Malaise judiciaire
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14/01/03 |
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3.27 t.u. |
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Philippe Randa |
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"Je dormirai bien cette nuit en sachant que j'ai pris la bonne décision" a déclaré le gouverneur américain de l'Illinois, après avoir gracié quatre condamnés à mort. Le gouverneur George Ryan a dans le même temps commué en peine de prison à perpétuité la peine capitale infligée à tous les condamnés à mort de son État. Décision sans précédent, lit-on de toutes parts.
Sondages serviables et variables
Les partisans de l'abolition de la peine de mort jubilent et les sondages fleurissent pour annoncer que décroît le nombre d'Américains encore favorables au maintien et à l'application de la peine de mort.
C'est oublier que "le dernier sondage de l'institut Gallup, sur ce sujet, date d'octobre [2002], alors [que] les tireurs isolés de la périphérie de Washington faisaient des victimes ; la proportion des partisans de la peine capitale était alors de 70 %".(1)
Un sondage en chasse un autre et les convictions du peuple américain, comme de tout peuple d'ailleurs, semble à l'évidence des plus changeantes.
Un sondage ne prouve rien. Tout le monde le sait, mais cela n'empêche personne de les brandir quand ils sont favorables à l'opinion que l'on défend ; on les oublie ou on les néglige quand ils sont contraires. Cela n'a rien de bien nouveau.
Ce qui est néanmoins consternant dans les commentaires sur la décision du gouverneur George Ryan, c'est la confusion savamment entretenue par les abolitionnistes.
Le scandale, ce sont les dix ans de procédure
Tout d'abord, le gouverneur de l'Illinois a pris sa décision après avoir acquis la conviction que les quatre condamnés à mort étaient innocents des crimes qu'on leur repro-chait et que leurs aveux avaient été acquis sous la torture par des poli-ciers indignes.
J'ignore bien évidemment ce qu'il en est et suis prêt - pourquoi ne le serais-je pas, d'ailleurs ?(2) - à partager sa conviction, mais, alors, ce n'est pas la peine de mort qui doit être remise en cause : ce sont certaines pratiques policières et surtout le fonctionnement de la justice américaine.
Oublie-t-on qu'une enquête de police et ses conclusions sont versées à un dossier d'instruction et qu'un procès a lieu ensuite où les prévenus bénéficient du soutien d'avocats ?
Dans le cas des quatre prévenus, la peine de mort tant décriée qui leur a été signifiée, ne leur a toutefois pas été appliquée tant que subsistait un doute et que des recours étaient possibles. C'est heureux pour eux. Que les procédures aient durées dix ans pour convaincre le gouverneur d'un État de leur innocence, c'est là où se situe le malaise.
Bien sûr, question lenteur, la Justice américaine n'a guère à envier à celle de notre propre pays, mais que ceux qui remettre en cause la peine de mort afin d'éviter une toujours possible et regrettable erreur judiciaire, veuillent bien mettre également dans la balance le nombre de victimes des récidivistes.
On le sait pour les cas de pédophiles ayant été jusqu'à l'assassinat de leur victime : la récidive est pour eux proche des 100 %.
Notes
(1) Le Monde, 11 janvier 2003.
(2) Les quatre hommes graciés samedi dernier avaient été interrogés au début des années 90 dans un commissariat de Chicago dont le chef, Jon Burg, a été chassé de la police après avoir été accusé de torturer les suspects de meurtre.
Philippe Randa
Directeur du site www.Dualpha.com
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