Les professionnels de la mendicité
 |
01/12/03 |
 |
5.34 t.u. |
 |
Philippe Randa |
|
Le Revenu Minimum d’Activité (RMA) et le « chèque emploi » proposés aux employeurs sont exemplaires du fossé qui se creuse toujours plus entre pays réel et pays légal. Ce n’est pas des réformettes que les employeurs désirent, mais des gens décidés à travailler. Et ce n’est pas un emploi que nombre de chômeurs exigent, mais davantage d’argent. Sans travailler, évidemment !
Voilà un quart de siècle encore, pointer au chômage était humiliant et nombre de demandeurs d’emploi, forcés alors d’aller régulièrement se soumettre à ce contrôle, baissaient la tête dans les files et cachaient leur état à leurs voisins, à leurs amis et parfois même à leur famille. Le chômage était plus honteux que la maladie, plus honteux que d’avoir vendu du beurre aux Allemands, plus honteux que d’être cocu !
Ne pas occuper sa place dans le monde du travail, vivre aux crochets des autres, était tout bonnement inacceptable. C’était voler et certains préféraient mettre fin à leurs jours que de l’accepter : la mort leur évitait ainsi l’humiliation, tout comme – à cette époque-là ! – les patrons qui ne supportaient pas de continuer à vivre après un dépôt de bilan et tout comme ces officiers qui mettaient – alors ! – leur honneur au-dessus de tout et se tiraient une balle dans la tête lorsqu’ils avaient failli à celui-ci.
Car travailler était alors l’honneur de l’homme. Celui qui ne travaillait pas était un feignant et qui ne pouvait pas vivre aux crochets des autres. S’il voulait manger, il devait retrousser ses manches.
Les temps ont bien changé !
On a supprimé l’obligation d’aller pointer au chômage. Une mesure dont la seule utilité était sans doute de rappeler au bénéficiaire d’ASSEDICS qu’il était à la charge de la société et que cette assistance se devait bien évidemment d’être exceptionnelle.
Force est de constater aujourd’hui qu’un demandeur d’emploi ne se considère plus du tout comme un assisté qui tend la main pour recevoir de quoi survivre, à l’instar du premier clochard venu, mais comme une victime de la société qui renvendique non un droit à travailler pour vivre, mais un droit à être entretenu le plus longtemps possible, voir toujours, par les autres.
Les raisons, pour cela, ne lui manquent pas.
Des emplois, il y en existe, beaucoup même : aucun commerçant, aucun chef d’entreprise ne dira le contraire. Mais il n’y a jamais l’emploi qui convient. Ceux proposés sont forcément aliénants, forcément fatigants, forcément stupides, forcément humiliants. Et surtout, quels qu’ils soient, ils ne sont forcément jamais assez bien payés puisqu’ils sont toujours inférieurs au train de vie que l’on a décrété devoir être le sien.
La plupart des demandeurs d’emplois se sont auto-persuadés que c’était eux qui faisaient l’offre et la demande de la rémunération qu’ils pouvaient ou non accepter. Ceux-là sont désormais convaincus qu’ils ne doivent pas établir leur train de vie en fonction de l’argent qu’ils gagneront, mais exiger un salaire qui leur permette d’assurer celui-ci.
Quant à travailler plus pour gagner davantage, il n’en est pas question, d’autant qu’une loi, celle des 35 heures, est venu les conforter dans l’idée qu’il était normal de toujours moins travailler.
La question est de savoir combien de temps ceux qui triment encore continueront d’entretenir les hordes, toujours plus nombreuses, des professionnels de la mendicité.
(25 novembre 2003)
PS. On aura compris que les demandeurs d’emplois auxquels cette chronique fait allusion sont bien évidemment ceux qui ne cherchent nullement à se réinsérer dans le monde du travail – ou le moins vite possible – et non les demandeurs d’emplois en général.
Philippe Randa
Directeur du site www.dualpha.com
[Diffusion librairie]
BP 58
77522 Coulommiers cedex
Mél. : [email protected]
Tél./Fax : +33-1-(0)1 64 65 50 23
|