Le cri de la Thénardier
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08/10/03 |
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9.03 t.u. |
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Philippe Randa |
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Jusqu’alors, il était de coutume que les grandes douleurs restent muettes. Business oblige, on étale aujourd’hui ses drames dans les caniveaux de la place publique.
Il fallait oser, Nadine Trintignant l’a fait : publier un livre(1) sur le meurtre de sa fille, deux mois à peine après celui-ci. Et n’y allant pas de main morte, puis qu’elle accuse Bertrand Cantat d’être tout à la fois un « meurtrier » ou un « assassin » à 73 reprises en 167 pages ; à peu près toutes les deux pages, donc ! Ce qui se conçoit bien se répète clairement.
À qui fera-t-on croire qu’une mère puisse écrire en moins de deux mois un livre sur un tel drame personnel, alors qu’elle a en charge de terminer le montage de son dernier téléfilm ?
Est-il indécent de penser qu’elle ait pu être quelque peu aidé pour la rédaction de ce livre ? Et dans ce cas, quid de la sincérité de ses lignes écrites par un ou plusieurs professionnels, cachés dans les coulisses de l’éditeur ?
Marie Trintignant veut influer sur le cours du procès et le crie haut et fort. Son drame, au-delà de la tragique disparition de sa fille, est qu’elle trouve plus facilement des nègres pour son œuvre littéraire que des conseils avisés pour atténuer sa douleur.
La réaction de maître Metzner, avocat du « gentleman »-boxeur incarcéré à Vilnius, a été aussi rapide que prévisible : son client bénéficie comme tout à chacun de la présomption d’innocence avant sa condamnation et vouloir influencer un procès avant même qu’il n’ait débuté est parfaitement inacceptable. D’où une assignation des Éditions Fayard selon une procédure en urgence dite « d'heure en heure » afin de suspendre la diffusion du livre.
Mais n’est-ce pas, en fait, le but des Thénardier de l’an 2003 et de leur éditeur afin de susciter une énorme publicité (gratuite) et faire vendre le plus possible du livre avant une éventuelle interdiction. D’où le tirage énorme à 140 000 exemplaires. Ne doutons pas que les points de vente soient tous largement pourvus et les réassorts rapidement effectués durant toute la semaine.
Les exemplaires qui n’auront pas trouvé preneur lorsque sonnera la décision de Justice se compteront alors sur les doigts d’une demi-main.
« Présenté sur quatre étagères, en tête de gondole du rayon Beaux Arts à la Fnac du Forum des Halles, le livre de Nadine Trintignant ne laissait, hier, pas indifférent », rapporte Le Parisien(2) qui cite un client de passage : « Après la déclaration de l'avocat de Cantat pour faire saisir le livre, je l'achète tout de suite ».
Et l’argent des ventes ? Sera-t-il « versé aux associations de femmes battues », ce qui aurait pu atténuer le dégoût de cette opération marketing sur le cadavre de l’actrice ? Non « il ira, en réalité, aux quatre enfants de Marie Trintignant ». L’argent n’a pas décidément pas d’odeur, surtout lorsqu’il reste dans la famille.
Dieu, que le cri de la Thénardier est laid au fond du tiroir-caisse…
(1er octobre 2003)
Notes
1) Ma fille, Marie, Nadine Trintignant, Fayard.
2) Mercredi 01 octobre 2003
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