01/03/04 13.58 t.u. Erwan Tison

Le " Nom de la Rose " était programmé cette semaine encore. C’est un film magnifique et envoûtant. Légèrement anti-catholique, peut-être, mais tellement vrai. " C’était comme ça ", au Moyen-Âge, eh oui ! et vous perdriez votre temps à essayer de prouver le contraire, car la force suggestive des images et le poids de l’historiographie marxiste et républicaine depuis des décennies ont modelé les esprits en profondeur. Alors allez-y tranquillement ; c’est pas la peine de s’échauffer pour si peu. Balancez tout simplement, avec une pointe de dépit et de résignation : " On ne me fera pas croire qu’une civilisation qui a engendré les cathédrales gothiques soit totalement mauvaise. "

Là, vous avez donné la conclusion. A ce niveau de la discussion, généralement, le silence se fait, et l’on passe à autre chose. Vous offrirez plus tard le petit livre éclairant de 150 pages de Régine Pernoud (Pour en finir avec le Moyen-Âge) ou celui sur l’Historiquement Correct de Jean Sévilla (borgne to be alive ! – non, on dit ça parce que le brave homme a systématiquement pris soin de ne pas égratigner LA Communauté): ce sont des armes efficaces. Achetez-les ; lisez-les ; diffusez-les massivement, et n’ayez pas peur de craquer votre pognon : c’est pour la Cause.

A propos de cathédrales gothiques, si vous aimez voyager en Europe centrale, vous trouverez la dernière, la der des der, à l’est de la Slovaquie, dans la ville de Košice (prononcer Cauchitsé). C’est un peu curieux de découvrir un monument pareil au milieu de tout le baroque habsbourgeois de ces contrées montagneuses. On vous parle de Košice parce qu’il vient de s’y dérouler cette semaine de drôles d’événements. En plein milieu de l’Europe, dans la petite Slovaquie, des milliers de policiers et des centaines de militaires ont été mobilisés pour faire face aux émeutes de tsiganes. Des affrontement très violents ont en effet eu lieu. Les manifestants avaient placé tactiquement les femmes et les enfants en avant pour piller les magasins, afin de semer le trouble dans les rangs des forces de l’ordre. Pas bêtes, ces gitans ! contrairement aux apparences. Ils protestent violemment contre une décision du gouvernement de porter l’aide sociale de 24.60 euros, à… 36.90 euros par semaine, mais à condition de travailler 10 heures hebdomadaires pour des " travaux d’intérêt collectifs ". Décision terrible, s’il en est, pour des gitans. C’était là un affront évident pour un gitan bien né, une véritable atteinte aux traditions. " Ça fait six siècles qu’on est installé chez vous et que l’on vit sans travailler. On ne va tout de même pas commencer à bosser maintenant ! ", aurait pu dire le représentant de la Communauté. Dans certains villages, confirme Le Figaro (27 février 2004), le taux de chômage atteint 100 % !

Pour être passé dans la région l’année dernière, je peux vous confirmer que les villages tsiganes de l’est de la Slovaquie présentent un aspect très pittoresque : parpaings gris, tôles ondulées et pieds dans la boue. Les jeunes " villageois " poussent quelques brouettes le long de la route, transportant ce que, plein d’a priori racistes, on imagine être le produit de leurs larcins. Leurs mines ne donnent pas tellement envie de s’arrêter pour taper la discussion. Si vous avez une panne de moteur à ce moment-là, bonjour l’angoisse. Bref, pour les Slovaques de Košice, les tsiganes, c’est l’enfer. Ce qui n’empêche pas Maurin Picard, la petite fiente du Figaro, d’y aller de son couplet moralisateur et culpabilisant : " Bien qu’ils soient présents dans la région depuis le XIVe siècle, les Roms souffrent de préjugés solidement ancrés dans la conscience populaire ". Picard… Picard… Généralement, quand un journaliste fait l’apologie de l’immigration et du métissage, il suffit de gratter un peu le nom ou le pseudonyme...

