20/11/04 13.51 t.u. Erwann Ryssen

Nous n’étions qu’une petite dizaine de personnes dans la grande salle d’audience de la cour d’assises de Créteil, ce mardi 16 novembre 2004. Ni les anciens amis de l’accusé, ni les parties civiles, ni les journalistes n’étaient présents cette fois-ci pour le procès en appel. Le verdict a été rendu à l’issue de la troisième journée, à 17 heures 37 exactement : 15 ans. 15 années de prison pour Jean-Marc, qui avait commis l’irréparable durant cette nuit du 3 juin 2000.

La rupture avec son ex-petite amie s’était mal, vraiment très mal, déroulée,depuis que celle-ci avait compris que son amant était "antisémite".

Pour se venger, Elisabeth - la maîtresse - avait alors appelé sur son lieu de travail pour le dénoncer et tenter de lui faire perdre son emploi. C’est cela qui allait le déstabiliser. Titulaire d’un DESS de droit immobilier et d’un DEA de fiscalité, il avait un assez bel avenir professionnel devant lui s'il n'était pas entâché dès le départ...

C’est en revenant de boîte de nuit, en compagnie de sa nouvelle compagne, Katarina Viscorova, qu’il va se laisser entraîner à commettre une énorme bêtise. Dans ce quartier chic du XVe arrondissement, quai Branly, ils s’arrêtent un instant pour jeter des cailloux dans les fenêtres d’Elisabeth ; en vain. « On rigolait bien ; on était encore soûls ». La fête vengeresse continue : on s’arrête à la station service d’à côté pour prendre un peu d’essence et aller brûler le tapis du hall d’entrée.

Mais à 5 heures 30 du matin c’est tout le hall, dont les murs sont tapissés de toile, qui s’enflamme dangereusement, causant le décès d’une jeune locataire du rez-de-chaussée.

Il est arrivé la même mésaventure à un certain Lucien M’Baidem. Ce musicien de 35 ans, membre du groupe de rap Nique Ta Mère, a été condamné au mois de septembre pour les mêmes faits. Il avait allumé un incendie dans un immeuble parisien pour se venger d’un producteur, provoquant sans le vouloir la mort d’un jeune couple. Seulement lui, a écopé de huit ans de prison, au lieu que Jean-Marc, déjà condamné à 15 ans en septembre 2002, vient de voir sa peine confirmée en appel. Il vaut donc mieux être rappeur dans la France de Chirac et de Sarkozih.

Et pourtant, Jean-Marc a échappé à pire : l’avocat général, Jean-Pierre Sabatier, avait en effet demandé 20 ans dans son réquisitoire. Son visage nordique de marin breton était trompeur, et nous n’avons pu que constater sa hargne tout au long du procès, et sa mauvaise foi au moment du témoignage accusateur d’un certain Dominique Wieczorek, capitaine de police à la brigade criminelle de Paris. Ce dernier a ainsi pu exposer une version des faits tellement extravagante et accablante pour l’accusé que personne ne l’a reprise au cours des deux jours d’audience qui ont suivi. L’homme est d’une intelligence visiblement limitée, et sa haine était trop évidente. Ses mensonges, clairement avérés, étaient forcément connus de M. l’avocat général.

Mais il faut croire que M. Sabatier a l’indignation sélective : il accueille volontiers les mensonges quand ils nuisent à l’accusé, tandis que la vérité lui est odieuse dès lors qu’elle joue en sa faveur.

Dans un petit tribunal d’instance, ce ne serait pas même acceptable : M. Sabatier devrait être gardien de square ; et si la cinquième république venait un jour à perdre l’équilibre, c’est vraiment ce qui pourrait lui arriver de mieux. Madame Martine Varin, la présidente du tribunal, nage évidemment aussi dans ces eaux noirâtres où se développent activement les bactéries maçonniques. On ne vous parlera pas de Mme Bertella-Geffroy, juge d’instruction, que Jean-Marc appelait gracieusement en plein tribunal, « la juge du sang contaminé ». Cela coûte cher d’avoir de l’honneur aujourd’hui. Mais nous savons maintenant qu’il reste encore de vrais Français.

D’une nature jalouse et possessive, Katarina Viscorova s’en était bien sortie dès le procès en première instance. Elle avait pris soin de prendre maître Pascal Winter pour sa défense, un avocat sioniste qui défendait aussi les « sans-papiers » et qui la poussa à charger son ancien petit ami. Elle sera acquittée. Ce n’est pas très propre, mais elle s’en accommode assez bien, semble-t-il. C’est aussi ce que lui avait conseillé sans trop de scrupules son premier avocat, qui était pourtant un « camarade » de la faculté d’Assas. «Sans elle, rien de tout cela ne serait jamais arrivé », continue à penser le prisonnier dans sa cellule.

Quand le couperet est tombé, j’ai pu échanger quelques propos avec une femme incrédule, refusant de croire que la brigade criminelle pouvait fabriquer des preuves de toutes pièces et couver quelque flic « ripou » comme le clamera l’accusé inlassablement. Ce ne pouvait être qu’une journaliste. Pour elle, évidemment, tout était dans l’ordre. L’important était de bien châtier l’"antisémite", n’est-ce pas ? Nous nous étions arrêtés devant la sortie. Je n’y tins plus :
- Vous n’en avez pas un peu marre, des fois ?
- De quoi ?
- De leur lécher le cul.
- A qui ?
- J’avais déjà poussé la porte vitrée quand je lui ai répondu. J’ai mis mon écharpe pour ne pas attraper froid ; il faisait déjà noir, et j’ai vu des yeux pleurer dans la nuit.