, européen, japonais, etc. relève de la pure paranoïa. Tous des tarés, sauf les Juifs, en quelque sorte. Cette conception est peut-être un peu outrancière, voire franchement insolente, selon l’angle où l’on se place pour considérer la chose.
Dans le même registre, on apprend la mort de Benny Lévy. Ce philosophe, qui fut le secrétaire de Jean-Baptiste Sartre avait été auparavant l’un des fondateurs de la Gauche prolétarienne, un groupuscule maoïste qui défraya la chronique au lendemain de mai 1968. Il en était le " roi secret ", comme le dit si bien Bernard-Henri Lévy (Le Monde du 17 octobre 2003) qui reconnaît au passage que certaines institutions sont dirigées en sous-main par des hommes de l’ombre. Toujours est-il qu’à la fin de la décennie 70, Pierre Victor (c’est le pseudo de Benny Lévy) se met à lire l’œuvre de Levinas, à apprendre l’hébreu, et " commence à comprendre que l’engagement, tel qu’il l’avait pratiqué jusqu’alors, était une impasse ". Pierre Victor redevient alors le petit Benny Lévy qu’il a toujours été, et va fonder avec Bernard-Henry Machin et Alain Finkielkraut l’Institut d’études lévinassiennes à Jérusalem. Allant de Marx au Sinaï, " il a fini par voir dans le retour aux sources juives la vraie forme de la révolution ". Conservateur pour lui-même, mais révolutionnaire pour les autres, si l’on comprend bien.
Devinette : la marine israélienne lance un sous-marin nouvelle génération. Comment le navire est-il baptisé ? (Vous allez voir, c’est magique : vous allez tomber sur un adjectif de sept lettres.)
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