Même jour, même journal : les ennemis d’Ivan Rioufol ne sont pas les tsiganes. L’homme s’inquiète du péril islamiste, suite à un message du bras droit de Ben Laden diffusé sur une télévision arabe qui visait la nouvelle loi de la république française sur la laïcité. Manifestement, ça ne leur a pas plu, mais alors pas du tout. Ils sont très très en colère, alors Ivan fait dans son froc. " La France n’est pas à l’abri de la terreur fondamentaliste ". Bon, reconnaissons que le propos a le mérite de donner au lecteur une certaine conscience identitaire. Et puis, il faut aussi un peu de courage pour s’en prendre frontalement aux islamistes comme il le fait. Le Parlement néerlandais a approuvé un projet d’expulsion de 26 000 demandeurs d’asile déboutés. " Seraient-ce de si mauvais exemples ? " s’interroge malicieusement notre journaliste, qui préconise la fermeté pour empêcher l’entrée des islamistes sur notre sol. En somme, Ivan Rioufol n’est pas tellement gêné par l’immigration du tiers-monde, à condition que ce ne soit pas des islamistes qui remettent en cause les valeurs de notre chère bonne vieille République métisse, métisseuse, bancale, claudiquante, roublarde, et incontinente.

Les ennemis du Nouvel Observateur sont tout autres. L’hebdomadaire a titré cette semaine en couverture : " La secte qui veut conquérir le monde ". Il s’agit bien sûr des évangélistes américains et de leur mentor George Bush. Planisphère à l’appui, le journal nous prouve par A plus B que la pieuvre est en train de soumettre l’humanité toute entière à sa loi. Même l’islam recule devant ce monstre tentaculaire. Nous apprenons que trois ministres du gouvernement Bush appartiennent à cette secte. Bon, d’accord, tous les autres sont juifs, mais ce n’est pas la peine de le crier sur les toits…

Dans le même journal, on s’aperçoit que Dieudonné, l’humoriste noir, a lui aussi ses phobies. Le 20 février, son spectacle à l’Olympia a été annulé, suite à ses sorties douteuses et empreintes (…d’antisémitisme… chuuut !). Après avoir combattu le Front National quand il officiait avec son ancien pote Elie Semoun, Dieudonné M’bala se mesure enfin avec son maître. " A la sortie du métro, un grand Noir en pardessus se précipite vers la foule que l’on aperçoit devant l’Olympia. On l’interpelle : " Pourquoi allez-vous manifester ? " demande le journaliste. Sans hésiter, le jeune homme répond : " Pour combattre la puissance invisible qui a voulu nous donner une leçon ". " Mais qui est cette puissance invisible ? " Pas de réponse. " Mais à qui a-t-on voulu donner une leçon ? " " A la communauté " dit-il, la " communauté noire ".

Bref, les ennemis sont partout, si l’on comprend bien. Il y a les catholiques, les tsiganes, les islamistes, les évangélistes et la " puissance invisible ". Il ne manque au tableau que les skinheads et les capitalistes. Mais les skinheads n’ont jamais existé que dans les films de Roger Hanin. Quant aux capitalistes, on a pas trouvé cette semaine l’abruti de trotskiste de fin de cortège pour nous en parler. Bon, vous faites comme vous voulez, mais pour ce qui nous concerne, on considérera toujours que les ennemis invisibles sont les plus dangereux. Et si Dieudonné veut faire un bout de chemin avec nous avec sa machette, nous l’accueillons bien volontiers lui aussi, et lui offrons ce verre de bon vin et ces quelques tranches de saucisson pur porc pour lui donner du cœur à l’ouvrage ! Les musulmans hier, la Communauté noire aujourd’hui : comme prévu, l’Alien réussit à se mettre tout le monde à dos. La Grande Alliance des parias et des déshérités est en train de prendre forme sous nos yeux. Il ne nous manque plus que les gitans du Blanc-Mesnil pour parfaire le tableau. Si on leur dit qu’il y a des belles bagouzes en or à voler et qu’ils pourront à loisir se torcher le fias dans les rideaux des appartements du XVIème ou de Deauville, ils pourront à coup sûr nous rendre de fiers services. Ah oui, j’oubliais : il faudra aussi ouvrir toute grandes et dès que possible les portes des prisons. Je suis certain qu’il y a des gens bien là-dedans, et qui ne demandent qu’à nous aider. Ils donneront du fil à retordre à la police républicaine, dans un premier temps, et nous fileront un sacré coup de main pour le dernier coup de balai. On se frotte déjà les mains !

Erwan Tison