Le linge sale des Français déballé
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25/10/03 |
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11.54 t.u. |
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Philippe Randa |
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Retraites, sécurité sociale, Fonction publique et 35 heures : les maux de la société française sont désormais sur la place publique.
Les choses changent. Non dans les faits, mais dans leurs perceptions. La société française vivait sous une chape de plomb savamment entretenue par tous les gouvernements et les cohabitations successives avaient renforcées le phénomène, mais depuis le gouvernement Raffarin, les problèmes de notre société sont pointés du doigt un à un. Pas réglés, non, car il est manifestement impossible de faire passer quelques réformes de fond que ce soit en cette époque où les syndicats brandissent le sacro-saint principe des avantages acquis pour conserver leurs raisons d’être, alors même que leurs rangs se vident inexorablement. Rendons grâce à ce gouvernement d’avoir osé, en moins de deux ans, déballer le linge sale des Français sur la place publique…
Les retraites dans le mur
L’État ne pourrait plus assumer un jour les retraites des Français, faute d’argent. La réforme proposée par le gouvernement Raffarin au printemps dernier était parfaitement inutile, mais au moins a-t-elle eu l’avantage d’avoir fait prendre conscience à nombre de Français qu’il y avait un déséquilibre manifeste entre « public » et « privé ». On ne veut pas y croire, on se dit que c’est impossible, mais en tout cas, on sait désormais qu’il est envisageable que les retraites ne soient plus payées. Il n’y a plus qu’à laisser l’idée faire son bonhomme de chemin dans les mentalités. Un jour viendra, alors…
Fonctionnaires, vous êtes foutus, le peuple finira dans la rue… La Fonction publique enfin passée à l’impitoyable collimateur de la vérité. Certes, le gouvernement n’a pas dit ouvertement ce que pensent l’écrasante majorité des Français (et beaucoup de fonctionnaires eux-mêmes) : la fonction publique est bel et bien aujourd’hui le repaire de l’incompétence et de la paresse. Certes, il n’y a pas eu de dérapage comme celui de l’ancien ministre de l’enseignement Claude Allègre qui désignait l’Éducation nationale comme un « Mammouth » qu’il entendait bien « dégraisser ». Ancien de la Communication, Jean-Pierre Raffarin s’est montré plus subtil. Son gouvernement a seulement émis l’idée que les fonctionnaires pourraient être « rémunérés selon leurs mérites ». Qu’en terme délicat, cette chose-là a été dite. Le tollé n’en a pas moins été magistral chez les syndicats de la fonction publique ; c’est le moins que ceux-ci pouvaient faire, mais comme le gouvernement avait seulement « émis l’idée » sans proposer quoi que ce soit de concret, le tintamarre a été de courte durée. Toutefois, le « mal » est fait : l’idée que les fonctionnaires sont, en ce début de XXIe siècle, les nouveaux privilégiés de la société française auxquels, tôt ou tard, une « nuit du 4 août » fera rendre gorge, fait son chemin. Un jour viendra, alors…
Une Sécu de plus en plus de synthèse
Même chose pour notre système de sécurité sociale. Un système merveilleux que le Monde entier nous envie. Oui mais voilà, il n’est pas viable. Il ne l’est plus. Et depuis longtemps ! Mais la SS est un tabou, on ne peut pas y toucher. Ah bon ! D’années en années, force est pourtant de constater qu’on rembourse de moins en moins de frais, que la liste des médicaments sur la liste noire de ceux qu’on paie de sa poche s’allonge et que les médicaments de synthèse apparaissent, à tort ou à raison, comme des remèdes de pauvres dont on ne veut pas entendre parler. Notre système de sécurité sociale est en passe de ne plus apparaître aussi formidable que cela. Un jour viendra, alors…
Les cadavres de Dame Aubry
Dernière dénonciation en date, celle de la loi des 35 heures pour laquelle le gouvernement envisage prudemment quelques « aménagements », tandis que nombre de parlementaires de droite font assaut de déclarations impitoyables à son égard. Cette loi ne peut d’ailleurs qu’être abandonnée à terme, puisqu’après les bas salaires qui se sont brusquement vus privés de toute possibilité de gagner plus d’argent en travaillant davantage – et qui ont sanctionné la gauche aux dernières élections présidentielles et législatives largement pour cette raison – ce sont les cadres qui ont réalisé que cette loi n’avait qu’un seul but véritable : le blocage des salaires ! L’effet de canicule de l’été dernier a fait prendre conscience aux Français concrètement des dramatiques effets de la loi des 35 heures : l’afflût des malades a mis en évidence le manque crucial de personnel dans les services hospitaliers. Il serait intéressant de savoir si Dame Aubry a visité beaucoup d’hôpitaux durant ce tragique mois d’août 2003 ou si elle se reposait elle-même de sa trop lourde charge en la mairie de Lille dans quelques contrées lointaines… Un jour viendra, alors… Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. De même en politique, ce qui se règle bien doit auparavant s’être conçu tout aussi clairement. C’est sans doute le seul actif qui subsistera de l’action du gouvernement Raffarin.
(13 octobre 2003)
Philippe Randa
Directeur du site www.Dualpha.com
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