La poire entre les deux
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11/08/03 |
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9.00 t.u. |
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Philippe Randa |
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Décidément, il y a des gens pour qui tout va toujours bien. Ce sont les membres du gouvernement, tant qu’il n’y a pas d’élections. En cet été 2003, la plupart sont en vacances. Ceux qui gardent la boutique communiquent. Ils annoncent pleins de bonnes choses en perspectives. Le contribuable peut bronzer en paix.
Certes, tout va bien pour les Français, mais un peu moins pour certains que pour d’autres. Les commerçants des zones de vacances, par exemple. Eux font leur beurre en trois-quatre mois. Une saison, quoi ! Il ne s’agit pas de la rater. À les entendre, c’est la cata’ ! La faute aux intermittents du spectacle et au célèbre numéro dans lequel la plupart d’entre eux excellent : la grève… La faute aussi aux terribles incendies qui ont ravagé l’Île de Beauté, puis la côte sud de notre hexagone ; la côte atlantique, elle, avait déjà été ravagée les mois passés par les nappes de mazout.
Fourchette en sus !
Aussi, le touriste est-il pour le moins perturbé – on le serait à moins – et s’il se fait rare sur les lieux de villégiatures où on l’attendait, il est toujours aussi nombreux sur les routes des vacances, car aujourd’hui, on doit partir coûte que coûte. Ce n’est même plus une question de réputation, mais d’obsession : qui ne part pas en vacances passe pour un marginal à suivre médicalement.
Partis, mais pas toujours arrivés, le touriste qui arrive quand même pose toutefois un autre problème, celui de sa consommation pour le moins frileuse. À entendre les différents commerçants saisonniers, ça coince dur côté porte-monnaie.
— Souvent, les gens commandent un seul repas pour deux… Quand ce n’est pas pour trois ! On va finir par leur faire payer les couverts, se lamente un restaurateur.
Ce dernier peut toujours proposer au Ministère des finances de régler ses charges et impôts avec un de ses confrères et pourquoi pas avec deux ! Ce ne serait qu’un juste équilibre, mais il n’est pas certain que les fonctionnaires de Bercy apprécient une telle façon d’acquitter le racket fiscal.
D’autant que le Premier Ministre n’en finit pas de répéter son leitmotiv préféré : les impôts vont baisser.
Hé bien, c’est une bonne nouvelle, je serais le dernier à m’en plaindre. Mais tout de même, j’ai un doute.
Dépôts de bilans politiquement incorrects
Depuis le début de cette année 2003, qu’est-ce qui peut bien permettre au gouvernement de se montrer si généreuse envers ses contribuables ? Il y a tout d’abord eu l’imminence de la guerre en Irak, puis le déclenchement de celle-ci… et quand elle a pris (théoriquement) fin, il y a eu les manifestations et les grèves à répétition concernant la réforme des retraites et celle de l’enseignement. Pas de quoi favoriser ne fut-ce qu’un simple redémarrage de notre économie.
Avec l’été, on allait voir ce qu’on allait voir. On a vu. Les parasites subventionnés ont flingué la plupart des spectacles et toute l’activité économique liée à ceux-ci. Combien de petites sociétés, de petits commerçants saisonniers jonchent-ils le revendicatif parcours des saltimbanques en mal d’assistanat sonnant et trébuchant ? Il est sans doute trop politiquement incorrect d’envisager de connaître un jour le chiffre réel des dépôts de bilans ces derniers mois et ceux qui vont encore survenir d’ici à la fin de l’année.
Bref, l’été, comme le printemps et l’hiver dernier, est bel et bien économiquement pourri. Mais Jean-Pierre Raffarin nous le répète : les impôts vont baisser. Les Français peuvent à nouveau commander deux repas pour deux. Fromage et dessert compris.
Même s’ils risquent bien de passer pour la poire entre les deux.
(4 août 2003)
Philippe Randa
Directeur du site dualpha.com
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