08/01/03 8.50 t.u. Jacques Borde

À ce jour, le seul leader de droite française à avoir osé rallier aussi ouvertement la croisade-ratonnade de l’Oncle Bush contre le monde musulman avait été Bruno Mégret !

La différence majeure d’avec le primus inter pares du quasi-groupusculaire MNR, est que le discours du locataire de l’Élysée (taillé en pièces ce matin, sur LCI, par un Séguillon particulièrement remonté), engage, par la force des choses, la France et les Français. Il s’agira de s’en souvenir si, d’aventure, quelque groupie de Bin-Laden choisit de se faire, sauter (façon gare routière à Tel-Aviv) dans un grand magasin, lors des soldes de ce début d’année…

Comme je l’ai écrit, par mél, à Jean-Yves Camus, j’ai cessé toute activité politique en 1981. De fait, je m’exprime assez peu dans les colonnes de supports politiques et sur la politique franco-française. Je l’avais toutefois fait, dans un papier concernant le virage géopolitique de Bruno Mégret, intitulé, La Gamelle étoilée, paru en deux versions successives (l’une sur http://www.dualpha.com, la suivante, plus copieuse, sur http://www.geostraregie.com).

J’y citais, notamment, " cette mise au point sur la guerre conduite par l’Oncle George (et le petit Tony sautillant à ses côtés) faite par le secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallâh (…).

" Jugez-en donc vous-mêmes : “Dire que la guerre [des États-Unis] est une guerre des chrétiens contre les musulmans est une erreur monumentale (…). C’est une guerre menée par un État despote, arrogant et oppressif, contre tous les peuples du monde, les Arabes et les musulmans oui, mais aussi contre les peuples d’Amérique latine, les chrétiens, les polythéistes, les hindous, les sikhs (…), tous ceux qui refusent de se soumettre. Le silence du monde (…) aide les États-Unis à étendre leur nouvel ordre mondial, qui s’avançait auparavant sous le masque des Nations-Unies ". Mais " ce nouvel ordre mondial d’hégémonie américaine, qui ne s’embarrasse plus de paravent, ne durera pas longtemps (…) car quand le puissant est stupide et arrogant, il ne peut rester puissant longtemps”, nous dit Sayyed Nasrallâh, avant de demander l’arrêt des frappes en Afghanistan, “pas seulement à cause du mois sacré de ramadan, mais aussi parce que le sang des vieux, des enfants, des femmes et des personnes innocentes, qui meurent par centaines en Afghanistan, n’en est pas moins sacré que le ramadan” ".

Concernant les positions du MNR, je notais qu’on y parlait désormais du " ralliement à l'Amérique, et à elle seule. C’est-à-dire sans affirmer le rôle européen et eurasiatique de Moscou ".

J’en tenais pour preuve ce numéro de La Lettre de Bruno Mégret (décembre 2001), où il était écrit en toutes lettres (je n’invente rien) que " le 17 octobre dernier, le Comité national du MNR a adopté une motion désignant les adversaires prioritaires du mouvement de Bruno Mégret ". Le MNR, " à l’échelle du monde ", faisant la différence entre " l’ennemi principal et les adversaires secondaire ", y " désigne l’islamisme comme l’adversaire principal (…) sans pour autant exonérer les Américains de leurs responsabilités dans la montée de ce danger et plus généralement dans le développement du mondialisme ".

Washington n’étant même plus qualifié d’ " adversaire secondaire ".

D’une certaine manière, on peut dire que Jacques Chirac vient de faire siennes (d’officialiser, en fait), les idées détestables de Mégret au plan international.

Faut-il vraiment s’en surprendre ?

À lire les salmigondis récents de son chef de la diplomatie, Dominique Galouzeau de Villepin, c’est là, tout au plus, la confirmation d’un positionnement qui n’a rien à voir avec les postures récentes du MNR (Chirac ne consultant que fort peu les seconds couteaux). Rappelons surtout qu’elle n’a rien de bien étonnant, lorsqu’on sait que les voix les plus écoutées de Chirac en matière internationale sont, outre Villepin, celles de Jean-Claude Lévitte et de Pierre Lellouche, le second aux positions pro-israéliennes de plus en plus ouvertement affirmées.

À quoi, tout cela va-t-il nous mener ? Au pire probablement.

Car à déclarer la guerre aux gens, il est à craindre qu’en retour, ces derniers ne nous la fassent pour de vrai…

Que nous reste-t-il comme recours avant l’irréparable ?

Chirac, à moins qu’il en revienne (comme c’est souvent le cas) sur ses engagements publics, a promis de consulter le Parlement, où il est à craindre que sa majorité toute fraîche lui emboîte le pas.

Car qui votera contre ?

Officiellement, le PS, par la voix de Jean-Marc Ayrault, fait montre d’une fière réticence. Idem pour le PC et les Verts.

Mais ne rêvons pas. Lorsque Michel Grimard, le courageux président du (gaulliste) Mouvement Chrétien Ve République a officiellement demandé par courrier à l’ensemble du corps législatif d’appuyer son appel contre la guerre, il n’a recueilli que 75 signatures…

L’Histoire serait-elle en train de nous repasser les plats ? En 1940, à peu près le même nombre d’élus (majoritairement de gauche) du peuple s’étaient opposés aux pleins pouvoirs accordés au maréchal Pétain.

2003. Combien, dans une assemblée majoritairement de droite (UMP), s’opposeront aux pleins pouvoirs accordés à George W. Bush ? Gageons que la paix n’y gagnera guère. Restera à la France à se faire à l’idée qu’elle sera conduite au feu dans une Union (aussi) Marécageuse (que) Pétainomorphe.

" Lâchez les chiens de guerre et criez pas de quartier ", fait dire Shakespeare à Marc-Antoine dans son Jules César. Ce couplet pourra nous être joué lors de l’annonce officielle de notre entrée en guerre. À cela près que – tout caniches de l’Oncle Sam que nous soyons devenus – rien ne nous dit que nous serons forcément, et toujours, du bon côté de la laisse…