
Qui veut noyer son chien…
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27/04/04 |
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8.56 t.u. |
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Tahir de la Nive |
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Madrid : commentaire N°1.
Le proverbe est bien connu, son application expliquant l’usage par les media de l’expression « terroristes islamistes ».
Or, qu’est-ce qu’un terroriste et qu’est ce qu’un islamiste ?
Un terroriste, c’est un individu qui utilise la terreur comme moyen d’arriver à ses fins. En politique plus précisément, le terme désigne une organisation, étatique ou non, armée conventionnelle ou clandestine, qui frappe les dirigeants politiques, industriels, militaires ou autres d’un pays, ou encore, plus fréquemment, sa population ; ceci en vue d’infléchir la politique interne ou internationale de ce dernier. Le terrorisme est donc un acte de guerre, civile ou étrangère, plus précisément de guerre psychologique, car c’est le psychisme des masses et/ou de leurs dirigeants qu’il s’agit de frapper à travers le physique des victimes. Il va sans dire que le volume de destruction sera déterminé en fonction de l’ampleur ou de la profondeur du choc psychologique à produire. La stratégie terroriste peut certes rechercher tout un éventail d’effets à atteindre, dans tout autant d’objectifs et de buts qu’il est possible au cerveau politico-militaire responsable de cette stratégie d’en définir. Nous en retiendrons ici deux principaux, selon que cette stratégie est menée par une armée conventionnelle ou clandestine.
Dans le premier cas, le type de conflit est de nature conventionnelle : deux puissances en guerre s’en prennent aux populations, les soumettant à des destructions de biens et de vies, à des souffrances quotidiennes afin de les décourager de la poursuite des hostilités, de les désolidariser de leur commandement politico-militaire qu’il s’agit de dénoncer comme responsable du conflit et de ses conséquences en même temps qu’incapable de protéger ses administrés. Cette stratégie s’est développée aux 19e et 20e siècles, grâce aux moyens de destruction et aux vecteurs que lui ont donnés l’artillerie lourde pilonnant les villes, puis surtout l’aviation de bombardement stratégique. L’emploi de cette dernière, notamment, a donné naissance, au cours de la Guerre 1914-1918, aux théories du général italien Douhet, à l’origine soucieux de réintroduire, fût-ce dans les airs, le mouvement que la « guerre des tranchées » avait figé sur terre, développant subséquemment une stratégie de destruction de l’appareil logistique de l’ennemi, puis enfin de destruction de ses centres urbains. Cette stratégie fut systématisée par les Anglo-saxons lors du conflit suivant, puis encore en Indochine et en Irak (1), sans d’ailleurs obtenir les résultats escomptés, les populations prises en mains par des appareils politico-militaires forts et organisés se resserrant autour de ces derniers.
Le second cas débouche sur une analyse beaucoup plus complexe, en fonction de la nature clandestine des acteurs. Car si on peut en général identifier les victimes d’un attentat, les acteurs, eux, demeurent dans leur nébuleuse et avec eux la stratégie qu’ils sont supposés suivre ainsi que le cerveau orchestrant cette dernière. La question la plus raisonnable en vue de leur identification et avant même toute analyse de leurs moyens et de leur technologie, demeure : A qui profite le crime ? Ou encore : quelle est sa cible réelle, politique ; ceci dit en admettant que les cadavres déchiquetés, que les blessés hurlant leur douleur et leur terreur ne soient qu’un moyen, la cible réelle étant une entité politique ou plusieurs simultanément. Comme dans le premier cas, il s’agira de culpabiliser et de discréditer un appareil politico-militaire qui n’a pas su préserver le pays des maux dans lesquels une politique imprudente l’a engagé. L’autre victime de la stratégie sera le groupe politique auquel est attribuée la responsabilité de cette stratégie, tant il est évident que le juste courroux de la population frappée pourra être canalisé par les media en vue d’avaliser la mise hors la loi et la répression du groupe en question. Il se greffe là-dessus des effets plus vastes, telles la transformation du pays en régime policier, sa déstabilisation politique et sociale, ou encore des conséquences économiques graves résultant de l’éloignement d’investisseurs étrangers ou de la crise du tourisme.
Dans ces deux principaux cas de figure, le « moyen » reste le même : frapper la population en gros ou en détail, selon d’une part les moyens dont on dispose, selon d’autre part que l’on veuille donner un simple coup de semonce ou frapper massivement et pour de bon. Dans ces deux cas, il s’agit de tuer, de blesser, de traumatiser à vie des centaines, des milliers d’innocents. Un terroriste politique est donc un individu ou un groupe au service d’une des stratégies évoquées, qui délibérément y participe et accepte donc d’être acteur principal ou complice du crime qu’elle implique.
Qu’est ce à présent qu’un islamiste ?
C’est le partisan d’un système spécifique : celui qui découle de l’Islam et s’en veut l’application politique, économique, sociale et culturelle. Cette adhésion n’implique pas forcément celle à la théologie musulmane. En effet, si on admet que tout Musulman sincère, c’est-à-dire tout individu qui a prononcé de son plein gré la profession de foi selon laquelle l’Univers est régi par un principe unique, par un système de lois révélé au cours des âges par environ trois centaines d’hommes porteurs d’un message divin, le dernier d’entre eux, la paix soit sur eux tous, étant l’Arabe Mohammed porteur du Coran ; éprouvera le désir ardent de vivre au sein de l’ordre régi par ces lois et conforme à cette profession de foi, on admettra alors qu’il est aussi, nécessairement, un Islamiste. On peut par ailleurs admettre qu’un individu ou un groupe donné adhère à ce système parce qu’il en approuve les applications temporelles, sans forcément en reconnaître les fondements théologiques. Il est d’ailleurs notoire que le premier discours tenu par Mohammed aux notables de sa cité natale (2) était non point religieux mais essentiellement politique, les appelant à un renouveau de la Nation Arabe et à une purification de leur paganisme de l’idolâtrie ambiante. C’est encore un choix politique qui guida les habitants païens de Médine à appeler Mohammed à la direction de leur cité. Il semble d’ailleurs que celle-ci soit restée longtemps à majorité païenne, la population adhérant progressivement et librement à la théologie du Coran dont la révélation n’était pas encore achevée lors de l’arrivée de Mohammed et donc de la proclamation de l’Etat islamique dans leurs murs.
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